Eglises d'Asie – Philippines
Malgré l’opposition du ministre de la Santé et des dirigeants religieux, l’opinion publique incline à légaliser l’avortement
Publié le 18/03/2010
Dans une déclaration publiée le 7 janvier 1993, le Conseil des laïcs des Philippines a exprimé la crainte que, dans sa politique familiale, le gouvernement ne s’en tienne pas à l’usage des contraceptifs. Donnant le coup d’envoi à la campagne nationale “Sauvons l’enfant, sauvons la famille”, le président du conseil des laïcs, M. Sonny de los Reyes, a rappelé : “Lorsque les contraceptifs sont utilisés sur une grande échelle, la stérilisation et l’avortement suivent bien vite”.
Président de l’Association médicale des Philippines, le docteur Primitivo Chua affirme que, chaque année, 750 000 avortements sont pratiqués aux Philippines. Mais le ministère de la Santé ne semble pas disposer de statistiques officielles à ce sujet.
M. Flavier, qui a longtemps travaillé comme médecin de village, a rappelé une enquête faite par lui avant son entrée au gouvernement, dans quatre villes de la province de Cavite, au sud de Manille. D’après lui, sur une population de 8 000 à 10 000 personnes, 14% des femmes auraient eu recours au moins une fois à l’avortement. Les raisons invoquées étaient habituellement des grossesses non voulues ou non prévues. “Si la situation est telle dans les ‘barrios’ (villagesque doit-il en être dans les grandes villes ?” demande-t-il. Il ajoute: “Je suis tout-à-fait opposé à l’avortement, car je crois à la valeur spirituelle de la vie”. En fait, un projet de loi a été présenté au Sénat. Son but est d’aggraver les sanctions déjà prévues pour l’avortement. Et la campagne orchestrée depuis plusieurs années par l’Eglise catholique a pris une tournure plus vigoureuse après l’annonce, en juillet 1992, du nouveau programme gouvernemental de planning familial.
Au cours d’une conférence de presse donnée à l’archevêché de Manille le 19 janvier 1993, des représentants du mouvement d’opposition à l’avortement ont admis que l’opinion incline vers sa légalisation. Cette impression est renforcée par un document publié aux Etats-Unis en 1979 par l’Agence américaine d’aide au développement international. Bien que ce document ne soit plus d’actualité et qu’il n’exprime pas, en fait, une position officielle, il est regardé par les membres de la campagne anti-avortement comme un exemple d’intervention étrangère dans les affaires intérieures philippines. L’inquiétude a grandi lorsque, le 22 janvier 1993, le nouveau président des Etats-Unis, M. Clinton, a signé un décret supprimant les restrictions apportées par ses prédécesseurs à l’aide aux programmes des Nations-Unies en faveur du planning familial et à la pratique de l’avortement dans les hôpitaux militaires.
Mais le P. James Reuter, s.j., de l’Office national pour les moyens de communication, ne croit pas que l’avortement soit de si tôt légalisé aux Philippines. “Aucun politicien, dit-il, ne prendrait le risque de parler en faveur de l’avortement. Sa carrière politique tournerait court” dans un pays qui est catholique à plus de 80%.
Par contre, M. William Lorenzo, membre de la “Fondation pour la vie humaine”, fait observer que l’avortement est de fait assez répandu aux Philippines. Selon lui, un hôpital de Manille en pratiquerait une dizaine chaque semaine.
Le cardinal Jaime Sin, archevêque de Manille et Mgr Jésus Varela, évêque de Sorsogon et président de la Commission épiscopale pour la famille, ont exprimé leur inquiétude devant l’aide internationale acceptée par le gouvernement pour son programme de contrôle des naissances et devant l’utilisation, à travers le monde, de l’avortement comme moyen de contraception.