Eglises d'Asie

L’Eglise et l’appel de “Xanana” Gusmao à la reddition Un entretien avec Mgr Ximenes Belo, évêque de Dili

Publié le 18/03/2010




Le commandant militaire de Timor Oriental, le général Theo Syafei, a annoncé que les résistants pouvaient se rendre avec leurs armes dans 7 églises et que Mgr Belo, administrateur apostolique de Dili s’associait à l’appel à la reddition, préparant un message de Noël dans ce sens (selon le quotidien indonésien ‘Jawa Post’ et Reuter à Djakarta) (2). Mgr Belo dément l’information dans une interview reproduite ci-dessous et obtenue par le journal portugais ‘Publico’ (04.12.92). D’autres journaux et la ‘Radio Renascença’, radio appartenant à l’Eglise, ont obtenu des déclarations semblables (texte reproduit en français dans le bulletin de l’Association oecuménique “La paix est possible au Timor Oriental”).]

Parle-t-on beaucoup de la capture de Xanana Gusmao [à Dili] ?

Non, on n’en entend pas beaucoup parler. D’ailleurs on s’y attendait. Il n’avait pas beaucoup d’espace pour se déplacer. Tôt ou tard cela devait arriver.

Vous aviez connaissance de ses voyages à Dili?

Oui, l’an dernier lors de la visite du journaliste Mario Robalo [journaliste portugais qui a été détenu et menacé lorsque l’armée indonésienne a eu connaissance de sa rencontre avec Xanana Gusmao, ndlr]. Après cela je n’ai jamais plus rien su.

Et la dernière déclaration de Xanana (l’appel à la reddition) : disait-il la vérité, mentait-il ou avait-il été torturé?

Cela a été très rapide. S’il mentait, ce n’est pas digne d’un vrai leader. Je ne sais pas ce qui s’est passé pour qu’il change aussi vite.

Vous pensez que Xanana a changé et est devenu favorable à l’Indonésie?

Je n’ai pas la certitude de ce qui s’est passé mais c’est un fait que durant toutes ces années, lorsqu’un prisonnier faisait des affirmation de ce genre, c’était naturellement la conséquence de mauvais traitements, ‘de Ihe apertarem os calos’ [littéralement ‘de lui écraser les cors aux pieds’; cette expression portugaise traduit l’idée de douleur progressive et de limitation, progressive aussi, de la possibilité de réagir, ndlr].

Ce matin est arrivée une dépêche de l’agence Reuter disant que le général Syafei accorderait le pardon aux maquisards qui accepteraient de se rendre et apporteraient leurs armes dans 7 églises, et que vous alliez aussi écrire un message de Noël demandant aux maquisards de se rendre. Pouvez-vous confirmer l’information ?

Je ne confirme pas, tout cela est faux. C’est une manipulation destinée à faire en sorte que les gens y croient. Il n’y a aucun nom d’église indiqué et moi je ne compte écrire aucune lettre pastorale pour Noël. C’est un mensonge parce que je n’ai encore rien décidé, et nous, les prêtres, n’avons encore rien décidé. Tout cela est mensonger, c’est de la propagande militaire.

Alors, vous n’allez faire aucun appel aux guérilleros ?

Faire appel pour quoi? Cela regarde la conscience de chacun, n’est-ce pas ? Nous les inviterions à se rendre, et ensuite ils seraient tous tués ! Quelle responsabilité nous porterions, nous gens d’Eglise ! Que chacun soit responsable de sa vie.

Alors vous n’êtes pas disposé à faire cela ?

Je pourrais peut-être l’être après avoir été informé des conditions, après avoir reçu des garanties, et après avoir consulté le Vatican. Je ne peux agir à la légère.

Quelles garanties exigeriez-vous ?

Que ceux qui se rendent ne soient pas torturés, qu’il ne soient pas tués, qu’ils ne disparaissent pas comme cela s’est produit en 1979 et 1980, lorsque beaucoup de leaders du Fretilin ont disparu.

Vous pensez que les militaires indonésiens sont capables de respecter ces garanties s’ils vous les donnent?

D’abord, qu’ils me donnent les garanties, et ensuite je verrai.

Pensez-vous qu’avec l’arrestations de Xanana Gusmao et après ses dernières déclarations la résistance est condamnée à mort ?

Je ne peux pas vous le dire parce que Xanana ce n’est pas toute la population. Xanana est un habitant de Timor.

La population continuera à manifester contre l’Indonésie ?

Vous êtes au Portugal où existe un climat de démocratie. Nous, nous sommes dans un autre monde.

Vous n’abandonnez pas la proposition de référendum que vous avez faite au secrétaire général des Nations Unies (3) ?

Pour moi cela reste la meilleure solution. On peut dire ce qu’on voudra, pour moi c’est la meilleure solution.