Eglises d'Asie

Après Ayodhya : les médias invités à la sobriété

Publié le 18/03/2010




Le 9 décembre 1992, le juge R.S. Sarkaria, président du Conseil indien de la presse a invité les médias à faire preuve de sobriété et de retenue lorsqu’ils rapportent des événements comme ceux qui se sont déroulés à travers toute l’Inde dans la semaine du 6 décembre 1992 (3). “Il est, dit-il, de la plus grande importance que nous observions un certain nombre de principes bien établis de bonne conduite journalistique”. Il insiste pour que les journalistes évitent de déformer les faits ou de les exagérer, de répandre des rumeurs ou des soupçons. Selon lui, ceci est “de la plus grande nécessité si nous voulons que soient maintenues des relations amicales et harmonieuses entre les communautés”.

Le président du Conseil indien de la presse parle d’expérience : en effet, en 1990, lors d’affrontements semblables à ceux de décembre 1992, plusieurs journaux, y compris des quotidiens d’audience nationale, avaient été censurés en raison de leur façon partisane de rapporter les événements.

Une controverse s’est d’ailleurs élevée en Inde contre certains organes de presse étrangers, auxquels on reproche le manque de prudence. Certains reportages télévisés en particulier n’ont pas, ces dernières semaines, fait preuve de la prudence habituelle aux médias indiens. Ceux-ci, par exemple, lorsqu’ils rapportent des affrontements entre “communautés”, évitent toujours de nommer les groupes de personnes en présence, afin de ne pas déchaîner les passions religieuses. Lorsqu’un lieu de culte a été détruit, ils ne disent jamais s’il s’agit d’une mosquée, d’un temple hindou, ou d’une église. Ils disent seulement: “Un lieu de culte”. On ne mentionne jamais ni les hindous, ni les musulmans, ni les chrétiens.

Or, grâce à des réseaux d’information en anglais, dans toutes les régions de l’Inde, beaucoup de gens ont pu assister en direct à la destruction de la mosquée d’Ayodhya. Selon le ministre de la défense, M. Sharad Pawar, “des millions de personnes ont vu la mosquée en train d’être détruite. Il a été impossible de contrôler leur colère. Les forces de l’ordre ont fait ce qu’elle ont pu”.

De plus en plus d’Indiens reçoivent les émissions de télévisions étrangères transmises par satellite. Certains prétendent qu’un million et demi de foyers profitent des programmes venus d’Europe ou d’Amérique. Selon un journaliste du “Financial Express”, “les services étrangers d’information ont fait un effort spécial pour montrer le spectacle affreux de gens en colère”. De son côté, un autre juge, M. Bakthawar Lentin, commente: “Les images horribles que nous avons pu voir peuvent captiver des spectateurs étrangers : nos compatriotes, qui sont moins sophistiqués, en sont profondément affectés”. Et le quotidien “Times of India” conclut: “La télévision officielle indienne nous a donné les faits sans montrer d’images provocantes. Dans une situation aussi tendue que celle-là, une telle modération était nécessaire”.