Eglises d'Asie

Le cardinal Sin élève la voix en faveur des pauvres

Publié le 18/03/2010




« La présente administration n’a pas mis d’ordre dans sa propre maison, quant aux graves problèmes de logement des pauvres ». La critique vient du cardinal Sin. Elle a été publiée dans sa dernière lettre pastorale, en date du 5 décembre 1992. L’archevêque de Manille y signale plusieurs points sur lesquels il estime que le gouvernement est resté inactif, malgré la loi votée dans le courant de l’année 1992 sur le développement et l’habitat urbains (10). Cette loi prévoit l’établissement d’un plan d’action national, mais personne n’a encore été désigné pour diriger l’équipe qui préparera ce plan. On n’en finit pas d’expliquer les règles établies sur les points les plus importants. Les fonctionnaires de la base ne connaissent pas bien leurs détails. Lorsque les autorités ordonnent la démolition de constructions non autorisées, même les officiers supérieurs des services de sécurité et de maintien de l’ordre ne respectent pas les droits des pauvres.

La loi sur l’habitat prévoit en effet le lancement d’un programme national de distribution de parcelles de terrain, où les pauvres pourraient rebâtir leur demeure grâce à une aide du gouvernement. Mais, dit le cardinal, « dans notre seul diocèse, on a procédé à des démolitions en 18 endroits et privé ainsi de leur logement quelque 2 500 familles de squatters. Rien n’a été fait pour les reloger ». La loi prévoit aussi qu’un préavis de 30 jours doit être donné : cette règle a été largement ignorée.

L’archevêque précise encore que pendant qu’on met en place les divers mécanismes de la loi sur l’habitat, des gens sont toujours arrêtés en vertu d’un décret pris par Ferdinand Marcos contre les squatters. Il faut, dit-il, faire passer dans la pratique les objectifs de la loi, afin d’alléger la souffrance des pauvres sans abri.

Mais l’action du cardinal ne plaît pas à tout le monde. Dans un éditorial du quotidien « Philippine Daily Enquirer », M. Adrien Cristobal accuse Mgr Sin de « simplisme ». Il écrit: « Le bon cardinal ferait mieux de continuer à s’occuper de questions doctrinales en rapport avec les problèmes de population, plutôt que de lancer des platitudes sur les squatters et les problèmes de logement. Chose de beaucoup plus grave, le cardinal s’est attaqué à deux grands principes de la société : le respect de la loi et le droit à la propriété, même s’il ne dit pas vraiment que les gens devraient pouvoir squatter là où bon leur semble ». Selon le même éditorialiste, il ne manquera pas de politiciens pour prendre fait et cause pour le cardinal, ne serait-ce que dans le but d’augmenter leur capital de voix. Et le journaliste de conclure: « L’excès de simplicité est coupable ».

Cependant, le P. Joël Tabora, s.j., co-directeur du « Comité d’action en faveur des pauvres des villes » explique comment le cardinal Sin a joué un rôle de premier plan dans l’élaboration de la loi sur l’habitat. C’est à sa demande et sur son insistance que « M. Francisco Sumulong, à l’époque leader de la majorité au parlement, a finalement accepté de présenter ce projet de loi qui fut voté le jour même ».

Les problèmes d’habitat se posent de manière aiguë dans toute l’agglomération du grand Manille: « Les pauvres habitent dangereusement au bord des égouts à ciel ouvert, à proximité des voies ferrées, sous les lignes à haute tension et sur les décharges publiques. Si nous refusons de donner aux pauvres des logements convenables et décents, notre système d’utilisation du terrain, qui donne pratiquement un droit absolu à des personnes privées et leur permet de se lancer dans des spéculations éhontées, doit être considéré comme immoral et socialement injuste », conclut le cardinal.