Eglises d'Asie – Inde
Gujarat : le geste magnanime d’un hindou réconcilie les hindous et les musulmans d’une petite ville
Publié le 18/03/2010
La réconciliation des deux communautés est venue de l’initiative d’une famille hindoue de la ville. Les deux frères Manubhai Dave, 72 ans, et Bhogilal Dave, 56 ans, ont publiquement pardonné aux quatre jeunes musulmans qui avaient assassiné leur frère cadet, Mahendrabhai, 43 ans, lors des émeutes anti-hindoues du lendemain d’Ayodhya, le 7 décembre 1992, et ils ont aidé à faire sortir de prison trente-trois autres musulmans accusés à tort du même crime.
Ces gestes inouïs de générosité ont laissé les dirigeants musulmans abasourdis. Depuis plus de six mois ils multiplient les démarches pour tenter de faire libérer leurs trente-trois prisonniers. La date du jugement approche. Leur seul espoir est d’obtenir de Manubhai qu’il arrête l’affaire, puisque les trente-trois accusés ne sont pas coupables de l’assassinat de Mahendrabhai. Un jeune avocat, Vazir Khan Pathan, sert d’intermédiaire. Il est de l’intérêt des deux communautés de faire la paix. Au cas où Manubhai ne serait pas d’accord, Vazir Khan pourra lui proposer une compensation financière.
La tentative échoue. Manubhai rejette la demande d’arrêter les poursuites et se met en colère quand on lui offre de l’argent. « Est-ce que je fais commerce de sang ? » demande-t-il. Maganbhai Barot intervient. Cet ancien ministre et dirigeant du parti du Congrès, connu de la famille Dave, est l’avocat des trente-trois accusés musulmans. Laisser punir des innocents, ce n’est pas seulement abominable, c’est rallumer la violence dans une ville déjà à bout de nerfs.
L’appel de Barot semble toucher une corde chez Manubhai. Il s’adoucit assez pour qu’un projet de paix commence à prendre forme. Des membres des deux communautés se joignent aux pourparlers. Un comité est formé pour tenter d’aboutir vite à une solution concrète. Les choses avancent. Une requête est adressée au tribunal le 13 décembre 1993 afin qu’il consente une suspension de la procédure, parce qu’un arrangement amiable est imminent entre les parties.
C’est à la réunion suivante du comité que Manubhai fait une offre stupéfiante. Si les vrais assassins se présentent à lui, il leur pardonnera, et il aidera à faire libérer les innocents en prison. Touchés par cette proposition, les dirigeants musulmans réagissent avec la même élégance. Connaissant les vrais coupables, ils convainquent leurs parents: il faut absolument que leurs fils se présentent. C’est ainsi qu’à deux heures et demi du matin suivant, Manubhai se trouve enfin en présence des assassins de son frère. Ils expliquent en larmes ce qui s’est passé. La destruction du temple d’Ayodhya les aveuglait. Ils n’avaient qu’une idée, se venger sur des hindous. Manibhai s’approche alors, et leur pardonne. Sans doute ne voit-il pas toute la portée de son geste, que la presse va bientôt faire connaître (5). Les trente-trois musulmans accusés ont été acquittés. Sidhpur est devenue une ville différente, où les hindous et les musulmans se parlent.