Eglises d'Asie

Difficiles négociations entre Hanoi et une délégation du Saint-Siège

Publié le 18/03/2010




Depuis le 7 mars 1994, des négociations se sont ouvertes à Hanoi entre une délégation du Vatican, conduite par Mgr Celli, et les autorités civiles du pays, plus spécialement le responsable du Bureau des affaires religieuses du gouvernement, M. Vu Quang. Le voyage de la délégation au Vietnam, le quatrième depuis 1990, avait d’abord été prévu pour le mois d’octobre 1993 et devait coïncider avec la réunion annuelle de la conférence épiscopale du Vietnam. Les autorités vietnamiennes avaient alors jugé la date inopportune (12).

Rarement, des négociations entre Rome et Hanoi auront débuté dans un climat d’aussi grande tension. Durant la semaine qui a précédé l’arrivée de la délégation, divers responsables gouvernementaux ont multiplié les déclarations et affiché leur volonté de contrôler strictement les nominations de la hiérarchie catholique, en particulier en imposant leurs propres critères politiques au choix des candidats à l’épiscopat.

Voilà d’ailleurs plusieurs mois qu’un grave différend survenu à Hô Chi Minh-Ville avait contribué à détériorer les relations entre les autorités vietnamiennes et l’Eglise catholique. Au mois de septembre 1994, le Comité populaire municipal s’était violemment opposé à la nomination de l’évêque de Phan Thiêt, Mgr Huynh Van Nghi, au poste d’administrateur apostolique du diocèse de Hô Chi Minh-Ville (13). Cependant, passé le premier affrontement, un certain statu quo semblait s’être instauré dans le diocèse où, quelques jours par mois, le nouvel administrateur s’acquittait discrètement de ses fonctions malgré le veto gouvernemental. C’est lors du dernier séjour de Mgr Nghi à Hô Chi Minh-Ville après le nouvel an lunaire, que la situation s’est de nouveau aggravée. Convoqué dans les locaux de la police, le 22 février 1994, pour une « séance de travail », il a essuyé de très vifs reproches des autorités, pour avoir désobéi à l’ordre municipal lui interdisant d’exercer ses fonctions d’administrateur apostolique. Dès le lendemain, il est revenu à Phan Thiêt, son diocèse d’origine.

Quelques jours plus tard, le 27 février 1994, une interview du chef du gouvernement parue dans « Catholicisme et Nation » rappelait les actuels points de désaccord existant entre le gouvernement vietnamien et le Saint-Siège et affirmait les droits du Vietnam en matière de nomination d’évêques catholiques sur son territoire (14).

Le 3 mars suivant, le Comité municipal de Hô Chi Minh-Ville a publié un communiqué paru en première page du quotidien de Hô Chi Minh-Ville, « Saigon Giai Phongsous le titre Au sujet des infractions commises par l’évêque Huynh Van Nghi à Hô Chi Minh-Ville ». Le document rappelle d’abord que l’article 19 du décret 69/HDBDT sur la religion publié en mars 1991 prévoit l’approbation du gouvernement pour toute nomination d’évêque ou d’administrateur apostolique. C’est en vertu de cet article que la municipalité de Ho Chi Minh-Ville s’est opposée à la nomination d’un administrateur apostolique au mois de septembre 1993. Le communiqué établit ensuite la longue liste des « infractions » commises par Mgr Huynh Van Nghi, malgré l’interdiction d’exercer la fonction d’administrateur, qui lui a été plusieurs fois signifiée officiellement. Il a procédé à la nomination d’un vicaire général et d’un vicaire épiscopal, présidé des retraites, des réunions et des cérémonies, empêché les autres évêques de procéder à sa place à l’ordination de onze religieux et écrit trois lettres pastorales où il a attribué au gouvernement la responsabilité de la situation actuelle.

« On ne pouvait laisser mépriser la loi plus longtemps », estime alors le communiqué qui ajoute: « Les actions de l’évêque Huynh Van Nghi ( … ) constituent des infractions au décret 69 du Conseil des ministres, manquent au respect dû aux autorités municipales et auront une influence regrettable sur les traditionnelles bonnes relations entre les autorités municipales et l’archevêché ».

Cette affaire de l’administrateur apostolique constitue l’une des principales questions abordées au cours des entretiens. Il est probable que les négociateurs ont traité aussi du sort de Mgr Nguyên Van Thuân, archevêque coadjuteur en titre du diocèse de Hô Chi Minh-Ville, actuellement en exil à Rome, de la nomination d’évêques pour les divers sièges vacants au Nord comme au Sud, des modifications éventuelles à apporter aux relations actuelles entre l’Eglise catholique et l’Etat.

Depuis Hanoi, la délégation s’est rendue à Nhatrang. Il lui avait été spécifié avant le départ qu’elle ne pourrait aller jusqu’à Hô Chi Minh-Ville.