Eglises d'Asie

Les nouveaux travailleurs vietnamiens à l’étranger

Publié le 18/03/2010




Quelques-uns des travailleurs vietnamiens récemment embauchés en Corée dans les industries du vêtement, de la matière plastique et du cuir, se sont plaints de leurs salaires. Alors que pour le même emploi, les ouvriers coréens gagnent de 900 à 1000 dollars par mois, leurs collègues vietnamiens n’en obtiennent que 100, quelquefois 120. Selon des journaux vietnamiens (9) qui se sont faits l’écho de leurs plaintes, la Corée qui aurait envoyé à l’étranger 270 000 de ses propres travailleurs exigerait pour eux un salaire mensuel minimum de 400 dollars.

Interrogé à ce sujet, le directeur du service d’exportation de la main-d’oeuvre à Hô Chi Minh-Ville, qui a établi les contrats de ces travailleurs, a fait remarquer que la situation de l’emploi au Vietnam ne permettait pas aux Vietnamiens exerçant une activité rétribuée à l’étranger de faire la « fine bouche ». Par ailleurs, les salaires dont ils bénéficient sont encore beaucoup plus élevés que ceux des ouvriers travaillant au Vietnam pour des entrepreneurs coréens. Un journal coréen de langue anglaise (10) faisait récemment l’éloge de la main-d’oeuvre vietnamienne et affirmait que le coût du travail dans ce pays était un des moins élevés du monde: les entrepreneurs étrangers y paient 20 à 30 dollars de salaire mensuel, alors qu’ils doivent débourser 70 à 80 dollars en Indonésie, 110 à 120 en Chine et 140 à 150 en Thaïlande. En mai 1992, afin d’attirer les investissements étrangers, le ministère du travail vietnamien avait abaissé à 30 dollars le salaire mensuel minimum exigé dans les entreprises étrangères (11). Il était auparavant de 50 dollars. On peut aussi remarquer que les salaires payés par les entreprises vietnamiennes ou par l’Etat sont encore beaucoup plus bas. Il arrive qu’ils ne dépassent pas cinq à six dollars.

Sept millions de Vietnamiens sont sans emploi ou sous-employés (12), conséquence de la fermeture de beaucoup d’entreprises publiques au cours des quatre dernières années, de la démobilisation de nombreux militaires, du retour de 200 000 travailleurs (13) autrefois employés en Europe de l’Est et en Union soviétique, ainsi que du grand nombre d’agriculteurs sous-employés qui désertent aujourd’hui les rizières (14). Certes les entreprises étrangères embauchent de la main d’oeuvre locale; mais le nombre de leurs employés est encore relativement peu élevé. Au mois d’avril 1992, selon le ministère du travail, il n’y avait que 8 500 ouvriers à plein temps dans les entreprises étrangères établies au Vietnam. 3 500 autres y accomplissaient des travaux saisonniers (15).

Cette situation a obligé les autorités vietnamiennes à se tourner de plus en plus vers les nations industrialisées de l’Asie du Sud-Est à qui elles font valoir la qualité de la main d’oeuvre vietnamienne et son prix de revient le plus avantageux de la région.

Le 24 février 1993, le ministre du travail, Tran Dinh Hoan, déclarait au quotidien « Nhân Dân » son intention d’explorer le marché mondial du travail pour soulager le chômage au Vietnam et affirmait: « En 1993, nous aurons la chance d’exporter un certain nombre de travailleurs et d’experts dans certains pays étrangers ». Il citait Singapour, Taïwan et le Japon (16).

Depuis longtemps déjà le gouvernement vietnamien a fait des propositions dans ce sens au gouvernement de Taïwan, investisseur de première importance au Vietnam. En novembre 1992, le Conseil des affaires du travail taïwanais menaçait les Philippines et la Thaïlande de mettre un terme au recrutement d’employés de maison dans leurs pays et d’embaucher des Vietnamiens à leur place. Les mêmes menaces étaient réitérées à l’encontre des Philippines au mois de janvier 1993. Le conseil des affaires du travail mettait en avant le coût peu élevé de la main d’oeuvre vietnamienne (17). Récemment, lors de la visite d’une délégation vietnamienne à Taïwan au mois de février 1993, le vice- ministre de l’agriculture vietnamien a fait valoir au « Conseil des affaires du travail » les mérites de la main d’oeuvre vietnamienne dans le domaine de la construction (18).

Pour le moment cependant, c’est avec la Corée du Sud que les plus nombreux contrats ont été signés. Depuis que les deux pays ont établi des relations diplomatiques en décembre 1992, le Vietnam a envoyé plus de mille travailleurs dans des entreprises coréennes de vêtement, de cuir et de plastic. La compagnie coréenne « Dông Ha Construction » a, depuis le début de l’année 1993, embauché 478 Vietnamiens pour travailler à la réalisation d’un projet d’irrigation en Libye. Le dernier groupe de 118 travailleurs s’est embarqué pour Tunis le 1er mars 1993. Ils ont ensuite gagné la Libye par voie terrestre (19).