Eglises d'Asie

La controverse autour de la cathédrale de Pondichéry s’est amplifiée mais la manifestation hindouiste n’a pas eu lieu

Publié le 18/03/2010




Le 10 mars 1994, date intialement prévue pour la manifestation hindouiste, il ne s’est finalement rien passé à Pondichéry (7). Les forces spéciales de la police fédérale indienne patrouillaient dans la ville depuis deux jours. La veille, elles avaient pris la précaution d’arrêter dix-huit militants locaux de l'”avant-garde hindoue”.

Depuis plusieurs semaines, les autorités religieuses de l’archidiocèse de Pondichéry invitaient les catholiques à envoyer au gouvernement central à Delhi des lettres demandant que leur cathédrale soit protégée contre les attaques dont elle fait l’objet depuis quelques mois de la part de certains fondamentalistes hindous.

Le 22 février 1994, une délégation de catholiques de Pondichéry avait rencontré M. M. Chenna Reddy, gouverneur de Madras et administrateur de Pondichéry. Elle avait exprimé son inquiétude au sujet du projet de “deeparadhana”, ou veillée de prière aux flambeaux, prévu pour le 10 mars 1994, dans l’enceinte de la cathédrale, par la “Hindu Munnani”, ou “avant-garde hindoue”. Cette “avant-garde” est en fait une sorte de société secrète hindoue d’extrême-droite. Elle se donne pour but de rendre l’Inde aux Hindous et de rétablir le “royaume de Rama”. Pour cela, elle infiltre les administrations de l’Etat, particulièrement aux niveaux où se prennent les décisions importantes du gouvernement. Comme c’est le cas à Pondichéry, l'”Avant-garde hindoue” n’hésite pas à attiser les querelles religieuses.

Déjà, le 15 février 1994, devant le danger pour la paix religieuse de la ville, la police avait arrêté M. Kesavaperumal, vice-président local de la “Hindu Munnani”. Cette intervention policière avait alors provoqué les protestations du BJP ou “parti du peuple indien”, parti politique hindou d’extrême-droite qui, le 6 décembre 1992, a été à l’origine de la destruction d’une mosquée à Aydhoya, en Uttar Pradesh (8).

Le 25 février 1994, un groupe de citoyens importants de Pondichéry ont formé un comité de paix pour essayer de préserver la paix et l’harmonie dans leur ville. Le comité a lancé un appel aux hindous, leur demandant avec insistance d’abandonner leur projet de “deeperadhana”. Ancien juge principal de Pondichéry et membre de ce comité, M. Govindarajan rapporte que la demande a été faite aussi au premier ministre de l’Etat de Pondichéry d’inviter les représentants des chrétiens et des hindous à se rencontrer et à entrer en dialogue.

Par ailleurs, la fédération des associations de fonctionnaires de l’Etat s’est élevée contre le projet de la “Hindu Munnani”. Les partis politiques de gauche, communistes en tête, ont de leur côté sévèrement condamné l’attitude de l'”Avant-garde hindoue”, l’accusant de négliger les problèmes importants auxquels la population est affrontée, comme celui du coût de la vie. Les dirigeants politiques sont d’avis que, même si des erreurs ont été commises dans le passé, il est maintenant trop tard pour y porter remède. Selon eux, personne, pas même l'”Avant-garde hindoue”, n’a le droit de s’en prendre à des situations historiques. Les partis politiques de gauche reprochent aussi au gouvernement de Pondichéry de s’être cantonné dans le rôle de “spectateur silencieux” et d’avoir laissé pourrir la situation.

Finalement, le quotidien de Madras “Indian Express” a annoncé le 1er mars 1994 que l'”Avant-garde hindoue” avait décidé de renoncer temporairement à son projet de “deeparadhana”. Un de ses fidèles, M. Viswhalingam, aurait en privé brûlé du camphre et de l’encens dans l’enclos de la cathédrale le 8 février, et le groupe fondamentaliste considère que cet acte a suffisamment exprimé les sentiments de ses coreligionnaires. Les hindous et les “patriotes” sont invités à prier dans les temples de la ville, le 10 mars, jour prévu pour la manifestation. Le président de l’association, M. Rama Gopalan, affirme que son intention a seulement été d’attirer l’attention du public sur la destruction du temple hindou, “le 8 septembre 1748, par le gouverneur français Dupleix” et sur la construction d’une église “sur l’emplacement de l’ancien templeM. Rama Gopalan dit qu’il aurait aimé voir les “bons chrétiens” rendre volontairement l’emplacement de la cathédrale aux hindous au moment de l’indépendance indienne. Il s’inquiète du “flot continu des conversions au christianisme à Pondichéry depuis quelques années” et de la prétendue domination musulmane.

L’“Indian Express” commente: “Quoi qu’il en soit des explications données par l'”Avant-garde hindoue”, la véritable raison de la décision a été l’absence de mobilisation tant de la population locale que du BJP.” Selon l’auteur de l’article, l'”avant-garde” est relativement faible à Pondichéry et le BJP a perdu beaucoup de son assurance depuis sa défaite aux élections de novembre 1992 dans plusieurs Etats du nord de l’Inde.