Eglises d'Asie

Après Ayodhya : un ancien haut responsable laïc critique vigoureusement la hiérarchie de l’Eglise catholique indienne

Publié le 18/03/2010




George Menezes, ancien membre du Conseil pontifical des laïcs à Rome et bien connu dans l’Eglise de l’Inde pour son indépendance d’esprit (7), n’est pas satisfait des réactions, selon lui trop timorées, de la hiérarchie de l’Eglise catholique vis-à-vis des événements d’Ayodhya et du parti extrémiste hindou BJP (8). Il estime que la hiérarchie catholique ne prend pas suffisamment en compte le besoin d’identité des Indiens hindous, manque d’imagination dans l’analyse, selon lui trop courte, de la situation politique, et s’accroche trop aux basques du parti du Congrès en croyant qu’il n’y a pas d’autre voie pour une Eglise obsédée par la sauvegarde de ses institutions.

Dans une tribune libre qu’il publie dans le journal catholique de Bombay, The Examiner, du 6 février 1993, George Menezes explique pourquoi, en dépit des sarcasmes de beaucoup de catholiques, il avait rejoint le BJP en 1984, à une époque où les extrémistes et les fondamentalistes hindous n’avaient pas encore pris le pouvoir dans le parti. Il estimait que le BJP était une alternative crédible au parti du Congrès qui, pendant toutes ses années de pouvoir, “n’avait rien fait contre la pauvreté, l’analphabétisme d’une majorité de la population, les problèmes de démographie, la corruption et la criminalité dans la vie publique”.

Aujourd’hui, écrit-il, les choses sont différentes et les militants hindouistes ont pris le contrôle du BJP : “Pour la première fois de ma vie, j’ai peur (…) J’ai peur pour mes enfants et tous les enfants qui vont hériter de cette terre. J’ai peur pour une communauté (l’Eglise catholique) qui, par allergie au communisme et au “Hindu Raj” (Etat hindou), par aveuglement aussi, s’est accrochée aux basques du parti de Nehru. Le tout pour trente pièces d’argent; pour la sauvegarde de nos immenses établissements qui sont en train de devenir peu à peu inutiles; pour obtenir quelques miettes de pouvoir au sein des organisations gouvernementales. Tout cela sur le simple motif que ‘nous n’aurions pas d’autre voie’. J’ai peur de ce que la communauté et la hiérarchie de l’Eglise feront si le BJP vient un jour au pouvoir. Est-ce que cette possibilité est même envisagée dans un de leurs ordres du jour ? Avons-nous une stratégie qui nous permette dans cette éventualité une réaction déterminée en même temps que chrétienne, en tant qu’Indiens d’abord et toujours? Avons-nous jamais sérieusement pris en compte le fait que des millions d’Indiens sont à la recherche d’une identité et d’une éthique hindoues, que le “Hindutva” (hindouité) dans la forme pure et authentique que lui donnent les hindous éclairés peut avoir un aspect bienveillant et respectueux de la laïcité et des autres religions ?

Dans ce contexte, les déclarations de la Conférence épiscopale des évêques de l’Inde (9) après les événements d’Ayodhya paraissent faibles et timorées. Elles ne montrent aucune volonté de désigner clairement les vrais coupables. On y ‘déplore avec force les événements tragiques’ comme s’il s’agissait d’un tremblement de terre, d’un cyclone ou de quelque autre calamité naturelle. Cela me rappelle l’histoire du chef de service qui, découvrant qu’un leader syndical était toujours en retard à son travail, distribua une circulaire disant ‘j’ai remarqué que les employés arrivent en retard’, parce qu’il avait peur de s’adresser directement au coupable. Je puis comprendre que des individus, prêtres, religieuses ou laïcs, craignent pour leur vie. Mais la Conférence épiscopale ! Qu’est devenue l’Eglise prophétique ? (…) Allons-nous regarder en spectateurs ce qui se passe dans notre Inde ?”