Eglises d'Asie

Ce que l’on pense de la révolution d’octobre dans les milieux des catholiques patriotes.

Publié le 18/03/2010




Les 6 et 7 novembre 1992, au moment même où le capitalisme japonais faisait sa rentrée officielle sur la scène vietnamienne en annonçant la reprise de son aide économique et en accordant un prêt de 370 millions de dollars, à Hanoi comme à Hô Chi Minh-ville on célébrait l’anniversaire de la révolution d’octobre, dans une certaine discrétion mais avec beaucoup de vigueur théorique.

A Hanoi, c’est le professeur Dang Xuan Ky, directeur de l’Institut des hautes études marxistes, qui a prononcé le discours officiel dans lequel il a affirmé que “la politique de rénovation au Vietnam restait fidèle au modèle socialiste fondé sur le marxisme-léninisme et la pensée de Hô Chi Minh“. A Saigon, au cours du meeting, le secrétaire adjoint de la section du Parti, Tran Trong Tan, s’est livré à une réfutation serrée des théories mettant en doute la “grandiose signification de la révolution soviétique …elle qui a ouvert l’unique voie possible permettant aux travailleurs d’être libérés de l’oppression”.

Dans les milieux des catholiques patriotes, durant ces jours anniversaires, les commentaires de circonstance ont été marqués par la nostalgie et l’amertume. L’organe du Comité d’union du catholicisme a consacré les premières pages de son numéro de la mi-novembre (14) au souvenir de la révolution.

“Faut-il oublier la nature de la révolution d’octobre ?” demande l’éditorial. “A cette question, il faut répondre par une autre question, poursuit-il. Dans le monde d’aujourd’hui -que certains appellent déjà post-communiste – les travailleurs et les pauvres ont-ils encore besoin d’être défendus de l’oppression du capitalisme qui maintenant se trouve en position de monopole ?”

En favorisant l’économie de marché, le régime socialiste vietnamien risque fort de trahir les pauvres et les travailleurs. C’est ce que que laisse entendre l’auteur de l’éditorial. “L’oppression de l’homme par l’homme est sans doute aussi vieille que la terre. Cependant, le révolution d’octobre avait fourni une occasion de l’éliminer ou au moins de l’alléger. Ce qu’il en est aujourd’hui, tout le monde le sait. Plus que jamais, les travailleurs et les pauvres sont abandonnés au sein de l’immense marché que s’est conquis le grand capitalisme. Plus encore, ils sont trahis dans ce que l’on appelle l’économie de marché qui n’est qu’une soeur jumelle de l’économie capitaliste

Ce n’est pas la première fois que ce journal porte un jugement pessimiste sur l’actuelle ouverture économique du Vietnam. Plusieurs fois, il a déjà relevé l’intensification des injustices sociales provoquées par l’arrivée des investissements étrangers et l’établissement de “joint-ventures” au Vietnam. Déjà, dans une lettre ouverte adressée au premier ministre, le directeur de ce journal avait mis en garde contre les conséquences morales néfastes de l’invasion touristique et des équipements mis en place à cette occasion (15).

Le même journal (16) vient d’affirmer que les conflits entre les travailleurs vietnamiens et les patrons d’entreprises étrangères ne cessent de s’envenimer depuis le début de l’ouverture économique. Citant le journal “Lao Dông” n° 46/92, l’hebdomadaire dénonce le comportement brutal de certains employeurs étrangers allant jusqu’à frapper leurs employés vietnamiens, comportement inadmissible dans un pays de régime socialiste. Le journal déplore l’absence totale de réaction des syndicats officiels, des organisations du Parti, des jeunesses communistes devant cet état de fait.