Eglises d'Asie

La conférence des réfugiés d’Indochine décide de vider les camps de réfugiés vietnamiens avant la fin de l’année 1995

Publié le 18/03/2010




Bien que prévisibles et redoutées depuis longtemps (8), les mesures prises à Genève par le comité d’organisation de la conférence internationale des réfugiés d’Indochine lors de sa réunion du 14 février 1994, ont porté à son comble l’émotion qui règne depuis déjà plusieurs semaines dans les camps de réfugiés vietnamiens de Hongkong, de Malaisie, de Thaïlande, d’Indonésie et des Philippines. L’effervescence gagne tous les camps de l’Asie du Sud-Est, où se multiplient manifestations et grèves de la faim.

C’est en effet un véritable ultimatum (9) qui a été lancé aux pensionnaires des camps de premier asile par les représentants de trente-cinq nations et du commissariat aux réfugiés des Nations unies réunis à Genève. Les demandeurs d’asile vietnamiens devront quitter les camps et regagner leur pays avant la fin de l’année 1995. Désormais, tout Vietnamien venant chercher un asile temporaire à Hongkong ou dans un des autres pays de l’Asie du Sud-Est sera considéré comme un migrant illégal. Il ne pourra plus prétendre au statut de réfugié et la procédure de “tri” mise en place en 1989 par le “plan global d’action” pour déterminer les réfugiés authentiques, ne sera plus appliquée aux nouveaux arrivants.

Cette dernière mesure s’ajoutera à l’arsenal déjà considérable des moyens utilisés à Hongkong et ailleurs pour vider les camps. Mais à vrai dire, le traumatisme subi par les pensionnaires des camps vient surtout du soutien que la communauté internationale donne désormais à la politique de rapatriement forcé mise en oeuvre par les autorités du territoire depuis deux ans. Elle n’a touché pour le moment que 795 demandeurs d’asile ramenés de force dans leur pays, mais elle devrait maintenant être intensifiée. Ce mode de rapatriement a été mis au point en 1991, après de longues négociations, par la Grande-Bretagne et le Vietnam qui ont, par deux fois, conclu un accord, le 29 octobre 1991 et le 12 mai 1992. La conférence d’Indochine a estimé que la méthode coercitive pouvait compléter le programme de retours volontaires grâce auquel plus de 40 000 pensionnaires des camps ont déjà rejoint leur pays. La conférence appelle pudiquement “programme pour les non-objecteurs” le programme qu’elle a approuvé pour ceux qui ne s’opposeront pas à leur retour forcé.

Les conclusions de cette cinquième réunion du comité organisateur de la conférence des réfugiés d’Indochine ont pleinement satisfait les autorités du territoire. M. Ken Woodhouse, membre du secrétariat à la sécurité, a déclaré (10) que les pensionnaires des camps devraient comprendre que leur seul avenir et celui de leur famille était au Vietnam. Le secrétaire à la sécurité, M. Alistair Asprey, pense toutefois (11) que la plupart des Vietnamiens quitteront Honkong dans le cadre du programme de rapatriement volontaire. Cependant, pour vider les camps avant 1995, le gouvernement pourra, si c’est nécessaire, utiliser les moyens supplémentaires qui lui sont donnés par la conférence. Le gouvernement vietnamien (12), à son habitude, a approuvé le rapatriement complet des demandeurs d’asile vietnamiens, tout en émettant certaines réserves de principe: “Le rapatriement devra être conduit sur la base du volontariat, a précisé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Vietnam, Ho The Lan, avec l’aide internationale, pour permettre aux rapatriés de reprendre une vie normale au Vietnam

La réaction des réfugiés a été particulièrement violente à Hongkong. Avertis des probables décisions de la conférence de Genève, les pensionnaires des camps ont manifesté de diverses manières durant toute la semaine précédant la réunion. Le mouvement a continué et s’est amplifié dans les jours qui ont suivi. Le 18 février dans le camp de Tai A Chau, ils étaient presque 200 à faire ensemble une grève de la faim, commencée une semaine auparavant avec seulement 29 participants. Beaucoup d’entre eux ont confié qu’ils étaient décidés à mourir de faim plutôt que de revenir dans leur pays (13).