Eglises d'Asie

A PROPOS DE LA CANONISATION DES MARTYRS DU VIETNAM

Publié le 18/03/2010




(…) Je me fais un devoir de vous écrire cette lettre après avoir lu un article sur l’Eglise du Vietnam de M. Dô Manh Tri, publié dans « Eglises d’Asie », Dossiers et documents n° 7/93, EDA 161. J’y relève un certain nombre de passages à propos desquels je vous fais parvenir la mise au point suivante.

1( – Le bureau permanent de la Conférence épiscopale, en publiant le communiqué du 19 septembre 1987 n’a pas fait preuve de faiblesse sur les deux points suivants.

a) – Le communiqué demande à tous les membres du peuple de Dieu au Vietnam de « vénérer les bienheureux vietnamiens comme dans le passé ». A cette époque, il y avait au Vietnam une grande confusion au sujet des saints martyrs du Vietnam. Beaucoup de personnes même avaient devancé la décision du Saint Siège en allant à la recherche des sépultures, des reliques , en organisant pour les martyrs des cérémonies réservées « aux Saints ». C’était un an avant les canonisations et les bienheureux du Vietnam n’avaient pas encore été déclarés saints; il n’y avait donc rien d’erroné ni aucune faiblesse dans ce communiqué qui invitait chacun a vénérer les martyrs seulement comme des bienheureux.

b) – La diffusion de ce communiqué n’a pas été non plus une faiblesse. Par nature, un communiqué est destiné à être diffusé. Il n’était pas question de le garder secret, seulement connu des évêques. A cette époque, il était obligatoire de remettre les communiqués au Bureau des affaires religieuses avant leur diffusion. C’est pour cela qu’il a été connu le jour-même, sans que cela soit de la responsabilité du bureau permanent. Plus tard, il y a eu un télégramme, non pas le jour-même, mais après un certain temps. Il était destiné à rappeler aux évêques de diffuser le communiqué à tous, car quelques évêques et prêtres n’ayant pas participé à la réunion du bureau permanent tardaient trop à le faire connaître.

2( Le fait que Mgr Bui Tuân, en fonction de son opinion et de sa bonne volonté ait publié des déclarations dans la presse, ne regarde pas la Conférence épiscopale. Il ne la représentait nullement. A plus forte raison, en faisant cela, il ne s’est pas sacrifié à la place de ses confrères évêques. Lors des deux réunions du bureau permanent et lors de la réunion annuelle de la conférence, Mgr Bui Tuân, en voyage en Europe pour raisons de santé, était absent.

3- M. Do Manh Tri pense que les évêques ont cédé – « on a cédé une fois … » -et il leur conseille d’être sages … et fermes … Il n’existe aucune preuve montrant que les évêques ont cédé. Au contraire, il y en a de nombreuses qui témoignent de leur fermeté.

a) – Ainsi, le communiqué n° 1 de la Conférence épiscopale (il a suivi celui du 19 septembre 1987) répondant au Bureau des affaires religieuses qui avait demandé de reporter les canonisations à un autre jour, de supprimer de la liste une certain nombre de bienheureux faisant problème au gouvernement. Le communiqué affirmait : « Ceci est une question délicate relevant du domaine de la foi et de la décision du Saint-siège ». La Conférence proposait alors d’envoyer au Saint-Siège une délégation dirigée par le secrétaire général, Mgr Nguyên Van Sang, et comprenant Mgr Huynh Dong Cac et Mgr Nguyên Son Lâm, pour étudier la question. Mais cette proposition a été refusée.

b) – Un document en 9 points, non officiel mais jouissant de l’approbation de tous les évêques, a répondu à toutes les questions soulevées par le gouvernement, le bureau des affaires religieuses, les associations et certaines personnes, à propos de la canonisation des martyrs du Vietnam. Ce document a été, par la suite, très vivement pris à partie par le journal « Công Giao và Dân Tôc » (1).

c) – Le fait que, plus tard, un communiqué a été renvoyé par 8 fois à la correction sans que finalement il ne soit publié prouve à l’évidence que les évêques du Vietnam n’ont pas cédé.

d) – le fait qu’aucun évêque du Vietnam n’ait été présent aux cérémonies de la canonisation à Rome confirme la fermeté avec laquelle les évêques ont maintenu leur position.

e) – En lisant les compte-rendus des réunions de la Conférence épiscopale de 1985, 1986, 1987, on s’aperçoit que les évêques vietnamiens ont toujours été unanimes pour demander la canonisation des martyrs vietnamiens, résolus à ne supprimer aucun nom de la liste des futurs saints et décidés à ne pas déplacer, fut-ce d’une matinée, la date fixée pour les canonisations, à savoir le 19 juin 1988, malgré la proposition en ce sens du Bureau des affaires religieuses.

Dans les autres réunions convoquées par l’Etat, en particulier, dans celle à laquelle participait le ministre de l’intérieur de l’époque, Mai Chi Tho, le cardinal Trinh Van Can a pris la parole pour demander que les évêques, les prêtres, les laïcs ne soient pas obligés de commettre une faute contre la piété filiale due aux ancêtres (les martyrs). Très ému, il a éclaté en sanglots tandis qu’il parlait. Comme, d’ailleurs, l’écrit M. Dô Manh Tri à la page 4 de l’article, le cardinal Trinh Van Can s’est comporté en pionnier dans l’affaire des canonisations. Il s’est acquis des mérites auprès de la Conférence épiscopale en restant solide sur ses positions. On l’a d’ailleurs accusé d’avoir cherché tous les moyens de faire savoir au Saint Siège qu’il fallait célébrer les cérémonies de canonisations le 19 juin 1988 (A ce sujet, il y a un témoignage de grand poids, celui de Mgr Tran Ngoc Thu) (Voir aussi le livre « Souvenirs au sujet du cardinal Joseph Marie Trinh Van Can » par François Xavier Nguyên Van Sang).

Pour me résumer en ce qui concerne ces canonisations qui ont eu lieu depuis 5 ans déjà, je reprendrais la réponse que j’ai faite à un journaliste de Radio Vatican lors d’un voyage à Rome le 10 octobre 1988: « Oublions les erreurs du passé, pardonnons-nous les uns aux autres et la main dans la main, regardons vers l’avenir, construisons l’Eglise et édifions un pays riche et prospère » (voir le texte intégral dans Sur le chemin du pèlerinage, vol II, F.X. Nguyen Van Sang).

Cinq ans ont passé depuis cette époque et l’Eglise du Vietnam organise , en toute quiétude, des cérémonies solennelles en l’honneur des saint martyrs du Vietnam. Avec la nation toute entière, l’Eglise est sortie de l’ancienne époque, époque de l’autoritarisme, époque où il fallait aux dirigeants de l’Eglise beaucoup de sagesse et de délicatesse pour venir à bout des difficultés et des épreuves. Aujourd’hui, l’Eglise vit dans une période de « rénovation », cherchant à dialoguer avec tous les éléments de la nation, à les aider à progresser vers un avenir.