Eglises d'Asie

Une relecture de l’histoire des débuts du christianisme au Vietnam

Publié le 18/03/2010




L’apport du christianisme à la culture vietnamienne serait-il positif? Depuis le mois de décembre 1992, un certain nombre d’événements littéraires et culturels en rapport avec la période où le christianisme pénétrait au Vietnam donnent à penser que la réponse officielle à cette question est moins négative qu’autrefois.

Pendant longtemps en effet, l’historiographie d’Etat n’avait décelé aucun aspect positif dans l’introduction du christianisme à l’intérieur de la culture et de l’histoire du pays. En 1980, Tran Van Giau, dans un livre consacré à la tradition nationale, intitulait le chapitre concernant l’Eglise catholique: « L’Eglise catholique n’a apporté au Vietnam aucune contribution digne d’intérêt » (23). En 1988 encore, à l’époque des canonisations des martyrs vietnamiens, le porte-parole du Bureau des affaires religieuses insistait sur la collusion des premiers missionnaires avec les puissances étrangères. Ils étaient encore les « auxiliaires efficaces du capitalisme européen » (24).

Cependant, la situation a commencé à changer le 10 novembre 1990, lors de la venue au Vietnam d’une délégation du Saint-Siège. Ce jour-là, le bureau des affaires religieuses déclara publiquement aux évêques: « Le Parti et l’Etat reconnaissent le rôle des religions pour le maintien et le progrès de la vie morale des citoyens dans la société. »

C’est l’apport culturel du christianisme qui a été mis en valeur les 3, 4, 5 décembre 1992, lors d’un colloque qui s’est déroulé au musée d’histoire à Hanoi (autrefois Louis Finot) à l’occasion du 90e anniversaire de la création de l’Ecole française d’Extrême-Orient. Il réunissait des chercheurs vietnamiens, français, japonais et chinois autour d’un certain nombre de questions concernant l’histoire et la culture vietnamiennes. 35 contributions ont été présentées, dont l’une rédigée par le professeur Hoang Tuê étudiait la personnalité d’Alexandre de Rhodes ainsi que l’objectif poursuivi par lui et les premiers missionnaires lors de la création de l’écriture nationale, le « quôc ngu » au 17e siècle (25).

Pour M. Hoang Tuê, la nouvelle transcription du vietnamien créée par les missionnaires n’est plus seulement un instrument stratégique destiné à détacher les populations pauvres de l’influence des lettrés confucéens, comme on l’affirmait volontiers auparavant. Il reconnaît que, chez les missionnaires étrangers comme dans les milieux nouvellement évangélisés, on a continué d’employer les anciens caractères « nôm ». Cependant son interprétation reste soupçonneuse et encline à découvrir des arrière-pensées politiques. Le professeur suggère par exemple que « la création du « quôc ngu » pourrait avoir une signification politique » ou laisse entendre que la fondation de la société des Missions Etrangères de Paris pourrait avoir des liens avec la volonté hégémonique de la France (26).

Ce regain de curiosité pour les origines du christianisme au Vietnam se manifeste aussi par le projet d’une réédition de la première oeuvre écrite en « quôc ngu », le « Catéchisme divisé en huit journées pour ceux qui veulent recevoir le baptême » d’Alexandre de Rhodes, édité pour la première fois en 1651, à Rome (27). Sur chaque page du livre seront mis en parallèle le texte latin, le texte vietnamien original d’Alexandre de Rhodes, la transcription en écriture moderne et la traduction française de Mgr Chappoulie.

On apprend aussi qu’un des volumes de l’« Histoire du développement du catholicisme vietnamien » du P. Truong Ba Cân, intitulé « Le catholicisme en Cochinchine du temps de Mgr Pigneau de Béhaine » a paru à Hô Chi Minh-Ville, au mois de décembre 1992 (28).