Eglises d'Asie

La presse scrute l’arrière-plan religieux de la scène politique

Publié le 18/03/2010




La religion qui joue un rôle ambigu mais généralement paisible dans la vie politique du Japon retient aujourd’hui l’attention de plusieurs organes de presse, curieux de savoir quels liens unissent certains dirigeants de l’Etat à des organisations religieuses.

De longue date, les milieux japonais, y compris les groupes chrétiens, ont débattu des relations de l’empereur avec le shintoïsme. L’hommage rendu par le premier ministre, au sanctuaire de Yasukini, aux esprits des soldats tués au combat ne manque jamais de soulever le problème de la séparation entre la religion et l’Etat (9). Mais les discussions viennent de prendre un tour plus personnel.

Au mois de septembre, au cours d’une conférence de presse donnée par l’empereur Akihito et l’impératrice Michito avant leur voyage en Europe, un journaliste allemand leur demanda ce qu’ils attendaient de leur prochaine visite au pape Jean-Paul II. L’empereur donna une réponse, mais l’impératrice déclina la question. Selon l’hebdomadaire Shukan Runshu, cette question touchait l’impératrice sur un point très sensible. Elle a fréquenté l’université du Sacré-Coeur de Tokyo et l’on raconte que c’est au cours d’une nuit de prière à la chapelle de l’université qu’elle prit la décision d’épouser celui qui était alors le prince héritier. Sa mère et ses grands-parents seraient catholiques. A l’époque de son mariage, des questions ont été soulevées au sujet de sa vie religieuse et, écrit l’hebdomadaire, « elles ne manquèrent pas d’être utilisées pour lui rendre la vie difficile après son mariage

Un autre hebdomadaire, Shukan Gendai, rapporte que le premier ministre, Morihiro Hosokawa, est un catholique baptisé, ce que nient son entourage et son parti. Hosokawa a été élève dans un collège jésuite jusqu’en 1958. S’il n’a pas poursuivi ses études secondaires dans un établissement confessionnel, il a fréquenté un collège universitaire catholique et est diplômé de la faculté de droit de l’université Sophia. Sa femme est diplômée de la même université, où leur fille poursuit ses études. De plus, ajoute l’hebdomadaire, le premier ministre compte parmi ses ancêtres Gracia Hosokawa, baptisée en 1687, honorée comme un modèle de la femme vertueuse par des générations de catholiques japonais. Quand la question de la religion d’Hosokawa leur fut posée, les services du premier ministre ont répondu qu’il ne sied pas d’entrer dans des questions personnelles. De son côté, le Parti nouveau du Japon, fondé et dirigé par Hosokawa, a nié que ce dernier ait eu des relations avec le christianisme « en dehors du plan scolaire et universitaire ».

On ne s’interroge pas seulement au sujet du christianisme. Les journaux scrutent le Soka Gakkai, le groupe religieux non-shintoïste le plus important du pays, dans le but de savoir dans quelle mesure la secte bouddhiste Nichiren contrôle le parti Komeito. Depuis bien des années, le Komeito, « parti du gouvernement propre », est connu comme le bras politique du Soka Gakkai, qui se flatte d’avoir dix millions d’adhérents (10). Or faisant partie de la coalition qui a accédé au pouvoir avec Hosokawa, le Komeito a pour la première fois des membres dans le cabinet. Le principe de la séparation entre l’Etat et la religion a dès lors cessé d’être seulement un débat de presse, c’est un problème pour les hommes politiques, dont certains enragent à l’idée de voir le Komeito devenir un grand parti et une énorme puissance politique.

Un autre hebdomadaire, le Shukan Post, affirme qu’une équipe de la CIA enquête sur le Soka Gakkai et le parti Komeito en raison de leur habileté à collecter des fonds grâce à leurs réseaux populaires, ce qui ne manquera pas de leur donner une influence croissante. Cette habileté peut s’avérer décisive maintenant que les milieux d’affaires diminuent leurs aides aux partis politiques.