Eglises d'Asie

UNE TRES OBSCURE CLARIFICATION A propos du communiqué gouvernemental du 15 septembre 1993 expliquant le refus des autorités d’accepter la nomination de Mgr Nghi

Publié le 18/03/2010




M. Nguyên Ngoc Lan qui vient d’être récemment libéré de trois ans de résidence surveillée nous a habitué à ce type de texte. En 1988, au moment où l’affaire des canonisations opposait l’Etat à la communauté catholique, dans une lettre ouverte à une personnalité officielle du régime, il avait composé une remarquable apologie des martyrs vietnamiens: “Parlons donc des martyrs 4)]

Le 15 octobre 1993, le Comité populaire de la ville publiait un communiqué destiné à éclairer nos compatriotes sur la décision unilatérale du Vatican nommant Mgr Huynh Van Nghi du diocèse de Phan Thiêt, administrateur apostolique du diocèse de Hô Chi Minh-Ville. Le communiqué comporte six points. Notre familiarité avec les compatriotes en question devrait nous suffire pour juger si, grâce au communiqué, ils y voient maintenant plus clair, si, au contraire, ils sont plongés dans une obscurité encore plus profonde, ou si, aveuglés par la clarté de l’explication, ils n’y comprennent plus rien.

1 – Le communiqué déclare vouloir éclairer nos compatriotes sur la question de la succession du “vénéré” (5) archevêque Mgr Nguyên Van Binh. “La question se pose depuis longtemps, dit le communiqué. Ainsi donc, la situation de l’archidiocèse de Hô Chi Minh-Ville que tous se plaisent à considérer comme normale, ne l’est absolument pas, pas plus que celle des archidiocèses de Hanoi et de Huê. Huê connaît un problème de succession depuis cinq ans, depuis la mort de Mgr Nguyên Kim Diên; Hanoi depuis trois ans, depuis le retour du cardinal Trinh Van Can à la maison du Père. Quant à Hô Chi Minh-Ville, voilà longtemps que le problème se pose; comme le communiqué le dit immédiatement après: ” En 1975, le Saint-Siège avait nommé Monsieur Nguyên Van Thuân, archevêque coadjuteur avec droit de succession; mais celui-ci n’a pas été accepté par le gouvernement …” Ce qui signifie que le problème de la succession est posé depuis 1975! Voilà qui est en effet très clair pour les lecteurs du communiqué; par contre, ce qui demeure tout à fait obscur pour eux, c’est la raison pour laquelle cette situation se prolonge depuis 18 ans sans que l’on puisse lui donner une solution. Est-ce vraiment cela que la politique de liberté de croyance appelle l’harmonie entre le profane et le sacré?

Si le communiqué s’était contenté d’affirmer que Mgr Nguyên Van Thuân était considéré par l’Etat comme “persona non grata” (6), cette affirmation aurait pu être provisoirement acceptée en attendant d’autres éclaircissements. Mais le communiqué a voulu être encore plus clair: “(Il) n’a pas été accepté par le gouvernement et il ne le sera jamais: Monsieur Nguyên Van Thuân a participé à l’oeuvre de division et d’oppression religieuses. Il a contracté une dette de sang à l’égard du peuple”. Du coup, tout redevient obscur pour nos compatriotes. En 1975, lorsque Mgr Nguyên Van Thuân a été empêché de pénétrer dans l’archevêché de Saïgon, et plus tard, au cours de ses treize ans d’emprisonnement, jamais il n’a été inculpé, jamais il n’a été traduit devant un tribunal. Bien qu’il ait eu à sa disposition tous les moyens d’information nécessaires pour que nos “compatriotes y voient clairl’Etat n’a jamais informé ceux-ci que Mgr Nguyên Van Thuân avait participé … et avait contracté une dette de sang à l’égard du peuple”. On doit à la vérité de reconnaître qu’il ne l’avait jamais affirmé jusqu’à présent. Que le communiqué le fasse maintenant, voilà qui est pratiquement incompréhensible pour nos compatriotes.

C’est bien là en effet que se situe le problème et non dans l’opinion que l’on a de Mgr Thuân, dans l’appréciation que l’on peut porter à son sujet, ou encore dans la plus ou moins grande sympathie que l’on éprouve à son égard. Sans compter que même la Constitution vietnamienne reconnaît un principe élémentaire de tous les régimes respectueux du droit, à savoir que personne ne peut être considéré comme coupable tant qu’il n’y a pas eu de jugement du tribunal. Accuser sans motif Mgr Thuân “d’avoir contracté une dette de sang à l’égard du peupleconstitue une calomnie à l’endroit de la personne du citoyen, une absence de courtoisie élémentaire à l’égard du Saint-Siège, de l’archevêque, Mgr Nguyên Van Binh comme à l’égard de toute la Conférence épiscopale du Vietnam. C’est une accusation qui blesse le sentiment de solidarité de nos compatriotes catholiques, y compris ceux qui n’ont pas de sympathie particulière pour Mgr Thuân mais qui gardent encore un brin de fierté.

2 – “Le Saint-Siège a discuté avec le Bureau des Affaires religieuses du gouvernement de la nomination de l’évêque Huynh Van Nghi comme coadjuteur du vénéré archevêque Nguyên Van Binh avec droit de successionCette phrase du communiqué était claire; mais ce qui suit ne l’est plus du tout. “Le Vatican vient de nommer l’évêque Huynh Van Nghi du diocèse de Phan Thiêt comme administrateur du diocèse de Saigon par une décision unilatérale, sans avoir conféré auparavant avec le gouvernement“. En effet la nomination d’un archevêque coadjuteur avec droit de succession et la nomination d’un administrateur sont deux choses différentes.

a – Il faut noter, en premier lieu, que l’usage de faire dépendre les nominations d’évêque de l’accord préalable de l’Etat, en vertu d’un concordat ou d’une coutume non écrite, n’est pas aussi universel que l’on pourrait le croire. Cet usage est d’habitude le reliquat de dispositions prises par des pouvoirs impériaux autoritaires. Il n’est pas certain qu’il soit devenu aujourd’hui un principe invariable. Même lorsqu’il existe des concordats ou des coutumes en ce sens, d’ordinaire, les pays concernés n’ennuient pratiquement jamais le Saint-Siège par des “discussions et échanges préalables”: il est très rare qu’ils utilisent leur pouvoir de veto. Déjà entièrement absorbé par la recherche de premiers ministres, de ministres, de secrétaires d’Etat, de directeurs de service convenables, par le souci de la bonne marche de l’économie, des finances, de la subsistance de la population, de la prospérité du peuple, de la force du pays, etc, quel dirigeant voudrait encore perdre son temps à se tracasser pour des affaires d’églises ou de pagodes? Ainsi, dans un Etat aussi strictement laïque que l’Etat français – on a même dit un temps qu’il était franc-maçon – avec une loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat rigoureuse bien que la majorité de ses ressortissants soit de religion catholique, depuis près d’un siècle on a pu compter sur les doigts de la main les nominations d’évêques qui ont fait problème. On n’y jamais entendu parler de “problèmes qui se posent depuis longtemps“, et à plus forte raison, d’un problème de trois archevêchés vacants, chacun d’entre eux constituant à lui seul un problème insoluble.

b – Par ailleurs, si le Saint-Siège ne nomme qu’un administrateur apostolique, c’est précisément parce qu’il ne peut pas encore nommer un évêque, ou un évêque coadjuteur titulaires et qu’il subsiste encore des obstacles: par exemple, s’il n’y pas d’accord avec le gouvernement concerné pour la nomination d’un titulaire, ou si l’évêque titulaire existe mais est empêché de rejoindre son poste (ce fut le cas de Mgr Ngô Dinh Thuc après le coup d’Etat de 1963 (7): le Saint-Siège nomma Mgr Nguyên Kim Diên administrateur apostolique du diocèse. Il ne devint qu’ensuite archevêque titulaireLa nomination d’un administrateur apostolique constitue un palliatif, une solution exceptionnelle et provisoire. Elle ne peut donc être unilatérale, pas plus d’ailleurs que bilatérale. Même si, ici et là, le Saint-Siège a coutume de demander l’avis de l’Etat pour les nominations d’évêques, cela n’a jamais été le cas, nulle part dans le monde, pour les nominations d’administrateur apostolique. Cela ressemble un peu à ce qui se passe lorsqu’il faut recourir à un voisin pour surveiller la maison, alors que l’on est en train d’établir les titres de résidence du propriétaire authentique: il n’est pas question alors de “discussions et échanges préalables

Il faudrait même ajouter que la nomination d’un administrateur apostolique témoigne surtout de la patience du Saint-Siège, de sa volonté de compromis Cette mesure laisse la porte ouverte à des discussions, des échanges et un accord ultérieurs. S’il avait voulu prendre une décision unilatérale, le Saint-Siège aurait d’abord décidé de retirer juridiction et titre à Mgr Binh (pour le motif que depuis 8 ans déjà, il a dépassé l’âge canonique de la retraite des évêques). Il n’aurait pas eu la délicatesse de lui laisser le titre bien qu’il n’ait plus de pouvoir. Il aurait nommé immédiatement Mgr Nguyên Van Thuân ou Mgr Huynh Van Nghi comme archevêque de Hô Chi Minh-Ville, sans attendre que s’achèvent ces discussions et échanges qui durent déjà “depuis longtemps” sans apporter un quelconque résultat.

c – Le communiqué informe “clairement” nos compatriotes que “le vénéré archevêque Nguyên Van Binh qui, il y a quelque temps, a dû se faire soigner quelques jours à l’hôpital, a maintenant retrouvé la santé et repris ses activités normales à l’archevêchéOr, la presse n’a jamais annoncé “clairement” à nos compatriotes que le 30 ou le 31 juillet 1993, dix jours avant que le chef du gouvernement Vo Van Kiêt ne vienne le visiter et environ deux semaines avant que le secrétaire général Do Muoi ne se rende à son chevet à l’hôpital Thông Nhât, Mgr Binh était tombé malade, presque à l’article de la mort, et que c’est lui-même qui avait été obligé d’appeler le Saint-Siège pour demander un remplaçant, tout au moins un administrateur apostolique. (L’archevêque est resté plus de deux semaines à l’hôpital: ce n’est pas peu). Il a lancé cet appel poussé par le sens des responsabilités qui anime n’importe quel évêque dans l’Eglise. Le “vénéré Nguyên Van Binh” n’est pas le vénéré Deng Xiaoping qui se cramponne à son pouvoir (8). Il sait parfaitement qu’un fidèle dans l’Eglise, pour vivre son éternité, a davantage besoin du Seigneur que de telle ou telle personnalité (Jésus n’a jugé nécessaire que de vivre un peu plus de trente ans en ce monde). Que l’on sache ou non que malgré ses 83 ans il est en bonne santé, l’archevêque n’en a cure.

Ce que le catholique comprendra encore moins “clairementc’est comment le Comité populaire de la ville peut considérer que Mgr Binh “préside à l’exercice des activités de la religion catholique dans le diocèse de Hô Chi Minh-Ville” alors qu’il “est clair” que, pour le Saint-Siège, Mgr Nguyên Van Binh n’a désormais que le titre d’archevêque mais n’en a plus les pouvoirs (9). Il s’agit bien entendu des pouvoirs religieux et non pas du pouvoir séculier. Selon leur façon de voir depuis toujours, nos compatriotes catholiques ne sauraient comprendre que le communiqué affirme autre chose; sinon, il n’aurait pas de sens, … ou bien cela signifierait que le Comité populaire de la ville a décidé “unilatéralement” de nommer Mgr Nguyên Van Binh, premier archevêque schismatique du Vietnam.

3 – Derrière toutes ces éclaircissements qui ne réussissent qu’à obscurcir l’affaire, se pose une question fondamentale concernant les rapports entre le pouvoir séculier et le pouvoir religieux, entre l’Etat et l’Eglise, entre le droit et la morale, entre la conscience, l’idéal, César et Dieu.

Naturellement, cette question est loin d’être simple. Cependant elle n’est pas particulière à une époque ou à un pays. Pourquoi Socrate, l’ancêtre de la philosophie occidentale a-t-il été condamné à boire la ciguë? Pourquoi le Christ a-t-il été crucifié et est-il mort? – “Nous avons notre loi et selon cette loi, il doit mourir” (Jn 19, 7) Et pas seulement la loi juive mais aussi celle de l’impérialisme régnant : “Si tu le relâchais, tu ne te conduirais pas comme l’ami de César car quiconque se fait roi, se déclare contre César” (Jn 19, 12) En quel nom a-t-on condamné exécuté, emprisonné, inculpé, menacé des générations et des générations de martyrs, de Néron à Minh Mang et à Thu Duc (10)? En quel nom, six millions de juifs, vieillards femmes et enfants compris, ont-ils été jetés aux fours crématoires?

Certes, le droit constitue l’ordre de la société, la civilisation de l’homme. Mais le droit n’est pas tout. Il n’existe pas de société humaine possédant un ordre aussi parfait que celui d’une ruche, d’une termitière ou d’une fourmilière. Mais la société des hommes dépasse celle des termites, des fourmis et des abeilles, parce que son ordre n’est pas un ordre mécanique et sans âme: il est constitué par une association consciente et libre entre des hommes qui ont la possibilité de se tenir debout, qui regardent vers le haut, plus loin que la société qui les entoure, qui, grâce à leur conscience et leur foi, ont valorisé le droit et non le contraire. La civilisation humaine se fonde sur cette caractéristique, à savoir que l’homme se définit par rapport au droit, mais pas seulement par rapport à lui.

Pour employer d’autres termes, le respect du droit est un véritable humanisme, mais l’assujettissement au droit rend l’homme esclave, le transforme en abeille, ou en fourmi. Plus encore, il relégue le droit lui-même dans l’obscurité. Ce n’est qu’en reconnaissant le caractère relatif du droit, ses limites ou plutôt le statut limité du pouvoir séculier (l’Etat n’est pas le Bon Dieu: il ne peut pas administrer les consciences) que l’on pourra affronter avec justesse et rigueur la question fondamentale posée plus haut.

Pour mieux comprendre, essayons d’envisager le problème à travers quelques exemples.

a – Le droit actuel de la République socialiste du Vietnam n’interdit l’avortement à aucune période de la grossesse. Supposons le cas d’un père qui, bien que sa femme ressente déjà les premières douleurs de l’enfantement et qu’elle désire mener sa grossesse jusqu’à son terme normal, prie le médecin d’éliminer l’enfant dans le sein de sa mère avant qu’il ait eu le temps de voir le jour. Ni le père, ni le docteur ne seront coupables au regard du droit alors que s’ils avaient attendu une demi-heure de plus et étouffé l’enfant après qu’il soit sorti du ventre de la mère, ils auraient commis un assassinat. Même si le père et le docteur sont innocents devant la loi, il n’est pas sûr qu’ils soient en paix avec leur conscience. Faudra-t-il dire alors que les exigences de leur conscience sont en infraction avec les dispositions de la loi?

b – “Le Comité populaire considère que c’est Mgr Nguyên Van Binh qui préside à l’exercice des activités de la religion catholique dans le diocèse de Hô Chi Minh-Ville”. Mais, si moi, fidèle de cette ville, prêtre, religieux, ou laïc, peu importe, me tenant devant l’archevêché ou la cathédrale, je déclare que je ne dois pas obéissance à Mgr Binh, et que désormais il n’a plus d’autorité sur ma vie religieuse, personne ne pourra me reprocher de m’être mis par là en infraction avec les dispositions de la loi de la République socialiste du Vietnam. Aurais-je violé le droit? Quelles dispositions? Quelle loi? Si, de plus, je ne mets jamais les pieds à l’église, j’aurais d’autant plus le droit de me comporter ainsi.

Que signifie tout cela? Il y a une réelle différence entre le pouvoir séculier et le pouvoir religieux. Dire que le pouvoir séculier l’emporte sur le pouvoir religieux ou le contraire est une absurdité. A l’exception peut-être du cas où le Chef d’Etat est aussi chef de telle ou telle religion, comme par exemple la reine d’Angleterre qui est aussi chef de l’Eglise anglicane. Mais même dans cette circonstance, si je ne suis pas un adepte de la religion en question, l’anglicanisme dans le cas de l’Angleterre, la juridiction religieuse du Chef d’Etat ne me concerne pas. Le pouvoir séculier concerne tous les citoyens d’un pays. La citoyenneté n’est pas une affaire de goût; on ne peut pas en effet changer de nationalité n’importe quand. La juridiction religieuse, elle, ne concerne que des hommes volontaires et aussi longtemps qu’ils veulent bien la respecter. Le fidèle peut se soumettre au souverain pontife, aux évêques, aux prêtres – c’est bien mieux que d’être soumis à l’Etat -mais à n’importe quel moment, il peut mettre un terme à cette obéissance; personne ne le jettera en prison, personne ne le traduira devant le tribunal ou lui imposera une punition. Il n’y aura d’autre pression exercée sur lui que celle que feront peser sur lui les exigences de sa conscience.

Plus de 90 % de la population vietnamienne (11) a le droit (un droit séculier) de considérer le souverain pontife, les évêques, les prêtres comme des entités négligeables, sans importance pour eux. Cette façon de distinguer pouvoir séculier et pouvoir religieux, à elle seule, suffit à montrer que très souvent – si ce n’est toujours – il est absurde de prétendre que tel ou tel exercice du pouvoir religieux est en infraction “avec les dispositions de la loiou encore “est imposé en violation de l’indépendance du pouvoir séculier” (le pouvoir religieux ne peut même pas être imposé à un fidèle, comment pourrait-on l’imposer à quelqu’un d’autre!). Qui donc pourrait forcer un citoyen vietnamien à payer seulement un demi-sou d’impôts supplémentaires pour payer le salaire de Mgr Huynh Van Nghi, évêque de Phan Thiêt faisant fonction d’administrateur apostolique ou non? Qui empêcherait les policiers de siffler et d’arrêter la voiture du citoyen Huynh Van Nghi, et de lui dresser un procès-verbal lorsque il brûle un feu rouge (pour lui éviter la punition, un pot de vin fera davantage d’impression que son titre d’évêque). De même, qui pourrait empêcher d’inculper et de traduire devant le tribunal Mgr Nguyên Van Thuân, s’il s’avérait exact “qu’il ait contracté une dette de sang à l’égard du peuple”.

Mais cessons de discuter ces questions de religion ; elle sont par trop ennuyeuses … L’exemple du football est plus divertissant et, dans notre cas, aussi instructif. La FIFA (Fédération internationale de Football-Association) peut changer les lois du football. Elle ratifie la nomination de tel ou tel arbitre comme arbitre officiel de la FIFA. Elle désigne celui-ci ou celui-là pour se rendre dans tel ou tel pays arbitrer une compétition internationale ou y agiter le drapeau de touche. Avant de prendre de telles décisions, la FIFA a-t-elle besoin d’en débattre auparavant avec les pays concernés? S’il n’y a pas d’échanges préalables, peut-on considérer que la FIFA agit unilatéralement ou alors qu’elle essaye d’imposer ses décisions en violation de l’autonomie du pouvoir du pays concerné. Que l’on ne dise pas que le football ne cause aucun désordre social. A-t-on déjà vu pendant la messe ou après, la police des villes entrer dans l’Eglise pour protéger l’ordre public troublé, comme elle est obligée de le faire pendant ou après les matchs de foot (…).

Mais le fait est que personne ne force quelqu’un à jouer au ballon, à regarder jouer ou à suivre une quelconque religion (règlement) du football. On peut même jouer au football en suivant une religion du football différente, comme ces groupes de jeunes qui lorsqu’ils jouent au football dans la rue n’appliquent pas les règles du hors-jeu ou de zone interdite. Jouer au football est le fait de volontaires. Les instances suprêmes (le Saint-Siège) de la FIFA détiennent un pouvoir certain, mais seulement avec les footballeurs qui, volontairement lui obéissent pour pouvoir jouer dans le cadre de la Fédération internationale de football, laquelle bien qu’elle ait un caractère supranational n’a jamais été accusée de violer l’autonomie d’un quelconque pays. Bien entendu, notre comparaison cloche par certains endroits. Mais cet exemple du football est propre à “éclairer” nos compatriotes, surtout si l’on pense à la récente affaire où l’UEFA a éliminé l’Olympique de Marseille de la Coupe d’Europe, alors que l’affaire n’avait pas encore été jugée en France. Le président F. Mitterrand en a été irrité; mais ce n’est pas pour cela que l’on a accusé l’UEFA de violer l’autonomie nationale française et de prendre une décision non conforme aux désirs du peuple français.

A l’époque de l’électronique, il y a longtemps que notre monde a laissé loin derrière lui les moeurs de l’ancienne société tribale.

Conclusion provisoire

Pour en revenir à l’Eglise catholique, tout sera plus clair et plus simple, lorsque chacun aura définitivement compris ceci: le drapeau jaune à l’étoile rouge doit être respecté par tous nos compatriotes, croyants ou non-croyants, lorsqu’ils vivent en ce pays. Mais il ne peut y avoir, il ne pourra jamais y avoir d’habit rouge avec une étoile jaune. Concrètement, l’Etat a tout pouvoir d’octroyer une étoile jaune à Mgr Nguyên Van Binh, Mais il ne peut pas de sa propre initiative lui conférer l’habit rouge. Il ne pourra jamais lui conférer la distinction de cardinal. Par contre, l’Etat peut très bien ne pas accepter Mgr Nguyên Van Thuân, l’empêcher de revenir dans son pays. Il peut même porter contre lui des accusations – en dehors de l’enceinte du tribunal – attribuant au prélat une dette de sang contractée à l’égard du peuple. Mais il faut se demander ce qui se passerait si le Vatican répliquait à l’Etat en décidant'”unilatéralement” de conférer la pourpre cardinalice au prélat insulté.

Dans le cas où la question de la succession continuerait à se poser non seulement à Hô Chi Minh-Ville mais dans les trois archidiocèses de la République socialiste du Vietnam, sans compter les trois, quatre ou cinq autres diocèses vacants, certes, la vie chrétienne de nos compatriotes n’en serait pas facilitée. Mais, leur conscience et leur foi ne manqueraient pas de leur indiquer à qui ils doivent obéissance sur le plan religieux. Depuis près de vingt siècles, ils sont habitués aux épreuves. Cela ne serait regrettable que pour notre pays qui montrerait ainsi au monde que la situation qui règne chez lui est anormale, comme l’affirmait l’article (12) du journal Công Giao và Dân Tôc. Pour ce qui est du motif d’un tel état de chose, ce n’est pas cet article, pas plus que le communiqué du 17 septembre, qui pourraient nous renseigner.

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