Eglises d'Asie – Indonésie
Travail des enfants : il est urgent d’élaborer une nouvelle réglementation
Publié le 18/03/2010
Une loi indonésienne de 1957 avait interdit le travail des enfants au-dessous de 14 ans. Mais, en 1987, le ministère du Travail a fait paraître un décret autorisant, si la situation économique de leur famille l’exige, que des enfants de 10 à 14 ans travaillent en dehors des entreprises familiales. Sans modifier formellement la loi, ce décret a en fait rendu légale la pratique extrêmement répandue du travail des enfants : selon des assistants sociaux, ils fournissent jusqu’à 35 % de la force de travail à certaines industries. Ce décret de 1987 stipule que les enfants ne peuvent travailler que quatre heures par jour, qu’on ne doit pas leur confier de tâches à haut risque s’ils ne sont pas sous la protection de leurs parents et que les contrevenants encourent une peine de trois mois de prison.
Le recensement de 1990 a dénombré 2,4 millions de travailleurs âgés de 10 à 14 ans. 75% d’entre eux ont dit travailler 35 heures par semaine ; les autres, 15 heures. Mais le nombre réel des enfants au travail pourrait bien dépasser de loin les chiffres officiels : au dire des experts, les enfants de moins de dix ans, que les statistiques ignorent, sont légion sur le marché du travail, et il est impossible de dénombrer les enfants accomplissant des tâches hors normes comme les cireurs de chaussures, les vendeurs de journaux et de cigarettes, et ceux qui aident leurs parents dans les fermes et sur les bateaux de pêche.
Le grand hebdomadaire national, Tempo, qui vient de consacrer son numéro du 15 septembre 1993 à ce thème, a recueilli le témoignage de Budi Santosa Surbakti qui est à la tête de la section Travail à l’institut d’assistance légale de Bandung. Selon lui, dans les raffineries de sucre locales, les enfants travaillent de dix à douze heures par jour, sept jours par semaine. “Quelquefois, quand la direction veut finir une grosse commande, ils sont contraints de travailler 24 heuresLes enfants, dit-il, sont payés 13 000 rupiahs (6,16 dollars américains) pour quinze jours de travail. Le salaire minimum légal des adultes est de 2 600 rupiahs par jour. Il ne couvre, selon les assistants sociaux, qu’un tiers des dépenses journalières courantes d’une famille de quatre personnes.
Ariest Merdeka Sirait, directeur de la fondation KOMPAK qui s’occupe de programmes de formation pour les enfants au travail, cite le cas de Jamilah qui a aujourd’hui 14 ans. Jamilah a travaillé pendant deux ans dans une chocolaterie de Tangerang (Java occidental) où, avec plus de 150 enfants du même âge, elle travaillait neuf heures par jour pour 12 000 rupiahs par semaine. Selon Sirait, les sites industriels de Tangerang emploient au moins 50 000 enfants, au-delà des horaires légaux et pour de très bas salaires. Les médias ont provoqué un choc dans le public par de récents reportages sur une affaire d’exploitation d’enfants dans la province du nord de Sumatra qui confine à l’esclavagisme. Les pêcheries qui ont besoin de main d’oeuvre pour leurs quelque 900 plateformes situées jusqu’à huit milles nautiques des côtes se sont mises à “recruter” des milliers d’enfants dans les familles pauvres employées dans les plantations de caoutchouc de la région. Selon des militants des droits des enfants, ce “recrutement” est parfois transformé en kidnapping. Une fois sur les plateformes, les enfants sont astreints à des journées de 20 heures de travail pendant des semaines d’affilée. Beaucoup à la fin ne sont même pas payés. Des travailleurs sociaux qui ont pu se rendre sur ces plateformes y ont porté secours à des enfants qui souffraient de malnutrition et de maladies de peau. Ils se sont rendu compte que les mauvais traitements y sont chose courante et ont été informés de cas de violences sexuelles.
Le gouvernement semble s’être lui aussi ému de ces faits. Budi Maryoto, directeur général des normes du travail, a annoncé le 10 septembre 1993 que le ministère du Travail prépare un projet de nouvelle réglementation du travail des enfants, qui devrait être prêt avant la fin de l’année.