Eglises d'Asie

Un procès se prépare pour six religieux bouddhistes arrêtés tandis que les protestations se multiplient au sein de l’Eglise bouddhique d’Etat

Publié le 18/03/2010




Selon des sources non précisées (15), depuis lundi 1er novembre 1993, les autorités prépareraient, dans le secret, le procès des religieux bouddhistes arrêtés dans les jours qui ont suivi la manifestation du 24 juillet dernier à Huê. Ils sont inculpés de trouble de l’ordre public (16). Aucun des organes de la presse officielle n’a encore fait mention de ce procès. Les autorités auraient cependant rendu public le nom des six religieux inculpés.

Ce procès, s’il a lieu, sera l’un des épisodes du conflit qui, depuis maintenant plus d’un an et demi, oppose les adeptes de l’Eglise bouddhique unifiée ainsi que les partisans d’un bouddhisme indépendant aux autorités civiles vietnamiennes et à l’Eglise bouddhique d’Etat. Le premier heurt avait eu lieu au mois d’avril 1992 à l’occasion de l’enterrement de l’ancien patriarche Thich Don Hâu et de l’accession au patriarcat du religieux en exil dans le Centre-Vietnam, Thich Huyên Quang (17). Le 21 mai 1993, l’auto-immolation d’un fidèle bouddhiste dans l’enceinte d’un des plus prestigieux lieux de culte du bouddhisme vietnamien, la pagode de la Dame céleste, avait relancé le mouvement pour la restauration du bouddhisme unifié. L’interrogatoire du supérieur de la pagode, le vénérable Thich Tri Tuu, trois jours plus tard, avait jeté dans les rues de Huê une grande foule (estimée à 40 000 personnes par des sources bouddhistes) (18). Les religieux dont le procès se prépare aujourd’hui auraient pris une part active à cette manifestation. Trois d’entre eux furent placés “en détention provisoire” (19) le 5 juin 1993: les vénérables Thich Tri Tuu, Thich Hai Thinh et Thich Hai Tang. Le 19 juillet suivant, trois autres religieux de la pagode de la même pagode, les vénérables Thich Hai Chanh, Thich Hai Dam et Thich Hai Lac, étaient arrêtés à leur tour. La presse officielle annonçait alors leur procès imminent.

Le mouvement qui pousse aujourd’hui de nombreux religieux bouddhistes à se libérer d’une soumission étroite au pouvoir politique se développe aussi avec une certaine vigueur au sein même de l’Eglise d’Etat. Ainsi, la communauté des religieux et religieuses (sangha) de la province Thua Thiên-Huê vient d’envoyer au principal dirigeant de l’Eglise bouddhique du Vietnam (Eglise d’Etat), le vénérable Thich Tri Tinh, une pétition suivie de 52 signatures de bonzes appartenant à 28 pagodes de Huê (20). Cette pétition qui fait suite à une autre envoyée le 6 janvier 1993, proteste contre l’éviction injustifiée d’un haut dirigeant bouddhiste, le vénérable Thich Thiên Hanh, coupable de ne s’être pas conformé aux directives politiques de l’Eglise bouddhique du Vietnam. La pétition critique en termes vifs le comportement du dirigeant auquel elle est adressée: “Nous … sommes profondément attristés de voir que, parvenu à un âge avancé de votre vie que vous devriez consacrer à la religion, vous vous entouriez de titres bien dérisoires au regard des idéaux bouddhiques de délivrance et d’éveil”. La pétition demande aussi l’envoi d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les événements récemment survenus à Huê.

Les mêmes sources françaises mentionnent l’existence d’un mouvement clandestin basé au Sud-Vietnam, qui se nomme “Mouvement du Sangha pour la protection de la foiDans des messages parvenus en Europe, le mouvement proteste contre la répression de l’Eglise bouddhique unifiée, contre la détention arbitraire et l’assignation à résidence de ses dignitaires. Elle proclame aussi la légitimité de l’actuel patriarche, le vénérable Thich Huyên Quang (21).