Eglises d'Asie

Les nouveaux évêques choisis parmi les “dalits” veulent intensifier l’aide aux basses castes

Publié le 18/03/2010




Soixante pour cent des vingt-et-un millions de chrétiens du sud de l’Inde sont des dalits (foulés aux pieds), autrefois appelés “intouchables”. Exclus du système des castes, les dalits forment la catégorie la plus défavorisée de la population. Trois évêques de l’Inde du sud nommés depuis deux ans sont eux aussi dalits : Mgr Marampudi Joji, évêque de Khamman depuis mars 1992, Mgr Joannes Rorantla, à la tête du diocèse de Kurnool depuis le 23 décembre 1993, et Mgr Malayappan Chinnappa, salésien, nommé évêque de Vellore le 25 janvier 1994. Tous trois viennent de faire des déclarations à l’occasion de la réunion annuelle de la conférence des évêques catholiques de l’Inde.

Mgr Joji était auparavant directeur du service social du diocèse de Vijayawada. “La communauté dalit a une mémoire blessée, dit-il, l’Eglise doit les aider à s’en sortir par l’instruction, l’aide sociale et économique“. Dès sa nomination à Khamman, il a demandé à seize congrégations religieuses d’ouvrir des écoles pour les dalits dans son diocèse. L’Eglise est à son avis la mieux à même de donner aux dalits des écoles de villages, sans attendre que le gouvernement le fasse. “Il nous faut maintenant aller plus loin, amener les dalits à se tenir debout seuls et à parler pour eux-mêmes“.

Mgr Joannes Gorantla, 42 ans, enseignait la théologie dogmatique au séminaire régional Saint-Jean de Hyderabad. Le diocèse de Kurnool dans l’Inde du sud dont plus de soixante-dix pour cent des fidèles sont dalits, était sans évêque depuis juillet 1991. Sur cinquante-cinq prêtres, deux seulement étaient dalits. Deux factions de dalits militaient pour que l’un des deux soit nommé évêque. En 1992, des fidèles boycottaient les messes du dimanche pour protester contre la discrimination et exiger un évêque dalit. La nomination de Mgr Gorantla à la fin de 1993 a apaisé les esprits. “Mais il ne faudrait pas que cela devienne un précédent, observe-t-il. Je suis dalit, mais je ne puis approuver des mouvements de révolte. Il ne faut pas non plus que le clergé les provoque. Je suis extrêmement heureux du réveil en faveur des dalits qui se produit dans l’Eglise. Avant, l’Eglise était absorbée par d’autres soucis, elle ignorait la communauté des analphabètes et des pauvres. Son attitude a changé”. Mgr Gorantla veut donner la priorité d’une part à la formation de la foi dans le but de promouvoir des vocations chez les dalits et d’autre part à l’enseignement général. “Quand les gens connaîtront leurs droits, ils les obtiendront. Les dalits sont restés ignorés parce qu’ils manquaient eux-mêmes d’instruction“.

Mgr Malayappan Chinnappa, salésien, devenu évêque de Vellore le 25 janvier, confirme que l’Eglise a tardé à s’identifier avec “l’humanité souffrante des dalits”. Elle ne peut selon lui les aider qu’en “ressentant elle-même ce qu’ils ressentent, en sympathie avec eux“. Il travaillera pour l’élévation spirituelle et sociale des dalits comme des autres Je ne suis pas seulement l’évêque des dalits, je ne peux pas ignorer les autres fidèles. D’ailleurs, il faut systématiquement éliminer la différence entre les hautes et les basses castes “.

Président de la commission de la conférence épiscopale pour les basses castes et les minorités ethniques, Mgr Marianus Arokiasamy, archevêque de Madurai, qui n’est pas lui-même dalit, dit que l’Eglise doit donner aux dalits leur dû sans attendre qu’ils le demandent. Les évêques de l’Etat du Tamil Nadu ont alloué une somme de cinq millions de roupies (161 290 dollars américains) pour des bourses d’études à des dalits. Mais la position de l’Eglise en faveur des dalits irrite les hautes castes. Des représentants de celles-ci sont venus voir les évêques du Tamil Nadu réunis en janvier pour les exhorter à “ne pas succomber à la pression des dalits “. Mgr Arokiasamy qui rapporte ce fait note aussi que les dalits nuisent à leur cause quand ils choisissent l’intimidation et les affrontements.