Eglises d'Asie

Après le procès du 15 novembre 1993 : regain de tension dans les milieux bouddhistes de Huê

Publié le 18/03/2010




Depuis le début du mois de décembre 1993, un certain nombre de témoignages sont venus dissiper en partie l’obscurité entourant le procès du 15 novembre dernier, au cours duquel quatre religieux et cinq fidèles bouddhistes avaient été condamnés à diverses peines de prison (31). En particulier, des renseignements nouveaux ont été fournis par une lettre de recours destinée à « faire opposition au jugement », envoyée, le 7 décembre 1993, à onze instances gouvernementales par les parents et les confrères des religieux et fidèles condamnés (32). On a ainsi appris que le procès avait eu lieu à l’intérieur d’une caserne et que la cour dite « populaire » était composée aux quatre cinquièmes par des cadres, des policiers en uniforme et des membres du Parti à la retraite. Les accusés, dépourvus de toute défense, n’ont eu à aucun moment la possibilité de se justifier, malgré les demandes exprimées par eux devant la cour. La lettre de recours demande que l’affaire soit jugée une seconde fois en public, avec un jury véritablement populaire et une défense impartiale.

Par ailleurs, est parvenue en Occident (33) la version bouddhiste de l’auto-immolation du fidèle dans l’enceinte de la pagode de la Dame céleste à Huê le 21 Mai 1993 (34). De ce sacrifice qui avait entraîné la manifestation du 24 mai pour laquelle les quatre religieux bouddhistes viennent d’être condamnés, on ne connaissait jusqu’ici que la version du gouvernement. Elle avait d’ailleurs varié plusieurs fois en ce qui concerne les motivations de la victime. Après avoir d’abord parlé de « désespoir causé par le sida » comme motif de l’immolation, les médias officiels n’avaient plus retenu que le chagrin éprouvé à la suite d’une querelle conjugale (35). Selon les sources bouddhistes, le fidèle, originaire du village de Quang Ngan de la province de Thua Thiên, s’appelait Nguyen Van Dung, appartenait à une famille de tradition bouddhiste et était âgé de 28 ans. Avant d’accomplir son geste, il aurait confié à son épouse qu’il ne pouvait plus supporter de rester sans réaction devant la situation faite au bouddhisme.

Pendant ce temps, la tension continue de monter dans certains milieux bouddhistes, en particulier au sein du clergé de l’Eglise d’Etat de l’ancienne capitale impériale de Huê. Cinquante-deux religieux appartenant à vingt-huit pagodes de Huê (36) ont manifesté pacifiquement pendant trois jours devant la pagode Tu Dam, qui avait servi en 1963 de lieu de ralliement à la rébellion bouddhiste contre le régime du président Ngô Dinh Diêm. Les manifestants avaient précédemment envoyé à la direction de l’Eglise d’Etat deux pétitions réclamant une enquête sur la situation du bouddhisme dans la province (37), sans obtenir de réponse. Le vénérable Thich Thiên Siêu, supérieur de la pagode Tu Dam, devenue aujourd’hui le siège principal de l’Eglise d’Etat à Huê, député à l’Assemblée nationale (38) et membre de la direction de l’Eglise d’Etat, a refusé de recevoir les manifestants.