Eglises d'Asie – Indonésie
La Chambre des députés abolit la loterie nationale sous la pression de manifestants musulmans
Publié le 18/03/2010
Instituée en 1978 pour financer des programmes sociaux, sportifs et culturels, la “loterie de l’espoir” a d’emblée suscité l’opposition des chefs religieux musulmans, comme une forme de jeu contraire à la loi de l’islam (14). Bien d’autres voix se sont jointes aux leurs au cours des années pour dénoncer les méfaits de cette institution. A la mi-novembre 1993, dans l’hebdomadaire Detik, Mgr Léon Soekoto, archevêque de Jakarta, a rappelé comment la loterie aggravait les problèmes des familles à bas revenus en les berçant d’espoirs de gains faciles, et il s’est déclaré d’accord avec les protestataires rassemblés depuis le début du mois de novembre dans toutes les provinces autour d’étudiants musulmans pour dénoncer la loterie, “machine à extorquer les revenus des pauvres”.
Ce furent toutefois des personnalités musulmanes qu’on vit au premier rang de ces manifestations publiques et quand la Chambre se réunit pour débattre du maintien ou de la suppression de la loterie nationale, des membres du clergé musulman intervenaient auprès des députés pendant qu’à l’extérieur d’autres priaient et que les forces de l’ordre devaient faire barrage devant des centaines d’étudiants musulmans adversaires de la loterie. Après cinq heures de débats, l’annonce de la décision prise par un vote unanime des partis fut accueillie par un tonnerre d’applaudissements. Des adversaires de la loterie tombèrent à genoux en s’écriant : “Allah est grand”. Le parti Golkar, majoritaire à la Chambre, a expliqué son vote dans un communiqué qu’ont publié les journaux de Jakarta: “Au lieu d’éduquer leur esprit et d’augmenter leur productivité, la loterie a intoxiqué les gens. Elle a pompé au profit de Jakarta une énorme quantité d’argent versée par les pauvres des régions rurales de tout le pays. Elle a aggravé leur condition économique.”
Des hommes politiques non musulmans craignent que le sentiment religieux islamique qui s’est exprimé dans les meetings contre la loterie soit utilisé dans l’avenir pour obtenir du gouvernement des concessions. Prenant la parole le 19 novembre dans une réunion de militants catholiques, Frans Seda, catholique et ancien ministre, a mis en garde contre le danger des pressions exercées par les musulmans sur le gouvernement au nom de leurs idées religieuses. “Je crains qu’ils en viennent plus tard à demander que les lois islamiques soient imposées dans d’autres domaines. Le gouvernement n’a pas à traiter cette question de la loterie au nom d’une loi religieuse. Les représentants d’autres religions que l’islam ont eux aussi pris position contre cette loterie nationale, pour des raisons de bien commun, non de credo religieux. Précisément parce que l’islam est une force puissante dans notre pays, le gouvernement ne devrait pas s’incliner devant les demandes de ses chefs. Puisqu’il l’a fait une fois, ils essaieront une autre fois de faire la même chose et notre peuple se trouvera divisé au nom des religions”.