Eglises d'Asie

Avec la levée de l’embargo les pressions européennes et américaines pour le respect des droits de l’homme s’accentuent

Publié le 18/03/2010




Une délégation de l’Union européenne, composée de cinq représentants du parlement et conduite par le sénateur néerlandais Ben Visser, en visite au Vietnam du 31 janvier au 5 février 1994, a rencontré à Hanoi un certain nombre de personnalités gouvernementales, parmi lesquelles M. Vu Quang, directeur du Bureau des affaires religieuses. Selon une information recueillie par l’A.F.P. (20), les députés européens ont abordé avec lui la question de la dissidence bouddhiste et de l’Eglise catholique. Le contenu précis de l’intervention européenne n’a pas été communiqué. On peut cependant penser que le mouvement de protestation animé par les dirigeants de l’Eglise bouddhique unifiée, les arrestations et les procès de religieux bouddhistes, les limites mises par l’Etat aux activités de l’Eglise catholique ainsi que la détention d’un certain nombre de prêtres et religieux catholiques (21) ont été évoqués au cours de la conversation.

Les membres de la délégation se sont aussi entretenus avec le président de l’assemblée nationale, M. Nong Duc Manh, et le vice-ministre des affaires étrangères Nguyên Dy Niên. A l’issue de cette rencontre, on a appris que les deux parties avaient notamment discuté du premier accord-cadre de coopération économique et commerciale en cours d’élaboration entre l’Union européenne et le Vietnam. Selon des informations provenant de la délégation européenne, la signature de l’accord buterait encore sur la formulation d’une clause obligatoire sur le respect des droits de l’homme au Vietnam.

Ces interventions européennes en matière de droits de l’homme sont allées de pair avec un certain nombre de pressions américaines qui se sont exercées avec plus d’intensité à l’approche de la levée de l’embargo. Dès le 10 janvier 1994, la porte-parole du département d’Etat, Mme Christine Shelly avait annoncé que le Vietnam et les Etats-Unis admettaient le principe d’un dialogue sur les droits de l’homme au Vietnam (22). Ce projet avait été étudié par les deux parties lors de la visite à Hanoi de Winston Lord, adjoint au Secrétaire d’Etat (23). Une amélioration dans le domaine des droits de l’homme est désormais la condition mise par les Etats-Unis à la reprise des relations diplomatiques. Le jour même de la levée de l’embargo, le 4 février 1994, dans sa déclaration, le président Clinton mentionnait explicitement ce dialogue: “J’ai également décidé d’établir un bureau de liaison pour fournir des services aux Américains sur place et nous aider à poursuivre un dialogue sur les droits de l’homme” (24). Le même jour, une lettre signée de dix sénateurs américains parmi lesquels un vétéran de la guerre au Vietnam, Bob Kerry, suggérait au président que “la fin des sanctions commerciales était une bonne occasion de rappeler le respect des droits de l”homme au Vietnam” (25Le coordinateur d’Amnesty International à Hongkong s’exprimait, lui aussi, en des termes semblables et souhaitait que son organisation puisse à nouveau venir enquêter sur place après près de cinq ans d’interdiction.

Du côté vietnamien, les manifestations verbales de bonne volonté en ce domaine n’ont pas manqué, ne serait-ce que la déclaration du président de l’assemblée nationale contenue dans le discours de clôture de la dernière session, le 4 janvier 1994. Elle affirmait que ” victimes des violations des droits de l’homme par les forces internationales durant des siècles, l’Etat et le peuple vietnamiens étaient extrêmement attachés à l’indépendance ainsi qu’à la liberté et résolus à appliquer intégralement les droits de l’homme inscrits dans la constitution de 1992″ (26). Cependant les autorités continuent à exprimer leur irritation devant les remontrances étrangères qu’elles considèrent comme une ingérence dans leurs affaires intérieures et comme une tactique de déstabilisation de leur pays dans la cadre de la stratégie globale de “l’évolution pacifique”. La veille même de la levée de l’embargo, le secrétaire adjoint aux affaires étrangères, M. Lê Mai exprimait encore son mécontentement devant le rapport annuel du département d’Etat sur les droits de l’homme dans le monde, publié au début du mois de février. Le Vietnam y était accusé de ne pas respecter les libertés fondamentales, de détenir des prisonniers politiques et de les garder dans l’isolement (27). Pour le diplomate vietnamien, ces allégations étaient sans objectivité.