Eglises d'Asie

L’affaire de l’administrateur apostolique de Hô Chi Minh-Ville : Le gouvernement change de ton mais ne cède pas

Publié le 18/03/2010




Un mois après avoir donné un éclat tout particulier au refus opposé à la décision du Saint-Siège nommant Mgr Huynh Van Nghi administrateur apostolique du diocèse de Ho Chi Minh-ville (15), les autorités ont brusquement changé de ton. L’agence Vietnam-Presse du 16 octobre 1993, le quotidien du Parti, Nhan Dân, et le journal de Hô Chi Minh-Ville, Saigon Giai Phong, du même jour ont fait état d’une entrevue entre deux représentants du gouvernement et deux hauts responsables de la Conférence épiscopale. Il y avait d’une part, M. Nguyên Van Hanh, haut dirigeant du Front patriotique, et M. Vu Quang directeur du Bureau des Affaires religieuses, et de l’autre le président et le secrétaire de la Conférence, Mgr Nguyên Minh Nhât et Mgr Lê Phong Thuân. Cette rencontre avait eu lieu le lundi 11 octobre 1993.

Les trois sources ne rapportent que les propos des dirigeants gouvernementaux sans faire la moindre allusion aux réactions de leurs interlocuteurs. Les deux représentants du gouvernement ont commencé par informer les évêques vietnamiens du contenu d’un communiqué du Saint-Siège adressé, le 30 septembre dernier, au gouvernement vietnamien à propos de l’affaire de la nomination d’un administrateur apostolique à Saïgon. Le message romain soulignait que la décision du Saint-Siège avait été rendue urgente par des nouvelles alarmantes concernant la santé Mgr Nguyên Van Binh; par suite, la consultation du gouvernement vietnamien n’avait pas été possible. Le directeur du Bureau des Affaires religieuses a ensuite fait savoir à ses interlocuteurs que le gouvernement avait répondu favorablement au souhait du Saint-Siège d’envoyer une délégation au Vietnam pour y continuer les négociations concernant le personnel de l’Eglise du Vietnam. Les autorités sont décidées, a-t-il dit, à discuter avec Rome et la conférence épiscopale, de toutes les questions communes à l’Etat et à l’Eglise, y compris de celle qui, dans le diocèse de Hô Chi Minh-Ville, provoque aujourd’hui un différend.

La position affichée aujourd’hui par le gouvernement représente un double progrès par rapport à l’attitude adoptée par lui au début de l’affaire. En effet, selon des sources romaines autorisées, les autorités vietnamiennes, dans une première réponse à la demande du Saint-Siège, avaient reporté au mois de mars 1994 la date du prochain voyage au Vietnam de la délégation vaticane, ce qui ne semble plus être le cas aujourd’hui.

L’amélioration concerne aussi le climat des relations entretenues désormais avec la Conférence épiscopale. Outre le ton courtois du communiqué relatant l’entrevue, tout le monde a pu aussi remarquer sa grande discrétion sur les propos tenus par les évêques au cours de l’entrevue avec les dirigeants gouvernementaux. Il n’en avait pas été de même des articles de presse relatant une précédente entrevue dont l’actuel communiqué d’ailleurs ne fait pas mention.

Elle avait eu lieu le 17 septembre, jour où le Front patriotique réunissait une centaine de prêtres de Saïgon pour une séance d’études sur l’affaire de l’administrateur (16). Ce jour-là, le directeur du Bureau des Affaires religieuses, M. Vu Quang, avait rencontré trois évêques, le président, le secrétaire de la conférence épiscopale et Mgr Huynh Van Nghi. Ce n’est que cinq jours plus tard, le 22 septembre 1993, que le Saigon Giai phong rendait compte de la rencontre. Le quotidien saïgonais rapportait ainsi la réaction des évêques après l’explication de Vu Quang concernant l’affaire: « Les évêques ont remercié le gouvernement de son attention. Ils ont manifesté leur accord sur un point : les activités religieuses ordinaires de l’Eglise dans le diocèse de Hô Chi minh-Ville continuent d’être placées sous la juridiction de Mgr Nguyen Van Binh … »

Le 29 septembre , une lettre de protestation (17) du secrétaire de la Conférence parvenait à la rédaction du journal. Après avoir déclaré que les remerciements des évêques ne concernaient que les salutations que le premier ministre leur avait fait parvenir, Mgr Lê Phong Thuân a rétabli les propos tenus par le président de la Conférence devant M. Vu Quang. Mgr Nguyên Minh Nhât avait d’abord donné les raisons exactes de la décision rapide du Saint-Siège; puis il avait demandé aux autorités de laisser Mgr Nghi accomplir ses fonctions d’administrateur apostolique. Il avait aussi déploré les accusations portées par le communiqué du 15 septembre contre Mgr F.X. Nguyên Van Thuân, en violation de la loi vietnamienne interdisant de proférer des accusations contre une personne non condamnée par un tribunal. Contrairement à ce qu’il avait fait précédemment pour les deux prêtres dont il avait déformé les propos, le journal ne s’est pas fait l’écho de cette lettre de protestation.

Les dernières nouvelles reçues de Saigon laissent entendre que, même s’il a changé de ton, le gouvernement n’est pas revenu sur ces précédentes positions. Dans les premiers jours de la réunion de la Conférence épiscopale qui a commencé le 18 octobre à Hô Chi Minh-Ville, la rencontre entre les évêques et M. Vu Quang a été, semble-t-il, assez chaleureuse. Mais plus tard, un compromis proposé au gouvernement par la Conférence a échoué. Les évêques avaient suggéré que l’ordination des onze religieux qui aurait dû avoir lieu le 7 octobre dernier (18), se déroule au cours de la traditionnelle messe concélébrée à chaque réunion de la Conférence. Le président de la conférence Mgr Nhât aurait procédé à l’ordination tandis que Mgr Huynh Van Nghi, administrateur apostolique du diocèse de Hô Chi Minh-Ville, aurait présidé la messe. Cette solution n’a pas eu l’agrément des autorités. La messe a été célébrée par Mgr Huynh Van Nghi seul, sans la participation des autres évêques.