Eglises d'Asie – Vietnam
ECHANGES EPISTOLAIRES A PROPOS DE LA NOMINATION D’UN ADMINISTRATEUR APOSTOLIQUE A HO CHI MINH-VILLE
Publié le 18/03/2010
Ho Chi Minh-Ville, Saigon Giai Phong
[NDLR – Le 22 septembre 1993, le journal Saigon Giai Phong (Saigon libéré) en rapportant le contenu d’un entretien entre le directeur du Bureau des Affaires religieuses et trois évêques catholiques, avait gravement déformé les propos et les positions des représentants de l’Eglise catholique. En particulier, il leur avait attribué des déclarations exprimant une adhésion complète aux thèses du gouvernement dans l’affaire de la nomination d’un administrateur apostolique pour le diocèse de Hô Chi Minh-Ville.
La lettre traduite ci-dessous par la rédaction d’« Eglises d’Asiea été rédigée par Mgr Lê Phong Thuân, secrétaire de la Conférence épiscopale, et envoyée au quotidien saïgonais pour rétablir la vérité sur les propos tenus par les évêques au cours de cette rencontre. Elle était aussi adressée à un certain nombre d’instances civiles et religieuses du Vietnam pour information, ainsi qu’à l’hebdomadaire Công Giao và Dân Tôc, organe du Comité d’union du catholicisme pour qu’il la diffuse. La lettre n’a été publiée ni par Saigon Giai Phong, ni par l’hebdomadaire des catholiques patriotes; mais elle a circulé aussitôt sous forme dactylographiée au Vietnam et est rapidement parvenue en Europe.]
Monsieur le rédacteur en chef,
Je soussigné, l’évêque Lê Phong Thuân, secrétaire général de la Conférence épiscopale du Vietnam, ai l’honneur de vous écrire cette lettre pour mettre au clair les points suivants:
Dans le numéro 5820 du « Saigon libérépublié le 22 septembre 1993, l’article intitulé « Le directeur du Bureau des Affaires religieuses du gouvernement rencontre les évêques catholiques » comporte le passage suivant à la page 1:
« Les évêques ont remercié le gouvernement pour son attention. Ils ont manifesté leur accord sur un point: les activités religieuses ordinaires de l’Eglise dans le diocèse de Hô Chi Minh-Ville continuent d’être placées sous la juridiction de Mgr Nguyên Van Binh … »
Je suis un des trois évêques du conseil permanent présents lors de cette rencontre avec M. Vu Quang, directeur du Bureau des Affaires religieuses du gouvernement, le 17 septembre 1993 dernier, dans le salon d’accueil de la ville. Je remarque que le passage en question contient plusieurs idées ne reflétant pas nos déclarations et pouvant être mal comprises par nos compatriotes catholiques. C’est pourquoi au nom des trois évêques, je précise les points suivants:
I – Durant cette rencontre, les trois évêques ont remercié le premier ministre M. Vo Van Kiêt, pour les salutations que le directeur des Affaires religieuses, en mission dans le Sud, leur a transmises de sa part.
II – Lorsqu’il a été question de la nomination par le Saint-Siège de Mgr Huynh Van Nghi comme administrateur apostolique de Hô Chi Minh-Ville, le président de la Conférence épiscopale a exposé qu’il s’agissait là d’une décision raisonnable et convenable, pour les motifs suivants:
1 – Le Saint-Siège a répondu à l’appel urgent de l’archevêque Mgr Nguyên Van Binh demandant un remplaçant alors qu’il était gravement malade à l’article de la mort. En même temps, le Saint-Siège manifestait l’attention spéciale qu’il porte à nos compatriotes catholiques de Hô Chi Minh-Ville.
2 – Pour ce qui est de Mgr Huynh Van Nghi, étant déjà évêque principal, titulaire du siège de Phan Thiêt, il ne pouvait être nommé évêque auxiliaire de Hô Chi Minh-Ville. Il ne pouvait pas non plus être nommé archevêque coadjuteur avec droit de succession, alors que la question de savoir comment l’archevêque coadjuteur, Mgr Nguyên Van Thuân, exercera ses fonctions est toujours objet de discussions entre l’Etat vietnamien et le Saint-Siège.
III – Ensuite, nous avons été, tous les trois, du même avis, pour demander que Mgr Huynh Van Nghi continue à aider l’archevêque Mgr Nguyên Van Binh,
1- parce que l’état de santé de l’archevêque n’est pas encore satisfaisant; il est donc nécessaire que quelqu’un l’aide à administrer le diocèse.
2 – parce que la récente disposition du Saint-Siège est destinée à répondre aux besoins de nos compatriotes catholiques de Hô Chi Minh-Ville et est conforme à leurs intérêts.
IV – Enfin, en toute sincérité et franchise, nous avons dit au directeur des Affaires religieuses que nos compatriotes catholiques et nous-mêmes avons éprouvé de la tristesse en écoutant le communiqué du Comité populaire de Hô Chi
Minh-Ville lu à la télévision et publié par les journaux du lendemain, 15 septembre 1993. Il contenait des termes excessivement durs à l’égard de l’archevêque, Mgr F.X. Nguyên Van Thuân. Cette façon de faire est véritablement regrettable. Nous pensons qu’elle n’est plus en accord avec l’esprit de l’époque actuelle, alors que les relations entre l’Etat vietnamien et le Saint-Siège sont excellentes. Elle n’est pas non plus conforme au droit de notre pays qui n’autorise pas que l’on attribue une faute à quelqu’un tant qu’il n’y a pas eu de jugement du tribunal.
Je désirais, monsieur le rédacteur en chef, attirer votre attention sur ce qui vient de vous être exposé dans cette lettre et vous demander de publier un rectificatif dans le prochain numéro afin que vos lecteurs et les fidèles connaissent la vérité sur cette rencontre.
Au nom des trois évêques du comité permanent de la Conférence épiscopale qui ont rencontré M. Vu Quang le 17 septembre 1993, je vous remercie sincèrement, vous et toute la rédaction.
Can Tho, le 29 septembre 1993
L’évêque de Can Tho, secrétaire
de la Conférence épiscopale du Vietnam
2 – Lettre du président du Comité populaire de la ville à Mgr Nguyên Van Binh
[NDLR – Lettre envoyée le 22 septembre 1993, traduite du vietnamien par la rédaction d’Asie à partir du texte publié par Saigon Gia Phong du 23 septembre 1993]
(…) Récemment, par une décision unilatérale, le Saint-Siège a nommé Mgr Huynh Van Nghi admi-nistrateur apostolique du diocèse de Hô Chi Minh-Ville. Le représentant du Front patriotique et du Bureau des Affaires religieuses est venu vous rencontrer pour exposer la position et l’attitude des autorités de la ville qui les conduisent à ne pas accepter cette nomination parce qu’elle est contraire aux dispositions du droit de la République socialiste du Vietnam.
Voilà déjà plusieurs années que le gouvernement de la République socialiste du Vietnam est d’accord pour qu’un archevêque coadjuteur avec droit de succession soit nommé pour vous aider et perpétuer l’esprit de réconciliation et de communion avec le peuple qui est le vôtre afin que nos compatriotes catholiques de cette ville soient amenés à se solidariser encore davantage avec la nation.
Notre gouvernement s’était entendu avec le Saint-Siège sur la nomination de Mgr Huynh Van Nghi comme archevêque coadjuteur avec droit de vous
succéder. Mais le Vatican ne s’est pas conformé à cet accord et a unilatéralement nommé Mgr Huynh Van Nghi administrateur apostolique du diocèse de Hô Chi Minh-Ville sans en discuter avec notre gouvernement, dans le dessein de garder le siège vacant pour monsieur Nguyên Van Thuân puisse y revenir et y exercer ses activités religieuses.
Comme vous le savez, en 1975, le gouvernement n’a pas accepté monsieur Nguyên Van Thuân au siège de ce diocèse et ne l’acceptera jamais; il est lié à une famille qui a contracté de nombreuses dettes de sang à l’égard du peuple et lui-même est marqué par un passé durant lequel il s’est longue-ment et habilement opposé à l’oeuvre de conquête et de défense de l’indépendance nationale.
Nous espérons que votre contribution permettra au Saint-Siège de comprendre cette situation afin que, par la suite, votre successeur soit promptement nommé et que nos compatriotes catholiques puissent dans le calme mener leurs occupations quotidiennes.
3 – Réponse de Mgr Nguyên Van Binh au président du Comité populaire de
Hô Chi Minh-Ville
[NDLR – Mgr Nguyên Van Binh, toujours très affaibli par la maladie, avait d’abord transmis sa réponse oralement par l’intermédiaire du vicaire général, le P. Huynh Công Minh. Il a ensuite mis les choses au point dans une lettre particulièrement claire qui ne laisse aucun point dans l’ombre. La lettre est datée du 7 octobre 1993 et porte la référence n° 164/VP-93. Elle a aussi été envoyée au Saint-Siège, à la conférence épiscopale du Vietnam, à l’archevêque, Mgr Nguyên Van Thuân, et à l’évêque, Mgr Huynh Van Nghi. Elle n’a pas été mentionnée par la presse officielle. La traduction est d’« Eglises d’Asieà partir du texte dactylographié.]
Monsieur le président,
Avant tout je tiens à vous remercier d’avoir pris la peine de m’envoyer, le 22 septembre 1993, une lettre – largement diffusée par les médias – traitant de la nomination par le Saint-Siège de Mgr Huynh Van Nghi comme administrateur apostolique du diocèse de Hô Chi Minh-Ville et contenant vos voeux de bonne santé à mon égard.
Je tiens à vous répéter ce dont j’avais déjà informé les autorités compétentes par l’intermédiaire de mon vicaire général, le P. Huynh Công Minh, à savoir que, après avoir reçu la décision du Saint-Siège, j’ai transmis la totalité de mes pouvoirs de juridiction sur le diocèse à Mgr Huynh Van Nghi. Quant à moi, le Saint-Siège m’a maintenu dans mon titre d’archevêque du diocèse.
En effet, comme vous devez vous en souvenir, ayant été récemment victime d’une crise subite, j’ai dû me faire hospitaliser en urgence. (Vous même avec les plus hautes autorités de la ville et de l’Etat êtes venus me visiter quand j’étais sur mon lit d’hôpital – un geste qui m’a infiniment ému moi et tous les chrétiens). A cette nouvelle, le Saint-Siège a immédiatement nommé Mgr Huynh Van Nghi administrateur apostolique, pour me remplacer provisoirement dans l’administration du diocèse de Hô Chi Minh-Ville.
Je pense que si le Saint-Siège n’a pas discuté préalablement avec le gouvernement vietnamien de cette nomination c’est d’abord parce que, précédemment, le gouvernement vietnamien avait donné son accord au Saint-Siège pour nommer Mgr Huynh Van Nghi, archevêque coadjuteur avec droit de succession à Hô Chi Minh-Ville, ce qui est un titre beaucoup plus important que celui d’administrateur; c’est aussi à cause de la situation
rendue urgente par mon état de santé. Si le Vatican n’a pas nommé Mgr Huynh Van Nghi archevêque coadjuteur immédiatement, c’est parce que, jusqu’à présent, le Saint-Siège et le gouvernement vietnamien ne sont parvenus à aucun accord pour transférer l’archevêque coadjuteur Nguyên Van Thuân (nommé avant le 30 avril 1975) à une nouvelle fonction, conforme à sa situation et à ses capacités.
Pour toutes ces raisons je suis en mesure d’affirmer que le Saint-Siège, en cette affaire, n’a pas eu d’autre dessein que de contribuer avec toute sa bonne volonté, au pansement des blessures de guerre, physiques et morales, subies par notre patrie pendant des dizaines d’années de guerre.
C’est pourquoi je souhaite ardemment que vous et toutes les autorités de cette ville preniez acte de cette bonne volonté du Saint-Siège, témoigniez de votre compréhension pour la situation actuelle de notre diocèse et pour la mienne, afin que soient créées les conditions nécessaires pour que Mgr Huynh Van Nghi puisse exercer son ministère d’administrateur apostolique.
Je prie ardemment pour que le Saint-Siège et le gouvernement vietnamien parviennent rapidement à un accord qui mettra un terme à cette période transitoire et permettra au diocèse de Hô Chi Minh-Ville d’avoir un évêque qui me succédera; Je pourrais ainsi jouir d’une retraite paisible, grâce que j’aurais dû recevoir du Saint-Siège depuis 1985.
Je vous envoie mes respectueuses salutations et mes remerciements.
Paul Nguyên Van Binh
Archevêque
4 – Lettre du Bureau des Affaires religieuses de Hô Chi Minh-Ville à Mgr Huynh Van Nghi, évêque de Phan Thiêt
[NDLR – Dans son communiqué du 15 septembre 1993, le Comité populaire de la ville avait rappelé que, par deux fois, les autorités municipales avaient interdit à Mgr Huynh Van Nghi d’exercer les fonctions d’administrateur apostolique que lui avait conférées le Saint-Siège. A la fin du mois de septembre, le Bureau des Affaires religieuses de la ville éprouvait le besoin de lui rappeler cette interdiction tout en lui suggérant une solution pour que les activités religieuses du diocèse puissent quand même se dérouler. Cette lettre qui porte la référence n° 257/CV-TG a été envoyée le 28 septembre 1993. Les autres destinataires sont Mgr Nguyên Van Binh, et le Bureau des Affaires religieuses de la province de Binh Thuân. Traduction Eglises d’Asie
Les autorités de Hô Chi Minh-Ville vous ont déjà rencontré et vous ont informé que votre nomination à la fonction d’administrateur apostolique du diocèse de Hô Chi Minh-Ville par une décision unilatérale du Saint-Siège n’était pas conforme aux prescriptions de la législation de l’Etat socialiste du Vietnam. Vous avez été prié de cesser toute activité liée au titre d’administrateur apostolique du diocèse de Hô Chi Minh-Ville.
Or aujourd’hui, on nous rapporte que vous continuez à exercer cette fonction. Pour éviter tout malentendu qui pourrait porter tort à votre prestige et nuire au respect de la loi au sein de la population, le Bureau des Affaires religieuses dépendant du Comité populaire de la ville se permet de vous rappeler qu’il ne convient pas que vous exerciez des activités religieuses à Hô Chi Minh-Ville tant qu’il n’existe pas d’accord entre le gouvernement de la République socialiste du Vietnam et le Saint-Siège.
En attendant, le Comité populaire de Hô Chi Minh-Ville laissera la possibilité à Mgr l’archevêque Nguyên Van Binh d’inviter n’importe quel autre évêque vietnamien pour l’aider dans son diocèse.
Concrètement, le 7 octobre 1993 il y aura une ordination sacerdotale pour des religieux appartenant à diverses congrégations. Le Comité a demandé aux responsables des congrégations dont certains membres doivent être ordonnés ce jour-là de s’entendre avec l’archevêque pour inviter un autre évêque à présider l’ordination.
Le Bureau des Affaires religieuses souhaite que vos relations avec les autorités restent excellentes de telle sorte que nos compatriotes puissent mener leur vie profane et religieuse en harmonie.
Avec tous nos voeux de bonne santé.
Le Bureau des Affaires religieuses de H.C.M.V.