Eglises d'Asie

LA FORMATION A LA VIE RELIGIEUSE AU VIETNAM AUJOURD’HUI

Publié le 18/03/2010




Pour les congrégations, la formation à la vie religieuse constitue un problème qui, dans ses composantes juridiques comme dans sa réalité concrète, pourrait facilement être réglé.

1 – Les prescriptions de la loi

Le document de base en la matière est évidemment le décret n° 69/HDBT, publié le 21/03/91 (1). Il réglemente les activités religieuses. L’article 17 déclare: « Les religions ont le droit d’ouvrir des écoles de formation pour ecclésiastiques ou religieux, mais, pour cela, elles devront demander et obtenir l’autorisation du conseil des ministresLes principes sont clairs. Pour ce qui concerne leur application pratique, nous avons le « document d’orientation pour l’application du décret 69/HDBT », intitulé 02/TT/TGCP, publié le 24 février 1992 (2). Il consacre huit paragraphes de son chapitre IV à éclairer dans le détail l’article 17, cité ci-dessus. Il affirme en particulier: « Les organisations religieuses renseigneront le comité populaire provincial ou l’instance administrative correspondante, de l’état présent de la formation des ministres du culte et des religieux dans la région. Elles devront exposer clairement les besoins, les raisons nécessitant l’ouverture d’une école, son nom et son emplacement, les méthodes et le cadre de la formation, le niveau scolaire, le nombre d’années d’études, le programme d’enseignement, la liste des membres de la direction et du conseil des professeurs, le cadre géographique et les critères du recrutement, le nombre de candidats devant être recrutés pour chaque session. Le programme d’enseignement de l’école est déterminé par l’école. Son contenu ne doit ni être en opposition avec la loi ni porter atteinte à l’union nationale. Ce programme comportera l’éducation civique qui doit être tenue pour une matière principale. ( …) L’école pourra inviter des enseignants de grands séminaires ainsi que des professeurs d’université appartenant soit à l’enseignement public soit à des écoles « fondées par le peuple ».

2 – Quelques réalités

L’Eglise catholique possède aujourd’hui cinq grands séminaires interdiocésains officiellement autorisés à fonctionner. Ce sont ceux de Hanoi, de Vinh, de Nha Trang, de Hô Chi Minh-Ville et de Cân Tho. En fait, ces séminaires avaient été fondés avant la parution du décret n° 69. Jusqu’à maintenant, ils n’accueillent que des étudiants destinés à devenir prêtres séculiers. Quant aux religieux appartenant aux divers ordres et congrégations, ils n’ont pas l’autorisation d’y poursuivre leurs études.

A Hô Chi Minh-Ville, depuis 1989 (3) et même avant la parution du décret n° 69, le Bureau des affaires religieuses a autorisé les diverses congrégations à ouvrir des sessions d’été de quatre à cinq semaines qui ont rassemblé un très grand nombre de stagiaires, de 250 à 300 : ce qui prouve que les besoins en ce domaine sont grands et urgents. A partir de cette expérience, pour répondre aux besoins de formation religieuse de plus en plus pressants, la fédération des congrégations religieuses de la ville a obtenu la permission d’organiser une classe d’études de durée déterminée pour les religieuses en charge de la formation dans leurs congrégations ou susceptibles de le devenir. Cette classe divisée en plusieurs groupes a débuté au mois d’octobre 1992. Le nombre des stagiaires dépasse la cinquantaine. Le Bureau des affaires religieuses a accepté sans difficulté la liste des enseignants proposés.

Nous devons nous réjouir de ces initiatives, mais elles ne règlent qu’une toute petite partie de la question. Les congrégations ne sont d’ailleurs pas disposées à se croiser les bras et à attendre. A parler franchement, actuellement il n’existe pas de congrégations sans postulants ou postulantes. Pour chacune d’entre elles, se pose donc le problème de la formation. Mais, celle-ci est très difficile à réaliser correctement, car chaque fois qu’un candidat ou un nouveau membre cherche à accomplir les formalités administratives auprès des autorités du lieu où se trouve le monastère et auprès de celles de son domicile, selon les prescriptions du décret 69 article 21 (4), il ne rencontre que des difficultés. La conséquence en est que de nombreux jeunes religieux ne peuvent résider en permanence dans leur monastère. Cette situation constitue un grand obstacle au bon fonctionnement du système de formation. Si on rassemble les postulants pour les former sans en demander l’autorisation, il faut alors craindre des sanctions. Mais si l’on demande l’autorisation, elle risque fort d’être refusée.

Un certain nombre de congrégations laissent leurs scolastiques et leurs jeunes membres dispersés dans de petites communautés. On ne les rassemble que de temps en temps et de manière camouflée. Ce type de fonctionnement qui présente des avantages comporte cependant beaucoup d’inconvénients. La période durant laquelle on peut les rassembler est de courte durée. Par ailleurs, on craint toujours que quelque chose de fâcheux ne se produise. En conséquence, les études sont trop intensives et par suite, les connaissances sont mal intégrées. Cependant, il est des cas où il est obligatoire que ce rassemblement dure un certain temps. Tel est en particulier le cas pour l’étape du noviciat. Selon le droit canon, les novices (c’est-à-dire les nouveaux membres commençant officiellement leur vie religieuse, pouvant porter l’habit et considérés comme religieux) doivent obligatoirement vivre en commun durant une période qui ne doit pas être plus courte qu’un an. Si les autorités ne donnent pas plus facilement de permis de résidence temporaire (en effet pour une telle durée, il n’est pas possible de demander un permis de résidence définitive; il ne s’agit que d’une période d’essai), le noviciat constituera longtemps un problème insoluble pour les supérieurs. Dans tous les cas que l’on vient d’examiner, la formation à la vie religieuse n’exige pas l’ouverture d’écoles, mentionnée par l’article 17 du décret 69. Mais lorsqu’il s’agit de religieux destinés à devenir prêtres, la question change d’aspect.

3 – Des écoles pour la formation de religieux prêtres

Dans la situation actuelle, la formation à la vie religieuse est loin d’être facile. Elle se complique encore lorsqu’elle concerne des religieux se préparant au sacerdoce.Il existe deux types d’ordres ou congrégations. Dans le premier type, on peut ranger les congrégations dont tous les membres ne sont que religieux (comme par exemple certaines congrégation de frères ou encore les congrégations féminines). Dans les congrégations du deuxième type, on trouve des membres uniquement religieux ainsi que d’autres qui sont à la fois religieux et prêtres.

La formation des religieux prêtres, en plus de tout ce qui est propre à la vie religieuse, doit aussi comprendre le cursus des études sacerdotales, déterminé par le droit canon, le même que celui qui est suivi dans les séminaires. Avant la « libération », les grandes congrégations masculines avaient leur scolasticat (l’équivalent d’un grand séminaire); sinon, elles envoyaient leurs étudiants dans un autre lieu d’études. Aujourd’hui, chacun se débrouille en fonction des circonstances concrètes. On s’efforce d’enseigner le programme prescrit par l’Eglise dans sa totalité. Mais il est difficile de garder à cette formation la qualité nécessaire. Dans la situation actuelle, alors que le personnel capable de dispenser une formation spécialisée se fait de plus en plus rare, on peut, en fonction du décret 69, envisager deux solutions possibles.

– Ou bien , le gouvernement autorise l’ouverture d’un scolasticat inter-ordres, une sorte de grand séminaire commun à toutes les congrégations. C’est la meilleure des solutions; car ainsi il serait possible d’utiliser toutes les compétences encore existantes en matière de formation. Par ailleurs, cette institution aurait un caractère ecclésial et national plus prononcé que les scolasticats propres aux diverses congrégations qui d’habitude accentuent leurs traits distinctifs.

– Ou bien, les ordres et congrégations envoient leurs religieux poursuivre leurs études dans les grands séminaires en tant qu’externes, c’est-à-dire en gardant leur résidence dans leurs couvents respectifs. Même dans le cas d’un scolasticat inter-ordres, les étudiants n’auraient pas besoin d’y loger comme pensionnaires, comme le font les séminaristes. Il leur suffirait de venir y assister aux classes. En effet, les religieux de chacune des congrégations, en dehors des études nécessaires pour devenir prêtre, doivent aussi être formés à la vie religieuse selon les orientations propres à leur congrégation.

Dans le cadre du décret 69 et en dépit de l’étroitesse des limitations imposées, en fonction de l’expérience déjà acquise, il me semble que le problème de la formation à la vie religieuse pourrait recevoir une solution satisfaisante pour toutes les congrégations si les diverses autorités, du centre à la région, appliquaient strictement la législation actuelle en respectant les droits légitimes du peuple, et si elles se préoccupaient vraiment de nous apporter une aide positive.