Eglises d'Asie

Ayodhya : en dépit des provocations extrémistes, le monde du cinéma et de la chanson apporte son soutien à la conception indienne de la laïcité

Publié le 18/03/2010




Dans la nuit du 14 au 15 août 1993, à l’occasion du quarante-sixième anniversaire de l’indépendance indienne, un concert accompagné de danses traditionnelles qui s’est prolongé pendant dix heures a été donné à Ayodhya, la ville d’Uttar Pradesh où, le 6 décembre 1992, une foule d’hindous fanatisés ont détruit une mosquée vieille de plus de 450 ans et prétendument bâtie sur le lieu de naissance du roi divinisé Rama (11). Environ deux mille auditeurs ont assisté au concert.

Cette “célébration”, d’abord interdite par le gouvernement provincial, a été organisée par “Sahmat”, une association d’artistes et d’acteurs, dans le but de promouvoir la laïcité qui a jusqu’à ce jour caractérisé la démocratie indienne et fait sa fierté. “Nous nous devons, dit K.Raina, acteur professionnel, de renforcer nos traditions séculières

Selon un commentaire de la revue “Newsweek” dans son numéro du 6 septembre 1993, l’industrie cinématographique indienne (plus de 800 films par an dans la seule langue hindi) se veut par tradition un exemple de tolérance religieuse et de coopération. Hindous et musulmans y travaillent ensemble, les uns comme acteurs, les autres comme scénaristes, musiciens ou chanteurs en play-back. Traditionnellement aussi, le cinéma indien évite les thèmes qui peuvent occasionner des affrontements entre communautés. Souvent les noms mêmes des héros sont choisis de façon à ne pas marquer les différences religieuses.

Or l’atmosphère du rassemblement culturel du 15 août a été troublée par des incidents dont le parti d’extrême-droite BJP (Parti du peuple indien) s’efforce de tirer avantage sur le plan politique. Des hindous fanatiques ont tenté de perturber la fête. Deux jours plus tôt, ils avaient semé le désordre dans des expositions organisées par le groupe “Sahmat” à la capitale du district, Faisalabad, et en dix-sept autres villes de l’Inde, en prenant pour prétexte la présence d’un panneau qui illustrait le “Ramayama”, l’épopée du roi Rama, d’après une tradition bouddhiste plus ancienne que le texte de Valmiki qui fait habituellement autorité. Sita était présentée comme la soeur de Rama et non pas comme son épouse, au scandale des hindous traditionalistes. Une semaine durant, des membres du BJP et d’organisations parallèles ont réclamé le retrait de l’affiche, refusé au nom de la liberté religieuse de l’Inde par les dirigeants de l’exposition. Mais ceux-ci ont dû finalement céder, le 21 août, le gouvernement, qui avait lui-même cédé aux pressions des fondamentalistes, ayant ordonné le retrait d’un texte “pouvant encourager la sédition”.

Mme Anita Joshua, journaliste du quotidien The Hindu de Madras, écrit : “La volonté des soi-disant gardiens de l’hindouisme a été accomplie. Les fondamentalistes sont en train de déraciner les traditions pluralistes d’une Inde plus ancienne qu’eux