Eglises d'Asie – Timor Oriental
L’EGLISE CATHOLIQUE DE TIMOR ORIENTAL « forteresse » du peuple
Publié le 18/03/2010
Timor Oriental était une colonie portugaise depuis le 16ème siècle. Après le coup d’Etat d’avril 1974 au Portugal, un mouvement indépendantiste y a surgi. Mais en décembre 1975, aussitôt après la déclaration d’indépendance par le Front révolutionnaire de Timor Oriental indépendant, habituellement appelé Fretilin, l’Indonésie a envahi le territoire (1).
L’année suivante l’Indonésie a convoqué une « Assemblée des représentants du peuple », qui, à la suite d’adroites manoeuvres politiques, a reconnu l’annexion de Timor Oriental devenu la 27ème province de l’Indonésie. Les Nations Unies n’approuvèrent pas cette annexion de force de Timor Oriental, mais l’Amérique, le Japon, les Etats de la Communauté européenne continuent de prétendre l’ignorance et acceptent cette violation des droits de l’homme, simplement parce qu’ils ne veulent pas susciter l’hostilité d’un pays qui leur fournit d’importantes ressources économiques. On rapporte qu’à cette époque-là 200 000 personnes, soit un tiers de la population, sont mortes à Timor Oriental à cause de la guerre ou de la famine.
Quand on rend visite à Timor Oriental, on remarque l’expression générale de tristesse de la population. Les expressions de joyeuse insouciance, communes aux populations de la plupart des nations en voie de développement, n’existent pas ici. La raison en apparaît quand on parle avec les habitants du territoire. Il n’y a pas de famille qui n’ait souffert de l’assassinat de l’un au moins de ses membres. Au cimetière, un regard sur les pierres tombales indique que des familles ont perdu plusieurs membres dans l’intervalle d’une ou deux années. En chemin vers Zumalai, j’ai vu aussi « la vallée du génocideC’est le site sur lequel 300 personnes suspects d’appartenance au Fretilin furent enchainées les unes aux autres et abattues par les troupes indonésiennes en 1978. Le massacre brutal perpétré au cimetière de Santa Cruz, le 12 novembre 1992, fut une autre atrocité au cours de laquelle les troupes indonésiennes firent feu sans discrimination sur les visiteurs du cimetière.. L’Organisation des droits de l’homme a publié la liste de 255 disparus et 273 tués. Le massacre a été filmé.
Alors que l’opinion publique internationale est très concernée par la situation cambodgienne ou la guerre en Bosnie, elle continue d’ignorer largement la situation à Timor Oriental. Quelle peut en être la raison ? Un étranger comme moi se sent très profondément indigné par la situation de Timor Oriental. Combien plus doit ressentir un habitant de Timor Oriental dans ces conditions ! Dans le monde de la politique et de l’économie internationales, le problème de Timor n’a jamais été une priorité. Aucun Etat n’a soutenu la lutte de Timor Oriental pour l’auto-détermination. La conséquence en est que le peuple de Timor, comme une petite barque dans la tempête n’a nulle part où chercher refuge sinon dans l’Eglise catholique.
M. Xanana Gusmao, qui a dirigé le mouvement d’indépendance jusqu’à son arrestation le 20 novembre 1992 par les troupes indonésiennes (2) a analysé, un jour, le rôle de l’Eglise catholique dans la lutte de libération pour la justice dans les termes suivants : « L’Eglise catholique de Timor Oriental a joué un rôle moral essentiel dans la résistance populaire. Cette action presque invisible est profondément appréciée par notre peuple parce qu’elle soutient notre résistance… »
Le clergé joue un rôle indirect en renforçant la conscience patriotique et, de plus en plus, le peuple met sa confiance profonde dans l’Eglise catholique. En fait, parmi les prêtres, il y en a beaucoup dont les noms sont sur la liste noire (des autorités indonésiennes). Ils ne combattent pas avec des armes mais ils sont considérés comme anti-gouvernementaux simplement à cause du souci qu’ils montrent pour le bien-être de chacun des catholiques. Par conséquent, plus un prêtre montre d’enthousiasme dans le souci de son peuple pour essayer d’améliorer ses conditions de vie, et plus il est sujet au harcèlement des soldats indonésiens et de leur gouvernement. L’un des prêtres qui a subi ces pressions a parlé de sa situation en ces termes : « C’est vraiment difficile d’être chrétien à Timor Oriental; je sais très bien que je dois aimer mes ennemis, mais jusqu’à présent, nous avons dû subir une haine et des souffrances terribles. Maintenant, il est au-dessus de nos forces de nous accommoder des troupes indonésiennes
A l’heure actuelle, 90% de la population de Timor Oriental est catholique. En 1975, quand l’invasion indonésienne a commencé, les catholiques n’étaient que 30% de la population. La décision de l’Eglise de se tenir du côté du peuple assujetti et d’en appeler au reste du monde pour que la justice soit respectée a eu comme résultat une remarquable augmentation du nombre des chrétiens. C’est aussi la raison pour laquelle le gouvernement indonésien et ses troupes mettent la pression sur l’Eglise. Certains prêtres sont agressés et d’autres sont mis en prison.
En novembre 1992, le P. Stefani Renato, un missionnaire italien adoré de son peuple a été arrêté et placé en garde à vue pendant quatre jours pour empêcher un mouvement de protestation à la suite de l’affaire de Santa Cruz. Les soldats estimaient qu’il était le chef du mouvement antigouvernemental. Je connais ce prêtre assez bien. C’est l’image même de la bonté et du naturel. Il est dévoué de tout son coeur à l’amélioration des conditions de vie de la population.
A l’heure actuelle, les forces indonésiennes considèrent l’Eglise catholique de Timor Oriental comme la forteresse du peuple. Elles ont donc commencé une campagne d’islamisation (3). Il y a aujourd’hui davantage de mosquées musulmanes que d’Eglises catholiques à Timor Oriental. L’évêque de Dili, Mgr Ximenes Belo, analyse le problème comme suit Nous manquons de prêtres et d’hommes capables bien formés et par ailleurs nous n’avons pas les ressources financières suffisantes; nous n’avons donc pas les moyens de nous opposer à cette campagne de conversions… »
… Sur le plan religieux autant que politique, l’Eglise catholique de Timor Oriental est dans une situation très délicate, mais elle se trouve sous la direction compétente de l’évêque, Mgr Carlos Felipe Ximenes Belo, aujourd’hui âgé de 47 ans.
La difficulté de sa situation est concrètement exprimée dans des mots qu’il a prononcés en 1984: « Je suis prêt à être déplacé si c’est le prix à payer pour défendre les droits de l’homme et les droits des Timorais. La vérité doit être connueDans une lettre que Mgr Belo a envoyée au secrétaire général des Nations Unies (4), l’opinion de l’Eglise locale sur le problème de Timor Oriental et les conditions de vie du peuple timorais apparaissent clairement. Voici ce qu’il écrit : « Le processus de décolonisation de Timor Oriental n’a pas encore été mené à son terme par les Nations Unies, et il est important que cela ne soit pas oublié. En ce qui nous concerne, nous, le peuple de Timor, pensons que nous devons être consultés sur l’avenir de notre terre. C’est pourquoi je vous écris, en tant que chef de l’Eglise catholique et citoyen de Timor, pous vous demander à vous, secrétaire général, de prendre l’initiative dans le processus normal et démocratique de décolonisation, c’est-à-dire d’organiser d’un référendum. Le peuple de Timor doit pouvoir exprimer son opinion sur son avenir. Jusqu’à présent, le peuple n’a pas été consulté. D’autres parlent en son nom. L’Indonésie dit que le peuple de Timor Oriental a déjà choisi l’intégration, mais le peuple de Timor Oriental ne l’a jamais dit lui-même ».
Que sera le futur de Timor Oriental ? Que devons-nous faire face à des violations si claires des droits de l’homme et en fonction de la lutte de l’Eglise pour venir en aide à son peuple ? « Si le Seigneur Jésus n’était pas ressuscité, nous serions trop misérablesCes mots de la foi confessée par le peuple de Timor m’ont fait à nouveau prendre conscience de ce que signifie être disciple du Christ. Ma gratitude m’amène à participer à son combat. C’est aussi l’acte de repentir d’un chrétien qui vient d’une nation riche comme le Japon qui permet de telles tragédies.