Eglises d'Asie

Libération sans condition du père Chân Tin

Publié le 18/03/2010




Le 12 mai 1993, à 14 heures, le P. Chân Tin a été convoqué dans les locaux du Comité populaire de la commune de Canh Tân, localité du district de Duyên Hai où, le 16 mai 1990, la Sûreté de Hô Chi Minh-Ville, par mesure administrative, l’avait assigné à résidence pour une durée de trois ans. Il a rencontré là des agents de la Sûreté de Hô Chi Minh-Ville qui lui ont lu un décret stipulant qu’il était désormais libre de ses déplacements sans qu’aucune condition soit mise à cette liberté. Sa peine aurait dû s’achever quatre jours plus tard (15). Au même moment, un représentant du Front patriotique se présentait au couvent des rédemptoristes de la rue Ky Dông à Hô Chi Minh-Ville et avertissait la communauté des religieux, de la libération sans condition de leur confrère. La libération anticipée du P. Chan Tin pourrait être liée au décès de son frère, religieux rédemptoriste lui aussi. Il avait demandé la permission de se rendre à son chevet.

Avant 1975, le P. Chan Tin s’était fait connaître pour ses activités en faveur des prisonniers politiques de l’époque. Après le changement de régime, dès 1978, le P. Chân Tin se signala par ses interventions publiques appelant au respect des droits de l’homme dans son pays (16). En 1988, il défendit publiquement la cause des martyrs vietnamiens. En compagnie de M. Nguyên Ngoc Lan, son ami, il fut le principal inspirateur de la lettre ouverte du 15 août 1989 (17), demandant à l’épiscopat vietnamien de manifester davantage d’indépendance vis-à-vis de l’Etat et mettant gravement en cause le Comité d’union des catholiques patriotes. Ces mêmes thèmes associés à une critique sévère de l’Etat socialiste furent repris dans une série de sermons prononcés par le P. Chan Tin durant le carême 1990 (18).

Le religieux rédemptoriste et M. Nguyên Ngoc Lan furent placés en résidence surveillée (19), quelques jours après que le P. Chan Tin, dans un autre sermon, eut justifié l’ensemble de ses prises de position précédentes (20). Durant ses trois ans de résidence surveillée, le P. Chan Tin n’a pu exercer son ministère sacerdotal. Ses droits civiques lui avaient été retirés et il devait se présenter à la police tous les 15 jours. On peut penser que la liberté sans condition qui lui a été rendue implique aussi la liberté de parole, une liberté qu’il avait réussi à garder même en résidence surveillée. Il a, en effet, tout récemment, exprimé publiquement son avis sur divers événements concernant la vie de l’Eglise au Vietnam (21).

M. Nguyen Ngoc Lan est toujours en résidence surveillée dans sa maison et n’a pas la permission de quitter son quartier. Cependant sa peine devrait prendre fin le 16 mai 1993.

Libération de pasteurs et militants protestants

Selon des nouvelles recueillies au Vietnam par des voyageurs, trois pasteurs protestants, dirigeants d’Eglises domestiques, Dinh Thiên Tu, Trân Dinh Ai et Trân Mai, ont été libérés le 6 avril 1993 des camps de travail où ils étaient internés. Ils avaient été, tous les trois, à la suite de mesures administratives et sans procès, condamnés à une peine de trois ans de camp, peine qui normalement aurait dû s’achever au mois de février 1994. La nouvelle de leur libération ne leur a été communiquée qu’au dernier moment. Quelques jours auparavant, le pasteur Tran Mai avait été condamné au cachot pour s’être adonné à des études bibliques, interdites en prison.

La même source fait aussi état de la libération de quatre militants chrétiens appartenant à des minorités ethniques de la région des Hauts-Plateaux (22). Cependant aucun nom précis n’a été mentionné.

Le pasteur Dinh Thiên Tu, arrêté le 22 février 1991 (23), travaillait jusqu’en 1988 au sein de l’Eglise protestante officiellement reconnue par les autorités. A cette époque, les dirigeants de l’Eglise officielle l’avaient démis de ses fonctions en prétextant qu’il avait propagé de fausses doctrines et violé la discipline de l’Eglise. Le pasteur s’était tourné alors vers le mouvement des Eglises domestiques, dont il était devenu un des dirigeants les plus importants. Lors de son arrestation, il lui avait été officiellement reproché d’abuser de ses fonctions et de se livrer à un travail social par ambition politique.

Le pasteur Tran Dinh Ai, arrêté quelques jours plus tard, le 27 février 1991 (24), a sans doute attiré l’attention des autorités par ses contacts avec les Eglises pentecôtistes à l’étranger. Les griefs retenus contre le pasteur Trân Mai, arrêté au mois d’octobre 1991 (25), mentionnaient qu’il s’était livré à des activités religieuses sans permission et qu’il s’était opposé au gouvernement. Il animait plusieurs Eglises domestiques du Sud-Vietnam.

Selon les mêmes sources, ces libérations ne semblent pas marquer un relâchement de la répression gouvernementale sur ces groupes de chrétiens. Au mois de février 1993, des descentes de police ont été effectuées dans quatre Eglises domestiques. Au cours de l’une d’entre elles, la police a dispersé les 27 participants d’une réunion liturgique après avoir infligé à chacun une amende de 10 000 dôngs (environ 1 dollar américain). Le propriétaire des locaux se voyait quant à lui taxé d’une somme de 50 000 dôngs.

Voilà déjà quelques années que les Eglises domestiques sont l’objet de répression policière. Leur style de vie religieuse, avec des réunions de prière et de culte dans les maisons privées, est en désaccord avec l’esprit et la lettre des directives gouvernementales sur les activités religieuses et plus particulièrement avec le dernier décret n° 69 HDBT du 21 mars 1991. Ce document spécifie en effet, à l’article 7, que les activités religieuses doivent avoir lieu dans les lieux de culte autorisés. De plus, le programme des activités religieuses ordinaires doit être soumis au début de chaque année aux autorités qui l’enregistrent (article 8).

Une liste de dix pasteurs de l’Eglise évangéliste, détenus au Vietnam, a été publiée en 1991 (26). Trois d’entre eux avaient déjà été libérés dans les mois précédents: le pasteur Vo Xuân arrêté le 4 décembre 1989, libéré au mois de décembre 1991, le pasteur Tran Xuân Tu, libéré au mois d’août 1992, le pasteur Phu Anh, arrêté en 1991, libéré en décembre 1991. Avec ces trois nouvelles libérations, seuls quatre pasteurs mentionnés sur cette liste sont encore en prison.