Eglises d'Asie

Après le voyage de la délégation romaine à Hanoi, le Saint-Siège sort de son silence

Publié le 18/03/2010




Par la voix de Mgr Claudio Celli, dans une interview à radio Vatican du 8 avril 1994, et par le biais de certains informateurs officieux, le Vatican est enfin sorti de son silence au sujet de ses récents entretiens avec le gouvernement vietnamien. Voilà déjà plusieurs semaines que l’on attendait qu’il fasse connaître son appréciation sur les résultats obtenus par les représentants romains, Mgr Claudio Celli de la secrétairerie d’Etat et Mgr Nguyên Van Phuong de la congrégation pour l’évangélisation, au cours de leur séjour au Vietnam, du 6 au 13 mars dernier (7). Cette appréciation était attendue avec d’autant plus d’impatience que, depuis le retour à Rome de la délégation du Saint-Siège, le gouvernement vietnamien a, de son côté, multiplié communiqués et interviews sur les résultats « positifs » auxquels seraient parvenues les deux parties.

Dès le 13 mars, l’Agence vietnamienne de presse faisait savoir que le Vatican avait accepté de ne prendre de décision concernant l’Eglise catholique au Vietnam qu’après avoir reçu l’accord du gouvernement du pays (8). Le 17 mars, le porte-parole des Affaires étrangères, Mme Hô Thê Lan, annonçait que les autorités vietnamiennes avaient été informées par la délégation vaticane que Mgr F.X. Nguyên Van Thuân serait nommé à un poste au Vatican (9). Le prélat, archevêque coadjuteur de Saigon, nommé par Rome en 1975, n’a pu, depuis cette date, exercer ses fonctions, à cause de l’opposition du gouvernement qui l’a incarcéré pendant treize ans, puis forcé à l’exil à Rome où il réside actuellement. De source gouvernementale, on a aussi laissé entendre que le Vatican avait cédé aux arguments de Hanoi sur la question cruciale du diocèse de Saigon, puisque dans une interview donnée à l’Agence vietnamienne de presse et à « Dai Doan Kêt » (10), le directeur du Bureau des affaires religieuses auprès du gouvernement, M. Vu Quang, a déclaré: « Les deux parties se sont accordées pour que Mgr Binh reste à son poste en gardant la totalité de ses responsabilités et de sa juridiction ». Le responsable des Affaires religieuses à Hô Chi Minh-Ville a même confié a l’A.F.P. que le Vatican avait reconnu qu’il avait fait une erreur (11).

La récente interview (12) du chef de la délégation du Saint-Siège au Vietnam vient donc rétablir l’équilibre de l’information sur ce sujet et laisse apparaître des résultats moins flatteurs pour le gouvernement vietnamien, même si le haut responsable romain reconnaît que durant les quatre années écoulées depuis sa première visite au Vietnam, « des progrès ont été réalisés dans l’exercice de la liberté religieuse en ce pays ». Cependant, pour le prélat romain, « il reste un long chemin à parcourir avant de pouvoir affirmer que l’Eglise catholique au Vietnam jouit de l’entière liberté religieuse », une liberté qui, selon lui, ne devrait pas se réduire à la liberté de culte, mais comporter aussi la possibilité de créer des associations, des oeuvres éducatives et caritatives …

Au sujet des nominations d’évêques et des consultations préalables entre les deux parties, Mgr Celli a été sans ambiguïté: « Le Saint-Siège répète chaque fois son désir de pouvoir nommer librement des évêques ». Il a ajouté:  » C’est donc à contre-coeur que le Saint-Siège soumet le nom du candidat à la considération du gouvernement vietnamien avant la nomination par le souverain pontife; cette procédure ne lui fait pas plaisir, mais l’actuel état des choses ne lui laisse pratiquement pas d’autre choix. C’est vrai que dans certains pays, le Saint-Siège communique à l’avance aux autorités gouvernementales, le nom du futur évêque, mais sans que cela comporte un droit de veto de la part de cet Etat ».

Pour ce qui concerne Mgr François-Xavier Nguyên Van Thuân, Mgr Celli a déclaré qu’il continuera à garder la fonction de coadjuteur de Hô Chi Minh-Ville. Il a aussi rappelé que, depuis que les autorités « l’ont invité à quitter son pays, le Saint-Siège a très souvent protesté à ce sujet » parce qu’il tient « la mesure prise contre lui comme une injustice manifeste ». Dans le futur, le Saint-Siège qui connaît bien les grandes qualités intellectuelles et morales de cet évêque lui confiera une fonction à l’intérieur de la curie romaine.

Enfin, de nombreux renseignements supplémentaires concernant le climat des entretiens ainsi que les points d’accord et d’achoppement entre les deux parties ont été apportés par un compte rendu général du voyage de la délégation, que nous présentons en annexe de ce numéro. Ce document qui provient d’une source religieuse vietnamienne proche du Vatican a été publié dans la revue de langue vietnamienne « Muc Vu » (Pastorale), publiée en Suisse.