Eglises d'Asie

RECONSTRUIRE UNE EGLISE NOUVELLE après le tremblement de terre

Publié le 18/03/2010




Le séisme qui a secoué notre île est passé, le raz-de-marée qui l’a suivi est retombé. La panique, la peur et l’agitation se sont apaisées. La vie a retrouvé son atmosphère habituelle et ses habitudes. Nous croyons pourtant, comme peuple de foi, que Dieu qui nous parle par les Ecritures et dans la tradition de l’Eglise nous parle aussi dans les situations concrètes de notre vie présente et qu’il nous a certainement parlé par le tremblement de terre, même si ce fut une parole de rude défi. Ce calme d’après le séisme ne doit pas être une période d’assoupissement spirituel, mais le début, pour un peuple de foi, d’un effort de découverte du sens du désastre. Dieu nous invite à un renouveau de notre vie personnelle et ecclésiale. Le tremblement de terre va peut-être s’accompagner pour nous d’une secousse spirituelle, bouleverser nos idées et nos valeurs. Peut-être la catastrophe va-t-elle nous réveiller de beaux vieux rêves et commencer de nous faire voir plus nettement la réalité nouvelle créée par le changement rapide de la société.

L’Eglise d’antan s’est effondrée

Le récent tremblement de terre a détruit en grand nombre nos églises, nos maisons paroissiales et nos maisons religieuses. Elles se dressaient solides et glorieuses, parfois triomphalistes, en contraste avec la simplicité des habitations de notre peuple. C’était le symbole de l’Eglise que nous avions édifiée à Flores, marquée par l’héritage de l’Eglise portugaise des quinzième et seizième siècles, surtout de l’Eglise hollandaise des dix-neuvième et vingtième siècles, monastique et cléricale. Devenue une des minorités de

l’Indonésie, cette Eglise se guidait sur des considérations politiques face au gouvernement indonésien et à la majorité musulmane. Elle cherchait à se faire auprès des gens la place honorable d’une “institution religieuse”.

De fait, l’Eglise catholique avait fortement mis l’accent sur son caractère d’institution : une organisation et une structure rigides, dégageant une impression accablante de triomphalisme, d’arrogance et d’étroitesse d’esprit ; une forte direction hiérarchique, souvent autoritaire, qui paralysait le travail de l’Esprit dans les forces vives de l’ensemble du peuple de Dieu ; les lois et les règlements mis au premier plan, au point de rendre l’Eglise légaliste.

Cette Eglise institutionnelle hiérarchique a eu bien des avantages, c’est indéniable, et convenait bien à une époque et à une région données. Mais les temps ont changé et avec eux les idées et les valeurs. Il n’est pour le vérifier que de regarder l’Eglise dans le contexte de l’Indonésie, pays multiforme dans ses cultures, ses croyances et ses religions, en proie à la pauvreté qui asservit notre peuple. Il est clair que nous ne pouvons plus nous sentir en paix à l’intérieur d’une Eglise triomphaliste et fermée.

Je suis conscient qu’il n’est pas facile de laisser derrière nous l’Eglise que nous avons bâtie avec tant d’énergie et de bonne volonté. C’est comme si quelque chose de notre vie, de notre être même, avait soudain disparu.

Déjà au cours de notre synode pastoral nous avons perçu le problème de la présence parmi nous de ceux qui conçoivent encore une Eglise partagée entre l’avant et l’après-concile Vatican II. Dans l’abstrait nous savions que nous devrions vivre comme une Eglise d’après le concile : Eglise du peuple, pour les autres, pour la société du dehors. Mais en fait, nous nous contentions de vivre encore dans une Eglise d’avant le concile: institutionnelle, dotée d’une identité définie, d’une structure et d’une organisation bien ordonnée. Cette Eglise partagée et coupée en deux a été secouée et ruinée par le terrible tremblement de terre qui a détruit les lieux de culte, les maisons religieuses et les édifices paroissiaux de l’archidiocèse. Quelques-uns des symboles de l’Eglise qui naguère grandissait au milieu de nous ont maintenant disparu. Comment pouvons-nous lire cette situation avec les yeux de la foi ?

Après le cataclysme, l’une de nos rencontres au séminaire de Ledalero a fait noter la réflexion suivante : “Ce désastre de la nature n’a pas seulement causé beaucoup de souffrances et de dommages, il a apporté à bien des gens de grands avantages spirituels, la possibilité de repenser l’orientation de notre travail pastoral et missionnaireBref, nous voici invités à redécouvrir la véritable identité de l’Eglise et sa véritable mission.

Reconstruire une nouvelle Eglise

Ce temps de désastre est un temps de purification, comme le peuple hébreu en fit l’expérience dans sa traversée du désert. Le tremblement de terre peut ouvrir nos yeux et nos coeurs et nous faire découvrir certains aspects fondamentaux de l’Eglise.

Le désastre nous a fait voir que Dieu est la force et le centre de la vie de l’Eglise. Quand le séisme a secoué notre région, nous avons tous vu les maisons bâties au prix de tant de sacrifices s’écrouler en un instant. Nous avons vu s’écrouler en quelques minutes nos belles églises, nos fières constructions paroissiales. Nous l’avons entendu raconter et peut-être l’avons-nous vu de nos yeux : certains de nos frères et de nos soeurs ont été engloutis vivants, d’autres emportés par le raz-de-marée.Quelque chose soudain s’est déchiré en nous, dans notre vie. Nous étions impuissants. A ce moment-là le mot qui vint spontanément sur les lèvres de chacun fut : “Seigneur, au secours!”. Personne n’a proféré contre lui des jurons ou des malédictions. Nous regardions Dieu comme notre sauveur, notre protecteur.

Nous avons vu aussi comment, aussitôt après la catastrophe, nous nous rassemblés dans nos églises privées de toiture pour prier. Nous avons senti la foi se réveiller. Secoués, abasourdis, nous nous souvenions de Dieu. Nous nous sommes une fois de plus tournés vers lui. Nous étions comme le fils prodigue qui, dans sa misère, s’est souvenu de son père et a décidé de revenir chez lui (Lc 15,11-32).

Ce temps d’après le tremblement de terre est le temps du retour vers Dieu, un temps de conversion, le moment de changer l’orientation de notre vie comme aussi bien l’orientation de la vie de l’Eglise. Si, dans le passé, nous avons davantage estimé l’Eglise comme une institution, dont les manifestations et les initiatives humaines n’étaient que trop visibles, dans ce temps d’après le tremblement de terre nous souhaitons vivre davantage l’Eglise comme un mystère, comme l’oeuvre de Dieu lui-même. Trois aspects de l’Eglise nous sont apparus : l’Eglise, peuple de Dieu uni au Christ comme à son frère aîné, peuple voulu par Dieu le Père depuis la création, conduit tout au long de son histoire terrestre vers sa perfection à la fin du temps (Lumen gentium 2) ; l’Eglise, corps du Christ, qui est sa tête (Col 1,18) ; l’Eglise, temple du saint Esprit (1 Co 3,16, 6,19). Ainsi toute l’Eglise est visible comme le peuple de Dieu dont l’unité est fondée dans l’unité du Père, du Fils et de l’Esprit saint (Lumen gentium). L’Eglise est trinitaire.

L’Eglise, peuple de Dieu

Les aspects humains et temporels de l’Eglise : ses constructions, son organigramme, ses règlements… ont leur importance et leur valeur, mais ne sont pas le plus essentiel. Si nous contruisions une tour de Babel, nous deviendrions arrogants, ne comptant plus que sur la puissance humaine et temporelle, Dieu devrait descendre et nous disperser (Gn 11,1-9). L’Eglise est d’abord et surtout un ouvrage de Dieu, une communauté de croyants unis au Père par le Fils dans le Saint Esprit. Dans le désastre qui vient d’arriver, cette Eglise n’a pas du tout été ébranlée ! Le tremblement de terre ne devrait donc pas nous laisser déprimés. Nous avons besoin de nous corriger parce que nous n’avions peut-être pas bien compris l’Eglise. Nous avons besoin d’un esprit de conversion pour revenir à Celui qui est le force et le centre de l’Eglise. Cette catastrophe de la nature nous a ouvert les yeux sur ce qu’est d’abord et avant tout l’Eglise : la communauté des croyants qui vivent l’ouverture de l’esprit et du coeur, la solidarité, l’amour sans limite.

Un désastre source de grâce

On le voit bien : le tremblement de terre et le raz-de-marée n’ont pas seulement entraîné un désastre, ils ont été source de grâce. Sur notre terre ruinée, au milieu de tant de victimes, nos coeurs soudain se sont ouverts, nous avons éprouvé un sentiment de solidarité et d’amour les uns pour les autres. Les murs qui séparaient les groupes ethniques tombaient, les séparations entre chrétiens et musulmans, les distinctions de classe dans la société étaient abolies. Une commune solidarité nous unissait, un amour profond, l’émulation à nous entraider, à aider spécialement ceux qui ont le plus souffert. Pendant un temps, nous nous sommes oubliés nous-mêmes, nous avons oublié nos besoins individuels, ouvert nos yeux et nos coeurs aux autres. Des sentiments comme l’égoïsme, la cupidité, nous parurent vraiment déplacés.

En même temps, nous avons été surpris de voir les secours arriver de toute la nation, et même du monde entier. Les différences de races et de religions n’étaient plus un problème. Notre région retenait l’attention de tout le pays, et pendant quelque temps celle du monde entier. Quelle joie profonde nous avons éprouvée au milieu de tant de souffrances !

Ce désastre de la nature nous a fait redécouvrir bien des valeurs dont, en temps ordinaire, nous avions à peine conscience ou que nous apprécions à peine. C’est en pareils moments que nous avons expérimenté de nouveau combien sont divines les valeurs d’ouverture, de solidarité et d’amour sans limite, et combien impressionnante est la force de Dieu. Comme elle est étonnante et admirable la façon dont Dieu travaille au coeur d’une nation, au plus profond de l’humanité ! Pour nous chrétiens, ces valeurs ne sont-elles pas notre chair et notre sang, une part de notre être même ? Ne sont-elles pas censées être centrales dans notre Eglise ? L’Eglise ne doit-elle pas être une communauté de croyants qui vivent une vie ouverte aux autres, qui sont liés à leurs voisins par la solidarité et l’amour ? La catastrophe de la nature nous a fait redécouvrir l’authentique identité de l’Eglise.

Une communauté de croyants

La catastrophe nous a portés à voir l’Eglise comme une communauté de croyants unis par la solidarité et l’amour. Elle nous a rappelé l’exemple de l’Eglise primitive dont les fidèles vivaient unis dans l’amour et mettaient tout en commun (Actes 4,32-37).

L’Eglise ne doit plus se réduire à un monument spectaculaire, pyramide rigide et triomphale. Elle doit davantage témoigner de sa force intérieure, laisser le travail de l’Esprit transparaître dans la communauté des croyants (Actes 1,2,5,8,l6 ; 2,4). Elle n’est pas simplement un groupe d’adeptes d’une religion, dont une structure de pure forme encouragerait l’étroitesse d’esprit et le fanatisme. Elle doit devenir une communauté de croyants, spirituelle et humble, solitaire et ouverte.

Récemment, des penseurs musulmans comme Nurkolis Madjid et des théologiens chrétiens comme Th.Sumartana ont exprimé des pensées semblables dans le contexte d’une situation grave entre les religions d’Indonésie, pays si multiforme par ses cultures et ses croyances. Ce ne sont pas des pensées étrangères à l’Eglise d’après le concile. Peut-être n’en avons-nous pas encore saisi l’urgence. Il est pourtant des plus utiles, dans l’épreuve d’un terrible séisme physique et spirituel, que de telles pensées soient mises en avant, afin de donner à notre Eglise un nouveau visage.

“Une Eglise de religion” rend facilement ses membres fanatiques, attachés à la défense de leur institution. Au contraire une “Eglise de foi” touche sans peine ceux qui adhèrent à d’autres credos. Une Eglise de la foi, de l’Esprit, est une Eglise ouverte, en dialogue, en sympathie. Nous avons senti pendant l’épreuve combien la foi et l’esprit peuvent rapprocher. Nous avons fait l’expérience de la solidarité avec des gens de fois différentes.

La solidarité humaine

Au cours de ces malheurs, nous avons reçu de tout notre pays, et même du monde entier, une aide généreuse fournie par des gens d’autres croyances, d’autres cultures et d’autres races. C’est là un fait plein de sens. Il nous fait mieux voir, mieux comprendre et respecter davantage “l’autre”. Peut-être, jusqu’à présent, notre vue a-t-elle été bornée par les murs de nos églises et de nos maisons religieuses. Depuis que ces murs sont tombés, notre vision est devenue plus large, plus claire. Nous avons été invités à tendre la main aux autres, à la société. Nous réalisons que nos diocèses doivent être plus unis à la population, au monde. Nous ne devons pas devenir une tour d’ivoire dressée au milieu de la tempête du monde qui nous entoure. L’Eglise n’est pas présente dans le monde pour elle-même, mais pour le monde. Nous devons être conscients que l’Eglise est présente au monde comme au partenaire d’un dialogue.

Dans sa constitution Gaudium et spes, le deuxième concile du Vatican a mené l’Eglise au monde. L’Eglise n’est pas seulement appelée à être une lumière dans le monde, mais à oeuvrer pour que le monde reflète le règne de Dieu. Elle est conviée à servir le monde, à changer le monde pour qu’il devienne plus humain, plus juste, plus libre, plus prospère, et que soit ainsi créé un climat où Dieu soit vraiment perçu comme Roi. L’avènement du règne de Dieu, c’est le triomphe sur toutes les formes de mal, d’oppression, de déséquilibres sociaux, de pauvreté. Ainsi la vraie communauté et la paix règneront-elles sur cette terre de Dieu.

Dieu a dans son coeur une place spéciale pour le pauvre (Luc 4,18-19). C’est un thème central de la Bible, que nous ne pouvons pas laisser de côté ou accommoder pour pouvoir jouir à l’aise de notre vie dans l’Eglise. L’Eglise doit se préoccuper d’abord des pauvres. Au milieu des peuples d’Asie en proie à la pauvreté et à la souffrance, elle doit devenir une Eglise des pauvres si elle veut devenir une Eglise asiatique. C’est l’appel souvent lancé par la Fédération des conférences épiscopales d’Asie. Si cela nous paraît inédit, mettons-le au premier rang de nos réflexions et discussions de crême pour en faire notre façon d’être l’Eglise.

Une Eglise en pèlerinage

Un autre élément qu’il nous faut voir, c’est que l’Eglise est encore en route dans ce monde. Cela signifie qu’elle doit aller toujours de l’avant, comme un pèlerin, garder son dynamisme vers plus de perfection, se rapprocher de plus en plus de notre Père du ciel. L’Eglise ne doit pas rester empêtrée sur place, ni dépérir. Nous ne devons pas l’enfermer dans nos églises ou dans nos maisons religieuses, ni dans nos concepts théologiques figés. L’Eglise doit rester en état de perpétuelle mise à jour.

Quelques pensées sur le travail pastoral

dans notre archidiocèse après le tremblement de terre

Redécouvrant après ce cataclysme l’authentique identité de l’Eglise, nous devons également mieux voir sa mission, sa véritable tâche. De la signification de l’Eglise nouvelle et de sa forme nous devons tirer des conséquences pour notre mission et notre tâche. Quel doit être le travail pastoral dans une Eglise d’après le tremblement de terre?

Ouvriers du travail pastoral

Si l’Eglise est la communauté des croyants, notre tâche pastorale doit consister à communiquer la foi. Naguère cette tâche était plutôt orientée vers l’instruction des autres, vers la conduite du troupeau, et la hiérarchie l’assumait comme une chose de règle dans une Eglise institutionnelle. Il faut changer pareille façon de voir. Tous les croyants doivent devenir des agents actifs et responsables de la pastorale (Eph 4,16). Les calamités de la nature viennent de nous montrer que la solidarité du peuple de Dieu peut produire une force inébranlable. L’Esprit de Dieu n’est pas le monopole de la hiérarchie, il souffle où il veut, même chez ceux qui n’ont pas été à l’école. Notre Eglise est charismatique. Elle doit se ranger avec plus de courage du côté des pauvres, des laïcs, car ils comptent sur la force de Dieu.

Nous devrons commencer à remettre en cause notre alliance avec les puissants de la politique et de l’économie, avoir le courage de suivre l’exemple du Christ qui a choisi ses compagnons de travail dans les marges de la société.

Les modèles de l’action pastorale

L’Eglise communauté des croyants s’appuie sur une pastorale de communication et de participation. Nous ne pouvons plus nous adresser à des masses dans le cadre d’immenses paroisses. Notre tâche pastorale s’inscrira dans des petits groupes, ce sera un mouvement partant d’en bas, de communautés ecclésiales élémentaires.

Au service de la Bonne nouvelle, nous devons veiller à ce que le groupe ne s’en tienne pas aux formules doctrinales, mais approfondisse son sens de la foi. Son message ne sera pas du genre moralisant, ce sera, d’une manière positive, le témoignage d’une vie.

Au service de la sainteté, nous devons tâcher d’unifier prière et vie quotidienne, spirituel et temporel. Il ne faut pas de dichotomie. La sainteté n’est pas centrée sur des pratiques de piété. Elle est communautaire et personnelle, elle sourd du coeur, elle est spontanée.

Au service du développement social et économique, notre approche doit être participative : avec les gens, par eux, pour eux, de façon qu’ils redécouvrent eux-mêmes leurs capacités, l’estime et le respect de soi. Le développement social et économique doit faire clairement et directement pressentir le Règne de Dieu en ce monde.

Le but du travail pastoral

L’Eglise est une communauté de croyants solidaire des pauvres. Le travail pastoral qui édifie la foi d’une communauté des croyants, remplis du même amour et de la même espérance, vise aussi à l’engager davantage dans le développement de la société, afin que le Règne de Dieu se réalise de plus en plus sur cette terre qui est sienne.

L’Eglise, communauté évangélique centrée sur le Christ et inspirée par l’Esprit saint, a à devenir la lumière du monde et le sel de la terre, le sacrement efficace du salut pour le monde. Le salut de Dieu n’est pas seulement pour les derniers temps, il est ici et maintenant. Ceci entraîne des conséquences :

1( Cessant d’être à l’excès préoccupée par les intérêts internes de l’Eglise, l’action pastorale se déploie face à un vaste horizon, elle vise le développement d’une humanité restaurée dans son intégrité et complète.

2( Nous sommes appelés à être plus ouverts à la situation concrète de notre peuple, qui est une situation de pauvreté.

3( Le dialogue avec le monde contraint les croyants à réfléchir sans cesse sur les expressions de leur foi et sur les formes qu’elle prend dans la vie quotidienne. Aucun domaine de la vie n’échappe à notre tâche pastorale.

Organisations pastorales

Si nous avons fait naguère de la grande paroisse et en particulier de son centre administratif le fondement de notre organisation, nous voici désormais conduits, dans l’Eglise d’après le concile, à voir le centre de notre activité pastorale dans les communautés ecclésiales de base. Chacune de ces communautés doit devenir un centre pastoral. C’est pour ces communautés que seront conçus nos moyens d’action et nos programmes. Nous ne négligerons pas nos grandes organisations, mais le type d’action pastorale sera davantage du côté des petits groupes. Préoccupons-nous de communautés chrétiennes élémentaires dont la physionomie présente les principaux traits suivants :

– une dimension réduite, de façon que chacun connaisse les autres et les rencontre librement et régulièrement,

– le partage d’une motivation commune, celle d’une communauté de croyants qui se forment les uns les autres et qui vivent la foi qu’ils développent ensemble,

– l’accent mis sur le vivre ensemble d’une communauté chrétienne et sur les implications de sa foi pour la vie dans la société.

A partir d’organisations et de cellules d’Eglise de ce genre, c’est dans l’ouverture, la solidarité et l’amour sans limite que nous témoignerons pour le monde.

Programmes de pastorale

Tous nos moyens et programmes d’action pastorale doivent être significatifs de l’Eglise que nous souhaitons bâtir, c’est-à-dire d’une communauté de croyants réellement ouverte et en relation d’amour avec le monde qui l’entoure. Ce seront donc des moyens et des programmes familiers, communicatifs, adaptés aux habitants de tel endroit. Laissons de côté tout ce qui serait extravagant ou triomphaliste, qui offenserait la solidarité et créerait la suspicion. Une Eglise triomphaliste devient facilement une pierre de scandale, qui fait tomber les gens. Il nous faut la sincérité et le courage de l’Evangile.

Quelques appels urgents

1. Nous avons décidé de construire une Eglise proche des gens et de la société, donc adaptée au monde qui nous entoure. Nous souhaitons donc construire une Eglise qui ait le visage du pays. Or dans la situation présente, ce ne peut être qu’une Eglise au visage blessé dans le chaos d’après le séisme. Notre première priorité pastorale est donc l’aide à la population de notre diocèse, en particulier aux petites gens victimes de la catastrophe.

2. En restaurant la vie de la population, semons les valeurs du Règne de Dieu: solidarité, respect de soi et de la dignité humaine. L’assistance considérable que nous recevons maintenant ne doit pas susciter la cupidité, les échanges de coups ni l’état de dépendance à long terme. Le développement dans lequel nous nous engageons doit faire naître la solidarité, le respect de soi-même et l’indépendance.

3. Eu égard à ce développement de la vie des petites gens, j’appelle, après la construction des abris provisoires nécessaires, à un moratoire de tous travaux de reconstruction en dur des églises et chapelles, des couvents, des presbytères et des salles paroissiales. Tout notre effort doit tendre à restaurer la vie des pauvres qui ont tout perdu.

4. Plus tard, les églises, les presbytères et les couvents devront être les signes d’une Eglise proche de la population et de la société. Nous voulons dans l’avenir construire pour notre archidiocèse des équipements qui ne choquent plus et ne soient plus des pierres de scandale. Nous voulons devenir un peuple non pas triomphant, mais humble, en constante conversion, dont chaque parole, chaque geste de solidarité inspirent confiance. En fin de compte, après l’effondrement de tous nos équipements et aménagements extérieurs, puisse l’esprit de l’Eglise souffler du milieu des ruines, nous découvrir qui elle est et susciter une vie nouvelle.