Eglises d'Asie

LETTRE PASTORALE DE LA CONFERENCE DES EVEQUES A TOUT LE PEUPLE DE DIEU AU VIETNAM

Publié le 18/03/2010




1 – Préambule

Au cours des douze années écoulées depuis la création de la Conférence épiscopale du Vietnam, de profondes transformations ont affecté l’économie, la politique, la société ainsi que l’Eglise elle-même. Durant cette réunion, nous avons voulu nous pencher ensemble sur la réalité pour tenter une analyse et une évaluation de l’état actuel de la société et de l’Eglise. Nous pourrons ainsi, frères et soeurs, vous guider sur le chemin de l’Evangile.

Nous n’avons naturellement pas l’ambition d’aborder l’ensemble des questions qui se posent. Nous nous limiterons seulement à celles qui préoccupent notre nation et notre Eglise.

2 – Joie et espérance

Lorsqu’en cette fin du XXème siècle, nous portons notre regard sur le monde et sur notre pays, beaucoup d’éléments nous incitent à nous réjouir et à espérer avec toute l’humanité et avec nos compatriotes.

Les progrès scientifiques et techniques de ce siècle ont aidé les hommes à réduire les durées et les distances. Les peuples se sont rapprochés les uns des autres. Ils se comprennent mieux, se respectent et sont devenus plus attentifs les uns aux autres.

Avec le reste de l’humanité, notre peuple s’efforce, lui aussi, de progresser. Le changement de mentalité et la transformation économique de ces dernières années ont rendu la vie des gens du peuple un peu plus aisée. L’établissement d’échanges commerciaux et culturels avec les autres pays nous a aidé à élargir notre champ de vision et à nous accorder au rythme de vie de l’ensemble du monde. Les changements qui ont marqué la vie politique, en particulier les efforts accomplis pour appliquer la loi, ont inspiré une plus grande confiance à la population. De nouvelles orientations ont été prises qui donneront à beaucoup la possibilité de développer et d’enrichir leurs capacités particulières. Elles permettent d’espérer qu’un grand nombre de personnes de talent se mettront au service de notre pays.

C’est donc la joie et l’espérance qui dominent en nous lorsque nous portons notre regard sur nos compatriotes et sur l’ensemble de l’Eglise au Vietnam.

3 – Dans la société

D’une manière générale, les enfants sont l’objet des soins attentifs de toutes les couches de la population; leur docilité laisse bien augurer de l’avenir.

Nos jeunes gens ne manquent pas de capacités intellectuelles et sont remplis d’enthousiasme. Ils sont prêts à se dévouer en de nombreux domaines.

Les familles, malgré les nombreuses crises qu’elles affrontent à notre époque, sont encouragées à conserver le mode de vie traditionnel tout en s’orientant vers un nouvel équilibre.

4 – Dans l’Eglise

Au sein de notre Eglise, il ne manque pas de vies exemplaires animées par l’esprit évangélique.

Dans les familles, les enfants sont généralement bien élevés, dociles, polis et assidus à l’étude du catéchisme.

Les jeunes gens dans leur majorité sont généreux, animés par de nobles idéaux. Ils vivent leur foi dans la fidélité au Seigneur et à l’Eglise, malgré toutes les difficultés rencontrées.

Les parents sont persévérants dans la pratique religieuse, soucieux de la bonne éducation de leurs enfants. Ils observent scrupuleusement les lois de l’Eglise sur le mariage et sont ainsi un exemple pour les personnes de leur entourage.

Prêtres, religieux et religieuses, malgré toutes les difficultés, continuent de garder des liens étroits avec leurs supérieurs et ne ménagent pas leur peine au service de l’Eglise et de la patrie.

Il faut noter en particulier que le nombre des jeunes gens, garçons et filles, qui demandent à entrer au séminaire ou à mener une vie religieuse, est en très nette augmentation. Ceci montre que chez nos compatriotes croyants, la vie consacrée est encore susceptible d’attirer les nombreux jeunes gens qui désirent se consacrer au service de tous.

En résumé, tous ces chrétiens exempl aires, chacun à sa manière et selon sa place dans l’Eglise, contribuent à accroître la joie et l’espérance de l’Eglise.

5 – Des inquiétudes

A côté des joies et des espoirs que nous venons de mentionner, nous découvrons, lorsque nous examinons notre société et notre Eglise, beaucoup d’autres aspects préoccupants.

Nous en énumérons un certain nombre pour les présenter à votre réflexion:

– la planification familiale qui est certes une nécessité mais qui devrait n’utiliser que des méthodes naturelles et promouvoir l’éducation matrimoniale et familiale;

– l’esprit hédoniste et l’attirance que les biens de consommation exercent sur les jeunes alors que ceux-ci ne jouissent pas encore des conditions de vie conformes à leur dignité humaine et à leurs possibilités, notamment dans les campagnes ou dans les régions montagneuses;

– la prostitution et de nombreux autres fléaux sociaux qui se développeront encore davantage si nous ne prenons pas des mesures susceptibles de leur faire obstacle et de les prévenir.

La situation de l’Eglise du Vietnam présente aussi certains aspects qui nous préoccupent:

– L’insuffisance de personnel aussi bien dans le corps épiscopal et sacerdotal que que chez les laïcs au service des diverses parties du peuple de Dieu dans les paroisses. Cette insuffisance ne concerne pas seulement leur nombre mais aussi leur qualification.

– Les fidèles, dans leur grande majorité, pratiquent leur religion avec ferveur, sont assidus à la prière et fidèles aux sacrements. Un certain nombre d’entre eux sont animés par un esprit missionnaire. Cependant, de façon générale, nos fidèles n’ont pas une conscience suffisante de leur rôle de témoins du Seigneur dans la vie. Sans doute parce qu’ils n’y ont pas été assez préparés, mais aussi, parce que ce témoignage se heurte à de nombreuses limites. Ainsi, l’ensemble de nos moyens et de nos capacités n’a pas encore été utilisé au service de la mission, comme nous y invite la dernière encyclique de Jean-Paul II, “Redemptoris missio” (n° 2).

– Les fidèles qui vivent dans les zones d’économie nouvelle et dans les régions montagneuses n’ont pas encore reçu toute l’aide dont ils auraient besoin pour vivre leur foi.

– En règle générale, les familles conservent les valeurs traditionnelles et observent fidèlement la loi du Seigneur. Mais cette persévérance est menacée par un certain nombre de fléaux comme l’avortement, le divorce, l’alcoolisme et la drogue.

– Dans un certain nombre de régions, une certaine discrimination s’exerce encore contre les croyants, sans doute à cause de l’interprétation subjective et de l’application opportuniste des directives concernant les activités religieuses.

6 – Causes des insuffisances préoccupantes de notre société

Pour avoir une vue exacte de l’objet de nos préoccupations, en même temps que pour déterminer l’orientation à suivre, il est nécessaire de chercher les causes du mal.

Peut-on affirmer que les difficultés économiques sont à la source de l’état de choses que nous avons décrit ? Nous pensons au contraire qu’elles n’en forment que le contexte, l’élément décisif étant le facteur humain.

Pour gérer l’homme et la société, il faut en avoir les capacités; mais il y faut aussi de la vertu. Un homme capable mais dépourvu de vertu peut devenir malhonnête. Sans capacités, un homme vertueux n’obtiendra pas les résultats escomptés. Ceux qui nourrissent un idéal et possèdent des raisons de vivre sont prêts à tout leur sacrifier. Le héros place l’avenir de son peuple et de son pays avant même sa propre vie. Nos saints martyrs ont placé leur foi et leur espérance au-dessus de tout.

La loi qui est le cadre nécessaire à l’existence ainsi qu’au maintien de l’ordre et de la justice sociale ne jouit pas encore du respect suffisant.

7- Ce compte rendu de nos joies et de nos espoirs et cet examen de la situation actuelle nous amènent à penser que si nous voulons progresser, il nous faut avant tout mener à bien une réforme morale des hommes et de la société. Nous devons restaurer les valeurs spirituelles qui constituent l’âme du Vietnam tout en accueillant ce qu’il y a de meilleur dans les plus hautes cultures de l’humanité. L’âme du Vietnam se manifeste dans le comportement de la personne, de la famille et de la société, un comportement marqué par la pudeur, la piété filiale, l’esprit fraternel, la modestie, le respect du devoir et le mépris des richesses.

8 – Vivre l’Evangile et apporter le bonheur à la vie humaine

Nous pensons que, si nous voulons collaborer avec nos compatriotes et apporter notre propre contribution en cette période décisive pour notre patrie, nous devons d’abord être des chrétiens dignes de ce nom. L’évangile, notre bien le plus précieux, constituera notre participation propre à l’édification d’une société plus belle et plus humaine. Pour cela nous devons vivre l’Evangile et mettre en pratique les paroles du Seigneur : “Pourquoi m’appelez-vous ‘Seigneur, Seigneur’ et ne faites-vous pas ce que je dis!” (Lc 7, 46). Vivre l’Evangile c’est à dire être uni au Christ et le prendre pour modèle. Tout ce que le Seigneur nous a enseigné se résume dans l’amour de Dieu et dans celui des hommes. En vivant l’amour de Dieu et des hommes, nous apporterons à notre pays la contribution la plus précieuse qui soit : nous lui aurons donné des hommes justes (1).

Par ailleurs, nous apporterons à nos compatriotes la lumière de l’Evangile comme le dit Jean-Paul II dans l’encyclique “Redemptoris missio”, “car le Christ rédempteur révèle pleinement l’homme à lui-même… La Rédemption réalisée au moyen de la croix a définitivement redonné à l’homme sa dignité et le sens de son existence dans le mondeDans une société qui a besoin de restaurer les valeurs morales pour l’homme, l’Evangile se présente comme la source même de cette restauration.

Le Fils de Dieu s’est fait homme et a vécu dans sa totalité la condition humaine pour nous enseigner comment vivre en homme et en enfant de Dieu. Vivons nous mêmes les valeurs évangéliques et présentons-les à notre prochain. Tel sera notre effort pour introduire l’Evangile dans la culture de notre pays.

9 – Créer un mode de vie et une façon d’exprimer la foi, plus imprégnés d’esprit national

Dès le début, nos ancêtres ont su utiliser ce qu’il y avait de meilleur dans le trésor de notre culture nationale pour exprimer leur foi ainsi que leurs relations avec le Seigneur: Ils l’on fait dans la musique, l’art, l’architecture, les rites, et même dans l’organisation familiale, villageoise et paroissiale. Aujourd’hui, les divers échanges entre les nations rendent les diverses cultures plus proches et plus accueillantes les unes aux autres.

Chercher un style de culture nationale ne signifie pas remettre en vigueur des coutumes désuètes mais faire en sorte que les caractéristiques de notre peuple soient présentes dans notre façon de prier et de chanter, dans la célébration de la liturgie, dans notre vie quotidienne aussi bien que dans la réflexion et le langage théologiques. Cette oeuvre doit être réalisée aussi pour chaque minorité nationale de telle sorte que chaque peuple conserve son caractère particulier à l’intérieur de l’Eglise. Il s’agit d’une oeuvre de longue haleine qui a besoin du concours de toutes les compétences et qui doit suivre une direction commune afin d’éviter tout subjectivisme.

10 – Renforcer la vie familiale

La famille est le premier milieu où se vit l’Evangile. Elle est aussi la cellule de base de la société. “Le mariage et la famille édifient l’Eglise; la famille est comme un concentré d’Eglise” (Familiaris consortio, 15). “Plus encore la famille chrétienne… manifeste à tous les hommes la présence vivante du Sauveur dans le monde et la véritable nature de l’Eglise, tant par l’amour des époux, leur fécondité généreuse, l’unité et la fidélité du foyer, que par la coopération amicale de tous ses membres” (Gaudium et spes,48).

La place et la mission de la famille chrétienne dans la société et l’Eglise lui imposent de se renouveler tout en gardant fermement et en développant les valeurs morales de la famille vietnamienne, sublimées par l’Evangile et le sacrement du mariage. C’est grâce à cette première et fondamentale étape que la communauté ecclésiale sera rendue vivante et capable de propager l’Evangile. En même temps, cette rénovation de la famille contribuera à la restauration de la morale sociale et à l’édification d’une société juste ; elle fera aussi obstacle aux germes nocifs qui, à la faveur des échanges économiques et culturels, tendent à empoisonner les esprits.

Vivre l’Evangile dans la vie de famille c’est garder cette fidélité dans l’amour, recherchée et exaltée par toutes les générations. Le Christ l’a consolidée par le sacrement du mariage. C’est Lui en effet qui en s’appuyant sur la Genèse, a restauré l’égalité de l’homme et de la femme et l’indissolubilité du mariage (Gn 2, 18-24, Mt 19,6).

Dans une société où la vie familiale est menacée par le fléau du divorce et par des comportements contraires à l’idéal de vie vietnamien, la fidélité entre époux chrétiens constituera une source lumineuse et un encouragement pour les autres familles.

11 – Le respect de la vie

Un amour conjugal sincère, ardent et durable est la seule réponse à l’appel que le Seigneur a adressé à l’humanité : “Soyez féconds, remplissez la terre et dominez-la” (Gn 1, 28). Parce que l’enfant est le fruit de l’amour conjugal en même temps que l’amorce d’un nouvel amour entre les parents et celui qu’ils ont mis au monde, il doit être aimé, respecté et servi dès la premier moment de sa vie. Les parents doivent pouvoir aimer leur enfant dès avant sa conception pour qu’il ne soit pas seulement la conséquence imprévue de l’affection du couple.

Etant donné l’état actuel de la croissance démographique dans le monde et plus particulièrement dans notre pays, compte tenu du développement économique, il n’est plus possible de faire confiance à l’ancienne maxime: “Le Ciel qui fait naître l’éléphant fait aussi pousser l’herbe pour le nourrir“. Cette formule avait une certaine valeur pour une époque agricole où les terres étaient vastes et les hommes peu nombreux. Aujourd’hui où l’humanité a recouvert toute la surface de la terre, il faut d’abord songer à la façon de nourrir et d’éduquer le nouvel être vivant. Il faut noter en outre que l’ordre de remplir la terre est associé à celui de la dominer. Il faut pouvoir nourrir, éduquer l’enfant et lui permettre de devenir un homme. Cela nous conduit aux questions les plus urgentes et les plus importantes de notre temps, l’engendrement responsable et l’éducation des enfants. Dès que les fidèles se préparent au mariage, ils doivent y penser: ils réfléchiront ensemble à la famille qu’ils vont fonder, aux divers problèmes liés aux conditions de vie matérielles aussi bien que spirituelles, au nombre d’enfants qu’ils pourront accueillir et élever dignement; c’est ainsi qu’ils témoigneront de leur amour mutuel et de celui qu’ils portent à leur enfant (Gaudium et spes, 50).

12 – Education familiale

Les parents sont les premiers et principaux éducateurs de l’enfant. Nos ancêtres disaient: “Il faut éduquer l’enfant dès son plus jeune âge“. De nos jours, la science nous enseigne que la psychologie et la santé de l’enfant sont influencées, dès avant sa naissance, par la vie physique et spirituelle de la mère. Ensuite, le comportement parental jouera un grand rôle dans sa croissance.

Si l’on veut aider l’enfant à résister aux tentations et aux mauvaises influences dans un environnement en partie vicié par divers fléaux sociaux, il faut associer les méthodes coercitives à une éducation de sa conscience, destinée à lui apprendre à apprécier justement ce qui se présente à lui, à distinguer le bien et le mal, l’utile et le néfaste. L’éducation doit apprendre à l’enfant à se sentir responsable de lui-même et de la société. En particulier, l’éducation sexuelle ne peut se réaliser d’une façon saine que dans l’ambiance affectueuse de la cellule familiale, comme l’enseigne l’exhortation apostolique sur la famille (Familiaris consortio, 37).

13 – Education scolaire

L’éducation parentale doit être relayée et complétée par l’éducation scolaire.

Aucune réforme sociale ne pourra atteindre son objectif sans un système éducatif approprié. Or, dans la situation actuelle de notre pays, tout le monde se plaint de la très grave baisse de niveau de notre éducation nationale. Pour la restaurer, il faut avant tout créer les conditions matérielles et morales qui permettront à nos maîtres d’être de véritables éducateurs et à nos écoles de veritables milieux éducatifs.

Nous vous recommandons, frères et soeurs, d’inciter vos enfants à poursuivre des études aussi poussées que possible. Ils pourront ainsi apporter une plus grande contribution à la société et à l’Eglise. Les paroisses doivent prendre des initiatives facilitant la fréquentation scolaire. Si possible, elles fonderont des caisses d’entraide, destinées à fournir des bourses aux enfants de familles pauvres, doués pour les études et animés d’un esprit de service.

14 – L’attention portée à la jeunesse

Les jeunes sont l’avenir du pays, “ils sont l’espérance de l’Eglise” (Gravissimum educationis, 2), non pas seulement parce que demain leur appartient, mais parce que, dès aujourd’hui, ils édifient le futur.

C’est bien pourquoi la société et aussi l’Eglise se préoccupent d’eux et les aident à jouer le rôle qui leur est imparti aujourd’hui et demain. Pour aider les jeunes à parvenir à l’âge adulte où ils assumeront les charges qui leur seront confiées, il faut compter sur l’éducation familiale et scolaire, mais aussi sur celle qui est dispensée par le milieu social et ecclésial. Nous ne parlerons ici que du milieu ecclésial.

La personnalité et les capacités des jeunes se développent grâce à leurs activités et aux relations qu’ils entretiennent avec les autres. Il est donc nécessaire de leur proposer diverses formes d’activités qui soient adaptées à leur âge: eucharisties où peuvent se rencontrer et échanger les jeunes d’une paroisse, d’un doyenné ; rencontres de chorales ou de catéchistes organisées à l’échelon d’une paroisse, d’un doyenné ou d’un diocèse.

Que les paroisses n’hésitent pas à donner aux jeunes une part active dans les activités ecclésiales, à leur confier même un rôle dirigeant: Jean-Paul II dans l’exhortation apostolique “Christifideles laici” a déclaré: “Les jeunes gens ne doivent pas être regardés simplement comme l’objet de la sollicitude pastorale de l’Eglise; ils sont en fait, et ils doivent être encouragés à devenir des sujets actifs qui prennent part à l’évangélisation et à la rénovation sociale“. Grâce à cette participation active, les jeunes ont non seulement l’occasion de se former, mais peuvent aussi apporter leur concours efficace : car “la sensibilité des jeunes perçoit profondément les valeurs de la justice, de la non-violence et de la paix… Leur coeur est ouvert à la fraternité, à l’amitié et à la solidarité. Ils se mobilisent au maximum en faveur des causes qui regardent la qualité de la vie et la protection de la nature” (Christifideles laici, n° 46).

Tout en associant positivement les jeunes aux activités paroissiales, on devra en même temps engager avec eux un dialogue, comme l’a recommandé le Saint-Père: “L’Eglise a tant de choses à dire aux jeunes et les jeunes ont tant de choses à dire à l’Eglise. Ce dialogue réciproque qu’il faut nouer avec une grande cordialité, dans la clarté, avec courage, favorisera la rencontre des générations et des échanges entre elles ; il sera une source de jeunesse pour l’Eglise et pour la société civile” (Christifideles laici, n° 46).

Ce dialogue exigera de l’attention et du respect pour la sensibilité des jeunes. Il faudra leur donner l’occasion d’apporter leur contribution à cet avenir qui est le leur.

Par ailleurs, il est nécessaire d’organiser pour eux des cours d’instruction religieuse qui développeront leur foi en accord avec leur cheminement personnel, des sessions de préparation au mariage qui les aideront à fonder une famille catholique modèle. Une attention particulière devra être portée aux jeunes qui poursuivent des études universitaires. On devra les aider à développer l’approfondissement de leur foi en accord avec leur niveau intellectuel.

15 – L’attention portée aux pauvres

Nous porterons une attention toute spéciale au monde des pauvres qui actuellement représente une proportion importante de notre population. La lutte pour éliminer la pauvreté et élever le niveau de vie se présente comme un devoir évangélique en même temps qu’une exigence d’une grande urgence. La pauvreté aura une influence physique et morale sur les générations futures. Bien que la pauvreté ne soit pas la cause de tous les maux dont souffre notre société, elle constitue cependant un milieu favorable au développement des fléaux sociaux et de la criminalité.

La pauvreté est l’état général de notre pays qui a besoin du concours de tous pour s’en débarrasser. La meilleure manière de l’éliminer est de créer les conditions nécessaires pour que les pauvres puissent eux-mêmes assurer leur subsistance. Il ne faut cependant pas oublier ceux qui ne peuvent pas gagner eux-mêmes leur vie ou qui ne sont pas encore en état de la gagner aujourd’hui. L’esprit d’entraide enseigné par le Seigneur est aussi une tradition chez notre peuple. Il s’exprime dans des maximes comme “La feuille intacte recouvre la feuille déchirée” (2) ou “Une bouchée donnée à l’affamé vaut bien tout un sac de provisions offert au rassasiéL’Eglise a résumé tous ces devoirs dans une prière où sont énumérées les 14 oeuvres de miséricorde (3). Que les individus, les familles, les paroisses participent activement aux mouvements d’entraide, aux campagnes pour l’élimination de la pauvreté. Il faut souhaiter que, grâce aux efforts accomplis en chaque paroisse, il ne reste plus aucun indigent parmi les fidèles comme c’était le cas de la première communauté chrétienne selon les Actes des Apôtres : “Parmi eux nul n’était dans le besoin” (Ac 4, 34). Les fidèles ne devront pas se contenter d’accomplir ces tâches au profit d’autres fidèles mais au profit de tous les habitants du village ou du quartier. Cette aide apportée aux pauvres est la meilleure manière de rendre témoignage au Christ et de d’apporter la lumière de l’Evangile au sein de la vie concrète en montrant à tous ce que signifie la vie évangélique (Redemptoris missio, 60).

Nous venons de tracer les orientations à suivre et les tâches à accomplir pour vivre l’Evangile et collaborer à l’oeuvre nationale. Nous voulons maintenant adresser la parole à chacune des composantes de la communauté du peuple de Dieu et déterminer plus clairement la mission de chacun à l’intérieur du programme commun.

AUX DIVERSES COMPOSANTES DU PEUPLE DE DIEU

16 – Aux laïcs

Frères et soeurs, vous avez été appelés à être le levain, le sel et la lumière du monde; vous avez reçu la charge d’édifier la société conformément aux valeurs évangéliques et vous ne devez pas dissocier la vie religieuse de la vie sociale et profane. Par votre engagement chrétien, vous concrétisez votre participation aux trois fonctions du Christ, le sacerdoce, la fonction prophétique et la souveraineté, participation imprimée en vous par le baptême. Vous participez à son sacerdoce en faisant de votre vie une offrande à la louange du Seigneur. Vous participez à la fonction prophétique en accueillant avec confiance l’Evangile, en le proclamant autour de vous par vos actes et vos paroles. Vous participez à la souveraineté du Christ “en vous mettant au service du royaume de Dieu et de son extension dans l’histoire“. Cette souveraineté est celle du Christ qui est venu pour servir et non pour être servi (Mc 10, 45). Frères et soeurs, avec courage et confiance, engagez-vous dans tous les domaines de la vie ; c’est le lieu où vous avez été appelés afin d’y réaliser votre mission de chrétien, à savoir apporter la lumière de l’Evangile au sein de la vie humaine et édifier une société animée par son esprit.

17 – Aux religieux et aux religieuses

La fidélité et le courage que, selon la vocation propre de vos congrégations, vous avez déployés au service de l’Eglise et de vos compatriotes, malgré les épreuves et les difficultés, témoignent éloquemment de votre idéal de vie consacrée, comme le fait remarquer Jean Paul II: “L’Eglise doit faire connaître les grandes valeurs évangéliques dont elle est porteuse, et personne ne témoigne de façon plus convaincante de ces valeurs que ceux qui font profession de vie consacrée dans la chasteté, la pauvreté et l’obéissance, par un don total à Dieu et une pleine disponibilité pour servir l’homme et la société à l’exemple du Christ” (Redemptoris missio, 69).

18 – Aux prêtres

Vous avez été intimement unis au Christ, tête et pasteur de l’Eglise. C’est en son nom que vous parlez et agissez, lorsque vous célébrez les sacrements. Votre ministère pastoral est le signe de la présence du Christ, le bon pasteur. C’est pourquoi, dans votre enseignement, commentez avec fidélité la Parole de Dieu. Lisez la, méditez la et faites-en votre vie comme l’évêque vous l’a conseillé en vous remettant le livre des Saintes Ecritures lors de votre ordination au diaconat. Lorsque vous guidez les diverses composantes du Peuple de Dieu, portez une attention spéciale aux jeunes et aux pauvres qu’ils soient chrétiens ou non. Aidez les fidèles à vivre dans la justice et la charité. Vous devez vous porter en tête de l’oeuvre missionnaire, car elle fait partie de la nature même de l’Eglise et est inhérente à votre ministère sacerdotal. Afin de réaliser pleinement votre vocation sacerdotale, efforcez-vous d’étudier et de mettre en pratique l’exhortation apostolique “Pastores dabo” du pape Jean-Paul II.

19 – Conclusion

Pour conclure nous voulons ajouter quelques réflexions concernant l’esprit de collaboration de l’Eglise. Lorsqu’elle s’engage dans l’édification de la société profane, l’Eglise ne s’appuie pas sur le pouvoir, elle ne cherche pas non plus à obtenir du pouvoir. Notre esprit de collaboration, c’est l’esprit de l’incarnation du Christ. Nous collaborons comme des membres authentiques de la communauté nationale et non comme des étrangers.

Collaborer ne signifie donc pas lutter pour le pouvoir, mais avec le Christ et comme Lui, devenir des serviteurs de Dieu et de l’humanité. Le Christ est venu pour servir et non pour être servi (Mc 10, 45). Le Christ est venu nous servir avec un amour qui, tout en étant infini, s’adresse à chaque homme qui souffre pour l’apaiser et le guérir, avec un amour à la fois fort et délicat. Le Seigneur qui s’est fait semblable aux plus petits d’entre nous, aux plus faibles, n’a cependant jamais cédé devant l’injustice et l’oppression. Par ses paroles comme par ses actes, il a mis en accusation le péché qui rabaisse la dignité de l’homme et offense le Seigneur. C’est parce que le Christ s’est ainsi fait notre serviteur, que nous pouvons proclamer qu’il est la réponse à toutes les aspirations de l’humanité.

Pour nous adresser à vous, nous empruntons ces paroles à l’épître aux hébreux : “Ainsi donc, nous aussi qui avons autour de nous une telle nuée de témoins, rejetons tout fardeau et le péché qui sait si bien nous entourer, et courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur le Christ qui est l’initiateur de la foi et qui la mène à son accomplissement” (He 12, 1-2). Le regard tourné vers le Christ, avec les apôtres, nous répondrons à l’invitation qu’il nous lance : “Suis-moiIl est notre lumière et notre force. Il a promis d’être avec nous jusqu’à la fin des temps (Mt 28, 20). Il ne cesse de nous entretenir de sa Parole et de nous nourrir de son corps et de son sang.

Enfin, nous nous tournons vers la Vierge Marie, le modèle de notre foi. Elle a été proclamée “pleine de grâces” pour avoir cru à l’accomplissement de la parole que le Seigneur lui a adressée. Elle a placé en Dieu toute sa confiance lorsqu’elle s’est offerte à lui pour être l’instrument de son dessein : “Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu l’as dit(Lc 1, 38).

Le regard tourné vers la Vierge Marie, inspirés par son exemple, dans un total abandon au Seigneur, nous marcherons avec courage vers notre avenir, l’avenir éclatant et lumineux de notre peuple, celui de l’Eglise au Vietnam et de toute l’humanité.

Que, par l’intercession des saints martyrs du Vietnam, le Seigneur vous accorde avec abondance, frères et soeurs, sa bénédiction, sa paix et sa grâce.

A Hanoi, le 19 octobre 1992

La Conférence des évêques du Vietnam.