Eglises d'Asie

Renouveau de tension dans les milieux de l’Eglise bouddhique unifiée : trois religieux arrêtés.

Publié le 18/03/2010




Dimanche 6 juin 1993, par l’intermédiaire de l’Agence vietnamienne d’information, les autorités de Hanoi ont fait savoir qu’elles avaient placé trois religieux bouddhistes de Huê en “détention temporaire” (15): les vénérables Thich Tri Huu, Thich Hai Tinh et Thich Hai Tang. Le premier d’entre eux est le supérieur de la célèbre pagode de Thiên Mau Tu (pagode de la dame céleste), construite en 1661 par le Seigneur Tiên Vuong, sur la rive gauche de la rivière des parfums à Huê. Ces arrestations viennent mettre un terme sans doute provisoire à plus deux semaines de conflit entre le gouvernement et les religieux appartenant à l’Eglise bouddhique unifiée.

C’est le 21 mai 1993 que le conflit déjà ancien a pris une nouvelle forme à la suite d’un désaccord sur la nature d’un événement survenu dans l’enceinte de la pagode de la dame céleste. Dans la matinée, un fidèle bouddhiste avait pénétré dans le jardin de la pagode et s’était immolé par le feu devant le “stupa” contenant les cendres du vénérable Thich Dôn Hau, dont l’enterrement au mois de mai 1992 avait marqué le réveil de l’Eglise bouddhique unifiée (16). Les forces de police, déjà placée en surveillance de la pagode, faisaient aussitôt irruption à l’intérieur, s’emparaient du corps de la victime qu’elles transportaient à l’hôpital, malgré les protestations des religieux qui désiraient organiser ses funérailles dans la pagode. Les agents de la sûreté avaient aussi emporté un sac contenant les pièces d’identité et une dernière lettre du fidèle immolé (17).

La version que les autorités ont répandue dans le public par la suite a varié plusieurs fois. Le soir même, un communiqué diffusé sur radio-Huê parlait “de l’acte “d’un toxicomane désespéré atteint du sida“. Plus tard, le 7 juin 1993 (18), les journaux officiels affirmaient que, selon les dires de ses proches, l’intéressé n’appartenait pas à une famille de religion bouddhiste et qu’il venait d’avoir une querelle avec sa femme à propos d’un vase ancien.

Dans la matinée du 24 mai 1993, le vénérable Thich Tri Tuu (19) était convoqué au Comité populaire de la province. On lui demandait de reconnaître publiquement qu’il ne s’agissait pas de l’immolation d’un véritable bouddhiste. On le pressait aussi de faire retirer l’inscription commémorant le sacrifice du 21 mai que les religieux avaient gravée dans la cour de la pagode. Excédé par l’interrogatoire et la présence de policiers en armes, le religieux sortit alors de la salle où il avait été introduit et alla s’asseoir devant la porte du Comité populaire en guise de protestation. Les policiers l’ayant ramené de force à l’intérieur, les religieux de la pagode, informés par la foule, crurent à une arrestation et s’installèrent dans la rue Lê Loi pour entamer eux aussi, une grève de la faim. La foule, de plus en plus nombreuse et dense, vint se joindre à eux: selon la version des événements du vénérable Thich Tri Tuu, au moins 40 000 personnes seraient venues entourer les religieux durant cette journée.

Un peu plus tard dans la matinée, les religieux et la foule aperçurent la robe safran du supérieur de la pagode dans une voiture policière qui se frayait un chemin au travers de la manifestation. Ils le délivrèrent en brisant les vitres du véhicule et, grâce à un cyclo-pousse, le ramenèrent inanimé à la pagode, tandis que les manifestants brûlaient le voiture. En fin d’après-midi, la police, impuissante à disperser la manifestation qui continuait malgré tout, dût avoir recours à un religieux de la pagode qui vint avertir les

religieux et la foule que le supérieur Thich Tri Tuu était revenu chez lui. Tout alors

rentra dans l’ordre.

Cette immolation, la quatrième depuis le 30 avril 1993 au Vietnam (20), et les événements qui ont suivi témoignent du renforcement de la détermination des milieux bouddhistes qui désirent rétablir l’indépendance de leur religion en restaurant l’Eglise bouddhique unifiée. De sources bouddhiques, on apprend que le mouvement, qui s’est d’abord développé parmi les dignitaires de l’ancienne Eglise unifiée, rallie aujourd’hui à sa cause de plus en plus de religieux, membres quelquefois importants de l’Eglise bouddhique d’Etat. Selon ces sources, les réactions d’indépendance se multiplieraient un peu partout. A Ba Ria, un supérieur de pagode et sa communauté ont soutenu ouvertement les positions du patriarche de l’Eglise unifiée en exil, le vénérable Thich Huyên Quang. A Nha Trang, le vénérable Thich Tâm Tri a écrit une lettre de protestation aux dirigeants de l’Eglise d’Etat, s’indignant des questions posées aux religieux au sujet de leur passé politique dans des formulaires d’enquête qu’ils doivent obligatoirement remplir.