Eglises d'Asie

Droits de l’homme : l’Asie de l’Est réclame le droit de définir ses propres règles

Publié le 18/03/2010




La conférence mondiale sur les droits de l’homme qui s’est tenue à Vienne en juin 1993 a mis en lumière la contradiction fondamentale qui se trouve au coeur de la position occidentale sur cette question : en dépit des proclamations et des déclarations d’intention, on ne voit pas s’affirmer une réelle volonté commune d’appliquer des pressions économiques ou politiques sur les pays qui violent la charte universelle des droits de l’homme.

Néanmoins, les gouvernements d’Asie réagissent avec vigueur à la rhétorique occidentale sur les droits de l’homme (26). Parlant de différence de valeurs et du droit à décider de leur propre destinée, les gouvernements de l’Asean (27) ont mené la charge contre ce qu’ils estiment être une tentative occidentale de leur imposer une idéologie étrangère. Répondant aux questions de la Far Eastern Economic Review, de Hongkong, un haut fonctionnaire de l’Asean déclare : “La plus grande partie de l’Asie ne veut pas être occidentalisée. L’Asie connaît le succès économique, nous ne voulons pas qu’on nous bouscule et nous nous sentons culturellement plus sûrs de nousQuelques dirigeants du sud-est asiatique vont plus loin. Le premier ministre malaisien, Mohammad Mahathir accuse l’Occident d’utiliser la politique des droits de l’homme comme l’instrument d’une nouvelle colonisation. Il pointe le doigt vers le chaos engendré dans les anciens Etats communistes d’Europe de l’Est par la lutte pour la démocratie et qui les force aujourd’hui à demander l’aumône à l’Occident : “C’est cela que l’Occident veut, dit-il. Non pas la démocratie, ni le libre-échange, et pas davantage les droits de l’hommeMahathir n’hésite pas à accuser l’Occident de vouloir saboter le succès économique de l’Asie.

Une réaction plus courante parmi les dirigeants politiques asiatiques est cependant d’arguer de différences politiques et culturelles qui doivent permettre à l’Asie, disent-ils, d’avoir des positions distinctes sur la question des droits de l’homme. Ils disent qu’il est possible de se mettre d’accord avec l’Occident sur les principes, mais qu’on peut avoir des opinions différentes sur leur application pratique. Cela permettrait par exemple de ne pas subordonner l’aide au développement et le commerce au respect des droits de l’homme. Au delà de cela, certains observateurs politiques voient dans cette attitude une réaction défensive de gouvernements autoritaires : “L’accent mis sur une philosophie prétendument asiatique des droits de l’homme (28) n’est qu’un détour utilisé par certaines élites de gouvernement pour préserver leurs méthodes pratiques d’exercice du pouvoirdit un observateur philippin qui demande à rester anonyme.

La position la plus embarrassée est sans doute celle du Japon qui voudrait jouer un rôle de modérateur et se trouve pris entre le marteau occidental et l’enclume asiatique. La délégation de Tokyo a signé la déclaration finale des gouvernements asiatiques à Bangkok (29) en avril 1993 qui condamnait “toute tentative de lier l’aide au développement à la question des droits de l’hommeEn même temps, le chef de la délégation japonaise, Seichiro Otsuka, a publié un communiqué expliquant que le Japon n’est pas d’accord avec certaines des positions exprimées dans cette déclaration finale.