Eglises d'Asie

Unanimité du clergé de Ho Chi Minh-ville dans son soutien à la décision de Rome contre les autorités vietnamiennes

Publié le 18/03/2010




L’hebdomadaire Công Giao và Dân Tôc (Le catholicisme et la nation) consacre plusieurs pages de son numéro du 26 septembre 1993 à un reportage d’où il ressort que, lors d’une réunion organisée aussitôt après l’annonce du veto des autorités à la nomination de Mgr Huynh Van Nghi comme administrateur apostolique de Hô Chi Minh-Ville (8), le clergé du diocèse a fait bloc dans son soutien à la décision du Saint-Siège. Le compte rendu des événements présenté par l’organe du « Comité d’union du catholicisme », proche du pouvoir, a été d’autant plus remarqué qu’il constitue un vigoureux démenti à la version des faits publiée quelques jours plus tôt par la presse officielle de Saigon.

Le 17 septembre 1993, deux jours après avoir fait connaître publiquement leur refus, les autorités municipales de la ville avaient, en effet, convoqué une centaine de membres du clergé catholique de la ville, dans les locaux du Front patriotique, pour une « séance d’études » destinée à expliquer et justifier la décision du gouvernement (9). Le lendemain, le principal journal de Hô Chi Minh-Ville, Saigon Giai Phong (Saigon libéré), rendant compte de la réunion, laissait entendre que les participants avaient manifesté leur soutien à la décision gouvernementale. Il publiait même « in extenso » les déclarations de deux curés de la ville, favorables aux autorités, en réponse à des questions du journal (10).

Dans son numéro du 26 septembre, Công Giao và Dân Tôc donne la parole aux deux prêtres dont la presse officielle avait publié les prétendues déclarations. Ils démentent tous les deux avoir tenu de tels propos. L’un des deux, le père Nguyên Công Danh, a expliqué que sa réponse avait été des plus discrètes, mais que le journaliste, dans la version qu’il en a rapportée, a, volontairement, confondu le point de vue de l’Etat avec le sien. Le second prêtre mis en cause, le P. Nguyên Thiên Toan, a précisé qu’il avait été interrogé par téléphone et avait refusé de répondre. Il a ajouté: « Le contenu (de la déclaration rapportéeles raisons alléguées, comme le vocabulaire employé me sont étrangers. Ils sont totalement étrangers à ce que je pense… Je n’ai pas l’habitude de parler des desseins, du passé, ou encore des crimes de quiconque, quand cela n’est pas nécessaire, surtout quand je n’en ai aucune preuve

Dans ce même numéro, l’hebdomadaire catholique rend compte aussi des véritables réactions du clergé durant la réunion en question. Le Père Hô Van Vui, un prêtre âgé et bien connu, qui est intervenu le premier, après l’exposé du représentant du Front patriotique de la ville, a fait remarquer qu’il était sans importance que le responsable du diocèse soit nommé en qualité d’administrateur (ce qui a été la décision du Vatican) ou en qualité de coadjuteur (ce qui était la volonté des autorités). Il a souhaité que des négociations entre les autorités et la conférence épiscopale soient ouvertes à ce sujet.

Un autre intervenant le P. Nguyên Hung Oanh a souligné le caractère provisoire d’une nomination d’administrateur apostolique, dont la tâche consiste simplement à « surveiller la bonne marche de la maison

Pour sa part, le P. Huynh Công Minh, vicaire général de Mgr Nguyên Van Binh et ancien député, a fait une longue intervention sur les circonstances de la nomination de Mgr Huynh Van Nghi comme administrateur apostolique. Ce sont les nouvelles alarmantes sur la santé de Mgr Nguyên Van Binh, l’archevêque de Hô Chi Minh-Ville, qui ont motivé la prompte réaction de Rome. Le Saint-Siège n’a pas voulu laisser sans tête le plus important diocèse du Vietnam, a-t-il dit. Au sujet de Mgr François-Xavier Nguyên Van Thuân, archevêque coadjuteur de Saigon, nommé par Rome en 1975, le P. Minh a déclaré que le Vatican, après avoir nommé un évêque, ne revient jamais sur sa décision sauf dans le cas où ce dernier aurait commis une faute quelconque. Le communiqué gouvernemental affirmait que le prélat avait « une dette de sang vis-à-vis du peuple »A supposer qu’il y ait une dette de sang, a répliqué le P. Minh, peut-être pourrait-on l’attribuer à la famille du prélat (11) ou encore aux dirigeants du régime de l’époque, mais comment peut-on dire que, personnellement, Mgr Nguyên Van Thuân a contracté une telle dette ? » s’est-il exclamé. Il a aussi révélé que, lors d’une rencontre avec le prélat à Rome, celui-ci lui avait fait part de son étonnement devant le refus des autorités de lui laisser exercer son ministère.

Le même jour, deux catholiques, maintenant bien connus, le P. Chan Tin et M. Nguyên Ngoc Lan (12), rédigeaient chacun de leur côté une lettre ouverte concernant l’affaire. L’un et l’autre se font l’interprète de l’exaspération des fidèles devant les incessantes interventions des autorités dans les affaires de l’Eglise. Il disent aussi l’indignation provoquée chez les catholiques et les non-catholiques par les calomnies lancées contre l’archevêque coadjuteur, Mgr Nguyen Van Thuân.

Le Vatican n’a jusqu’à présent eu ni réaction ni commentaire à la décision des autorités vietnamiennes, préférant sans doute laisser la parole à l’Eglise vietnamienne. On sait cependant – Eglises d’Asie en a fait état plusieurs fois – que le Saint-Siège, dès les premières négociations du cardinal Etchegaray à Hanoi au mois de novembre 1990 (13), a fait savoir aux autorités vietnamiennes qu’il était prêt à nommer Mgr Nguyen Van Thuân à d’autres postes encore vacants au Vietnam.