Eglises d'Asie

La pression exercée sur le Vietnam en matière de droits de l’homme n’est pas inefficace

Publié le 18/03/2010




Les autorités vietnamiennes n’ont jamais omis de donner la réplique quand elles ont été accusées de violer les droits de l’homme. Lors du dernier Congrès mondial qui s’est tenu à Vienne du 10 au 25 juin 1993, elles n’ont pas manqué de le faire en publiant un communiqué, intitulé « La liberté religieuse au Vietnam »(15). Le communiqué mentionne toutes les faveurs accordées par le gouvernement à l’Eglise bouddhique du Vietnam, en oubliant de rappeler que cette Eglise a été créée par lui pour supplanter l’Eglise bouddhique unifiée.

Plus récemment, lors de la visite en France du premier ministre vietnamien du 23 au 27 juin, alors que le Quai d’Orsay attirait « l’attention des autorités vietnamiennes sur un certain nombre de cas individuels préoccupantsM. Nguyen Manh Cam, ministre des Affaires étrangères déclarait qu’il « n’y a pas de violation des droits de l’homme au Vietnam » et refusait l’idée d’une commission d’enquête, lors d’une d’une interview sur Radio France Internationale. A quelques jours de sa tournée en Europe, le chef du gouvernement, Vo Van Kiêt, avait, lui aussi, rejeté sans nuance toutes les accusations. Selon lui, la liberté religieuse est respectée au Vietnam même dans le cas de l’arrestation récente de trois religieux bouddhistes (16) accusés d’avoir troublé l’ordre public. « Bouddhistes ou non, a-t-il répondu à un journaliste, ceux qui violent la loi en portent la responsabilité devant la loi

Les interventions qui ont été très nombreuses en ce domaine au cours de la première moitié de l’année 1993 ont sans doute contribué à intensifier l’irritation des autorités vietnamiennes. Au début de l’année déjà, le ministère vietnamien des affaires étrangères avait violemment réagi aussitôt après la publication, le 19 janvier, du rapport annuel du département d’Etat américain sur la situation des droits de l’homme dans le monde. Le Vietnam y était accusé « de détentions arbitraires, de tortures et de mauvais traitements infligés aux détenus, ainsi que de graves restrictions des libertés fondamentales » (18). « L’exercice des droits de l’homme est une chose, mais le châtiment de ceux qui violent la loi et la sécurité du pays … en est une autre » (19) avait répliqué le ministre des affaires étrangères vietnamien, Nguyên Manh Cam à son homologue français, Roland Dumas, qui lui présentait une liste d’une vingtaine de noms de prisonniers politiques, lors de la visite officielle du président François Mitterrand au Vietnam au mois de février 1993 (20).

Beaucoup de personnalités qui ont visité le Vietnam par la suite ont systématiquement soulevé la question des droits de l’homme. A l’occasion d’un séjour de deux jours au Vietnam dans le cadre d’un périple asiatique, le ministre allemand des affaires étrangères, Klaus Kinkel, a signalé comme un des points de désaccord de son gouvernement avec la République socialiste du Vietnam le problème des violations des droits de l’homme (21). Le ministre belge Willy Claes, de passage à Hanoi à la fin du mois de mai 1993, a fait allusion à la pression que la communauté européenne désirait exercer sur le Vietnam en matière de droits de l’homme (22). A son habitude, le ministre vietnamien, Nguyen Manh Cam, a répondu que les critères occidentaux en ce domaine ne peuvent pas être imposés de force à son pays.

Cependant, c’est à l’extérieur, lors des déplacements des personnalités vietnamiennes à l’étranger, que les reproches de ce type sont le plus mal ressentis. La visite en Australie du premier ministre, Vo Van Kiêt, au mois de mai 1993, a été sur ce point significative. Selon des observateurs australiens (23), les visiteurs vietnamiens ont été très offusqués de l’importance accordée aux violations des droits de l’homme dans leur pays, aussi bien par la presse locale que dans les entretiens du premier ministre australien avec le chef du gouvernement vietnamien, Vo Van Kiêt. L’opinion publique et les autorités australiennes avaient d’ailleurs eu l’attention attirée sur ce sujet par les protestations de quelques-uns des 130 000 Vietnamiens émigrés dans leur pays depuis 1975, qui ne se privèrent pas de manifester durant toute cette visite. La tension fut telle qu’elle obligea le premier ministre vietnamien à accepter l’envoi d’une commission australienne au Vietnam pour enquêter sur la situation des droits de l’homme en ce pays.

Cette pression internationale, l’affaire australienne, les réactions violentes de diverses associations des droits de l’homme après la condamnation à vingt ans de prison de l’opposant pacifique et démocrate, Doan Viet Hoat, le 31 mars dernier, le soutien donné aux tentatives d’indépendance du Bouddhisme unifié par l’opinion internationale sont autant de blessures à l’amour-propre d’un régime qui est obligé de mesurer ses réactions, tant il a besoin des investissements étrangers et de l’aide internationale. Il arrive cependant qu’il exprime son ressentiment dans les colonnes de l’organe du parti communiste. Les accusations contre le Vietnam deviennent alors l’oeuvre de « forces hostiles qui essaient d’imposer leurs propres valeurs en matière de société, de politique et d’économie … Elles gardent la mentalité colonialiste et n’ont pas abandonné leur projet colonialiste et leur volonté d’intervention dans les affaires intérieures de notre pays » (24).

Toutefois, la mauvaise humeur et l’irritation manifestées par les dirigeants vietnamiens dès que l’on aborde ce sujet ne devraient pas décourager les associations des droits de l’homme et les gouvernements étrangers dans les pressions exercées en ce domaine. En effet, il est probable que les interventions qui ont eu lieu depuis le début de cette année ne sont pas étrangères aux libérations survenues ensuite, en particulier celles des prêtres et religieux catholiques (25).