Eglises d'Asie – Vietnam
Un nouveau document d’orientation en matière de politique religieuse
Publié le 18/03/2010
L’intérêt de ce nouveau document tient beaucoup moins aux thèmes abordés, qui sont identiques à ceux du document commenté, qu’aux détails nouveaux et concrets qui, semble-t-il, ont été suggérés aux spécialistes gouvernementaux des affaires religieuses par l’état actuel des rapports entre l’Etat et les diverses religions du Vietnam. Le nouveau document passe en revue les sujets envisagés dans les directives du mois de juillet 1993.
Il est d’abord question des lieux de culte que le Bureau des affaires religieuses se refuse à appeler « établissements religieux » comme l’avaient fait les évêques dans la pétition envoyée au chef du gouvernement le 26 octobre 1994 (13). Ceux-ci avaient demandé que tous les terrains et bâtiments confisqués ou offerts à l’Etat lors du changement de régime soient rendus à l’Eglise. Une exigence de type semblable avait été formulée par le dirigeant du bouddhisme unifié en exil, le vénérable Thich Huyên Quang, dans diverses lettres ouvertes adressées aux autorités. Le Bureau des affaires religieuses, dans le nouveau document, s’en tient strictement à l’appellation « lieux de culte » et s’efforce de mettre des limites aux restitutions éventuelles. Pourront être rendus les édifices utilisés par l’Etat à d’autres fins que sociales (14) et laissés à l’abandon, sans réparation.
La liberté de publier des livres religieux, de faire paraître des journaux est une des revendications actuelles des diverses religions au Vietnam. La pétition des évêques réclamait la possibilité de publier une revue et de posséder une maison d’éditions. Cette éventualité est explicitement écartée par le deuxième point du nouveau document qui spécifie que les livres religieux ne pourront être imprimés et publiés que par des maisons d’édition d’Etat. Toute impression en d’autres lieux est considérée comme illégale.
Dans son troisième point, le document d’orientation aborde la formation des ministres du culte et rappelle que « le critère principal pour le choix des candidats est le bon accomplissement des devoirs civiques ». On peut penser qu’ainsi, il répond négativement à la demande formulée par les évêques dans la pétition du mois d’octobre 93, estimant que « l’Eglise doit pouvoir choisir librement les candidats … en fonction des critères moraux et religieux qui sont les siens ».
Après avoir rapidement passé en revue la question des relations extérieures des religions et rappelé l’obligation pour tous les organismes religieux de faire part aux autorités de leur programme annuel d’activités, le texte aborde le point le plus nouveau, à savoir le problème des plaintes et dénonciations. On peut penser que la multiplication actuelle des réclamations et lettres ouvertes à l’adresse du gouvernement, en particulier dans les milieux de l’opposition bouddhiste, mais aussi chez les catholiques, pourrait avoir irrité les autorités qui ont décidé d’y mettre un frein. La menace est énoncée sans voile: « Ceux qui calomnient où déforment la vérité seront lourdement châtiés » – menace d’autant plus vraisemblable qu’elle a déjà été exécutée chez les chrétiens h’mongs du Nord-Vietnam où un laïc a été condamné pour calomnie après avoir dénoncé la persécution exercée contre sa communauté (15). On peut penser aussi que l’allusion à « ceux qui exploitent la religion et commettent ces violations (de la loi) avec une intention perverse » et qui « devront être sévèrement jugés conformément à la loi », contenue dans le même paragraphe, vise les religieux bouddhistes qui participent au mouvement d’opposition et dont certains ont déjà été condamnés à de lourdes peines de prison (16).
Ce document d’orientation apparaît donc comme un document d’actualité exprimant les vues du gouvernement face à un certain nombre d’évolutions récentes des diverses religions. La multiplication actuelle des directives dans le domaine religieux avec les corrections successives qu’elles apportent à la ligne politique passée suggèrent que les instances officielles éprouvent de la difficulté à suivre cette évolution. On peut y déceler la trace d’un certain désarroi théorique face à une réalité en rapide évolution.
(10) Ce communiqué a été très sommairement analysé dans le journal de Hô Chi MInh-Ville, Saigon Giai Phong (Saigon libéré) du 27 décembre 1993. Il est traduit intégralement dans le document annexe du présent numéro.