Eglises d'Asie

LES CONSEQUENCES D’AYODHYA Lettre pastorale de Mgr Eugène D’Souza, archevêque de Bhopal

Publié le 18/03/2010




Chers Pères, Frères, Soeurs,

A la fin de 1992 et surtout après tout ce qui s’est passé en cet affligeant dimanche noir du 6 décembre et ses conséquences (1), nous espérions qu’allait s’ouvrir une année de paix et d’harmonie entre les communautés. Malheureusement, il n’en a rien été et cela nous brise le coeur.

A peine étions-nous entrés dans la nouvelle année que nous parvenaient les nouvelles des violences et des émeutes sans précédent qui ont secoué Bombay, Ahmedabad, Surat (2). Le plus bouleversant, c’est que tout ce qui s’est passé a été préparé à l’avance. Au dire de nombreux médecins, les mutilations et les meurtres ont été exécutés d’une façon méticuleuse et scientifique qui défie toute description. Et il y a pire et plus triste encore: le “communalisme” (3) enragé qui désormais se mêle au régionalisme profondément enraciné et qui explique l’exode d’une foule de gens fuyant les zones d’émeutes, en particulier Bombay. Le reste du pays est encore en état de choc. Même à Bhopal, on peut lire la tension et la crainte sur les visages des gens, surtout des pauvres. On constate avec effroi qu’un abîme s’est creusé entre les deux communautés, qui ne cesse de s’élargir.

Après ce qui s’est passé, on peut se demander si notre pays redeviendra jamais ce qu’il était. Une question bien plus grave encore m’inquiète : quel impact cette vague de chauvinisme ethnique et religieux va-t-il avoir sur nous, minorité chrétienne ? Cela nous touche, cela va nous affecter, tôt ou tard, profondément et sans doute de plus d’une manière. Entre autres choses, nous allons devoir repenser notre théologie telle qu’elle est enseignée en Inde : notre théologie de la mission et sa mise en pratique, la fonction sacerdotale et notre apostolat, le rôle de l’Eglise en Inde et de ses multiples institutions éducatives, médicales, sociales, du travail de développement accompli dans les paroisses et les dessertes… Que va-t-il en être de notre sainte liturgie et de tout le travail d’inculturation ? Et de la formation dans nos séminaires et nos congrégations religieuses? Je souhaiterais que nous commencions au moins à parler de ces “signes des temps” lors de nos réunions et rencontres.

Je ne veux pas jouer les prophètes de malheur. Mais nous ne devons pas fermer les yeux sur les réalités pratiques, nous devons nous préparer à leur faire face. Dieu nous garde de perdre l’espérance et l’optimisme. Mais qu’il nous empêche aussi de fermer nos yeux et nos oreilles aux situations pratiques concrètes. Car le refus de chercher une solution fait partie du problème lui-même.

Voyant tout ce qui se passe autour de nous et constatant le besoin où nous sommes de nous préparer à ce qui vient, je vous écris dans une intention bien déterminée : pour vous demander de prier. En particulier, je voudrais faire les suggestions suivantes :

– Prions chaque jour pour la paix.

– Au cours de nos célébrations eucharistiques, particulièrement le dimanche, ajoutons une prière spéciale pour la paix.

– Que dans la prière des fidèles, l’on ajoute des intentions spéciales pour la paix et l’harmonie entre communautés dans notre pays.

– Lorsque cela est permis par les règles de la liturgie, que l’on utilise la seconde prière eucharistique pour la Réconciliation.

– Le 28 janvier étant une fête chômée, nous voulions inviter tous les prêtres à venir à Bhopal pour la récollection mensuelle, avec l’intention de faire avant tout de cette journée une journée de jeûne et de prière pour la paix dans notre pays. Pour diverses raisons, nous pensons qu’il vaut mieux que chacun reste chez soi et fasse cela avec sa communauté.

– Je suggérerais volontiers aux prêtres et aux communautés religieuses de consacrer chaque semaine une heure sainte à prier pour la paix.

Je m’unis à vos travaux et à vos prières en faveur de la paix.

Eugène D’Souza

archevêque de Bhopal