Eglises d'Asie

Déclaration de la Conférence épiscopale sur LES PROBLEMES DE L’IMMIGRATION A la recherche du Royaume de Dieu qui transcende les différences de nationalités

Publié le 18/03/2010




Frères et soeurs,

L’Eglise accueille chaleureusement les gens qui viennent vers elle de lieux différents et reconnaît qu’il est de sa mission de les servir. Nous, évêques, désirons réaffirmer cette responsabilité par le message ci-dessous.

La Migration – un voyage, une rencontre

La migration est un phénomène social profondément lié au dévoilement de l’histoire du salut et au développement du Royaume de Dieu. Sous la direction de Dieu, Abraham quitta sa terre ancestrale et partit pour la terre de Canaan. C’était pour donner la possibilité aux Israélites de s’établir sur cette terre qui serait le lieu où ils pourraient se préparer à la venue du Messie. Ce voyage du peuple de Dieu continue aujourd’hui et continuera jusqu’à ce que le salut soit achevé dans la venue du Royaume de Dieu.

Quand le Japon était économiquement pauvre, un million de Japonais environ émigrèrent vers l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et divers pays d’Asie. Leurs descendants, appelés “Nikkeijin”, sont maintenant plus de 1 300 000. Beaucoup d’entre eux ont embrassé la foi catholique. Aujourd’hui, le Japon est devenu prospère et, ces dernières années, il y a eu augmentation rapide du nombre de gens d’autres pays venant au Japon. Si l’on inclut ceux dont le permis de résidence a expiré, le nombre d’étrangers vivant aujourd’hui au Japon est estimé à environ 500 000. Beaucoup de ceux-ci fréquentent les églises catholiques et l’on estime généralement qu’il y a parmi eux entre 100 000 et 200 000 catholiques. Aujourd’hui, l’Eglise du Japon maintient des contacts suivis avec les groupes dont la liste suit. Elle s’est engagée, pour une variété de raisons, aux côtés de ceux qui parmi eux ont besoin de soutien, de protection ou de quelque autre forme d’assistance :

Les travailleurs immigrés; les réfugiés; les étudiants étrangers; les orphelins de guerre chinois et leurs familles; les marins de divers pays, les Coréens du Nord et du Sud; les Taiwanais et les Chinois qui sont venus travailler ici avant ou après la deuxième guerre mondiale ou bien qui ont été amenés au Japon de force pour travailler, et leurs descendants; les femmes étrangères qui sont devenues victimes de la violence sexuelle et d’autres formes d’exploitation; les étrangers emprisonnés ou détenus pour enquête .

Nous croyons que, en cherchant à donner à l’Eglise et à la société la possibilité d’apprendre à vivre avec ces personnes, à travailler et prier avec elles en allant à leur rencontre, nous amenons la puissance transformante de l’Evangile à agir aussi sur l’Eglise et la société.

Les problèmes majeurs posés par ces rencontres

Dans la société japonaise contemporaine, les différences de race, de sexe, de langue, de culture, de coutumes, de loi, et de religion, tendent à être perçues comme des menaces par les Japonais et augmentent la tendance à la discrimination et à l’exclusivisme. Malheureusement, cette tendance peut aussi se trouver dans l’Eglise. Dans le même temps, ceux qui viennent de l’étranger pour travailler au Japon et leurs familles en viennent à se sentir aliénés dans leurs lieux de travail et de résidence, à cause de leur manque d’assise dans la société et de leurs conditions de vie instables. De plus beaucoup d’entre eux ne sont pas protégés par le système judiciaire japonais, ils sont souvent en position vulnérable et subissent un traitement inhumain. Les femmes en particulier souffrent continuellement de violence sexuelle et d’exploitation.

Aujourd’hui le département japonais de l’Immigration et la loi de l’immigration reconnaissent 28 types de statut de résidence pouvant permettre à des étrangers de résider légalement au Japon. Mais rien n’est prévu pour les ouvriers non qualifiés. De plus les activités permises dans chaque catégorie sont très strictement contrôlées. Pour cette raison, beaucoup de personnes entrent dans le pays sous prétexte d’engagements artistiques, d’études, d’apprentissage, de recherche ou de tourisme. Cette situation crée de nombreux problèmes dont les principaux sont: les visas expirés et le travail sans permis de séjour valide, les salaires non payés, les accidents du travail, le manque d’assurance sociale et de santé, les femmes victimes de la prostitution, les faiblesses des programmes de formation, les problèmes liés aux mariages entre citoyens de nationalités différentes et à l’éducation des enfants.

Aller au delà des différences est une manière de témoigner de la catholicité de l’Eglise

Nous, chrétiens, sommes appelés à devenir un dans le Christ avec les autres quels qu’ils soient. L’Eglise du Japon ne doit pas perdre de vue que le temps est venu de répondre à cet appel. L’Eglise a vocation d’être une communauté dans laquelle les personnes de toutes générations, de cultures, de lieux, de modes de vie différents entrent en relations les unes avec les autres, acceptant mutuellement les différences qui existent entre elles. Les tensions et les conflits qui vont de pair avec l’expérience de ces différences doivent être regardés comme des occasions de convertir radicalement notre coeur comme le demande l’Evangile. Les relations qui naissent d’une telle conversion apporteront de nouvelles richesses à l’Eglise. Cet effort de dépasser les différences entre les peuples ne signifie pas l’assimilation des autres par l’imposition de notre manière de vivre, mais il faut le voir comme la naissance d’une nouvelle société et d’une nouvelle culture à l’intérieur de laquelle nous pouvons tous vivre ensemble.

En ce qui concerne l’Eglise, ces immigrés sont des frères et des soeurs dans le Christ. Ceci signifie que nous ne nous contentons pas de les accueillir chaleureusement, mais que nous travaillons à construire une communauté qui respecte les différences, donnant ainsi à la société qui nous entoure le témoignage de l’universalité de l’Eglise.

L’Eglise du Japon n’est pas seulement une Eglise pour les Japonais. L’Eglise fondée par Jésus-Christ, dans sa rencontre avec des personnes de nationalités différentes, témoigne de l’humanité nouvelle que le Royaume de Dieu apporte. Le message que saint Paul adresse aux Galates est aujourd’hui toujours d’actualité : “Vous êtes tous fils ou filles de Dieu par la foi. Tous baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ et il n’y a plus de distinction entre Juif et Grec, esclave et homme libre, homme et femme, mais vous êtes tous un dans le Christ” (Galates 3, 26-28).

Nous espérons que tous ceux qui viennent vers l’Eglise ou la rencontrent sur leur chemin d’une manière ou d’une autre pourront y découvrir la joie de rencontrer le Christ.

La tâche à accomplir par l’Eglise du Japon

Le phénomène actuel de tant de gens quittant leur famille et leur patrie pour s’établir dans un pays comme le Japon avec ses différences de population, de religion, de langue et de culture, est certainement un signe des temps. Pour l’Eglise du Japon qui recherche un Royaume de Dieu qui s’élève au-dessus des différences nationales, ce signe des temps présente un nouveau défi et offre des possibilités pour déployer une nouvelle évangélisation. Il faut louer les efforts de beaucoup de laïcs, de religieux et de prêtres qui se dévouent à cette tâche de tout leur coeur. Mais l’accueil du signe des temps ne doit pas se limiter à quelques-uns, mais doit, aujourd’hui, engager l’ensemble de l’Eglise du Japon. Voici quelles sont les tâches principales :

1- Organiser des rencontres ou des sessions d’orientation qui aideront ceux qui essaient de s’adapter à la vie au Japon en les informant sur les lois qui les concernent, le mode de vie japonais, la nourriture, la langue etc.

2- Prendre des initiatives dans le travail de protection des droits de l’homme pour empêcher leurs violations de proliférer; coopérer à la solution des problèmes créés par la santé, les accidents du travail, les licenciements abusifs, les non-paiements de salaire, la recherche d’un emploi ou d’un logement, les mariages impliquant des personnes en situation illégale etc.

3- Collaborer à l’établissement de centres d’urgence qui peuvent être utilisés en commun avec des groupes d’action civique.

4- Prendre des mesures pour répondre aux besoins des familles issues de mariages entre citoyens de nationalités différentes; en lien avec les familles, proposer aux conjoints et aux enfants une information sur la situation des pays concernés ou sur celle du Japon.

5- Travailler à la légalisation du statut des étrangers considérés comme “illégaux” selon la loi actuelle sur l’immigration, et dont les droits fondamentaux ont été ignorés jusqu’à présent.

6- Travailler à faire de la loi sur l’immigration une loi fondée sur les droits de l’homme.

7- Demander à des membres de l’Eglise d’étudier les dispositions de la convention internationale sur la protection du droit de tous les travailleurs émigrés et des membres de leurs familles, adoptée par les Nations Unies le 18 décembre 1990; collaborer avec les groupes d’action civique pour demander que le Japon ratifie le traité.

8- Travailler ensemble à approfondir une compréhension mutuelle de l’arrière-plan économique et culturel et des autres facteurs qui affectent le pays d’origine du migrant, le pays d’accueil et les pays par où il est passé.

9- Entreprendre un programme d’études pour nous familiariser avec les problèmes mentionnés ci-dessus et chercher à y répondre de manière appropriée.

Les tâches locales de l’Eglise (au niveau des diocèses et des paroisses)

1- Renforcer nos efforts pour nous assurer que l’Eglise du Japon témoigne réellement qu’elle est une Eglise où Japonais et étrangers peuvent vivre ensemble.

2- Faire en sorte que les représentants diocésains de l’Association pour la solidarité avec les travailleurs migrants et étrangers, de la Commission pour la coopération internationale établie par la Conférence épiscopale, collaborent avec les prêtres et les laïcs pour prendre des mesures concrètes :

Afin que les étrangers puissent pleinement participer à la liturgie et aux sacrements, il faut respecter et accepter leurs manières différentes d’exprimer leur foi; il faut proposer des livres de messe et une instruction catéchétique dans leur langue.

Dans nos paroisses accepter les étrangers comme des membres à part entière quelle que soit leur nationalité et trouver des moyens de communiquer avec eux. Parce que le nom de quelqu’un est souvent une expression de sa dignité d’homme, autant que possible les noms doivent être écrits dans leur forme originale et non pas en “katakana” (alphabet phonétique japonais utilisé pour écrire les mots étrangers). Les “furigana” (caractères japonais simplifiés pour guider la prononciation des mots étrangers) peuvent être ajoutés si nécessaire.

Etablir un bureau d’information et de conseil dans chaque diocèse dans le but de trouver des solutions concrètes aux problèmes qui se posent.

Introduire dans les séminaires et les programmes de formation des laïcs, des religieux et du clergé, un enseignement qui favorisera l’apprentissage nécessaire pour communiquer de façon plus efficace avec les personnes provenant d’autres pays.

Nous demandons à tous de commencer à appliquer tout ce qui est possible au niveau local. Puisse le Père tout puissant de l’humanité entière gratifier de ses bénédictions abondantes nos efforts pour réaliser le Royaume qui transcende et embrasse toutes les nations du monde.