Eglises d'Asie

Hongkong : brutale opération de police dans un camp de réfugiés vietnamiens

Publié le 18/03/2010




Dans la nuit du jeudi 7 avril 1994, les autorités du territoire ont lancé une violente et soudaine opération de police contre le camp de Whitehead (17) où réside une grande partie des 20 000 demandeurs d’asile vietnamiens de Hongkong : environ 15 000 d’entre eux y sont entassés. L’opération visait plus spécialement les 1 500 pensionnaires de la section 7 du camp, choisis pour être transférés au camp de “High Island”. Il y avait 421 enfants, 525 femmes et 510 hommes.

En pleine nuit, vers deux heures, soixante-dix véhicules transportant 1 200 membres des forces de police, munis d’un équipement anti-émeute, ont fait irruption dans le camp. Aux alentours de six heures du matin, les forces de l’ordre se sont avancées vers la section 7. Une demi-heure plus tard, les premières grenades furent jetées en direction des pensionnaires des baraquements. Cette première attaque réussissait à “persuader” un millier de réfugiés de faire leurs bagages et de se porter volontaires pour leur transfert. Cependant, dès les premiers tirs, environ trois cent d’entre eux, parmi lesquels de nombreux enfants, se sont réfugiés sur les toits des baraques. Des premières négociations ayant échoué, les tirs de grenades lacrymogènes ont repris après 10 heures du matin pendant plus d’une demi-heure. Après avoir résisté près de cinq heures et essuyé le tir de 250 grenades lacrymogènes, les derniers résistants, les yeux rougis par les gaz, se sont finalement rendus aux forces de l’ordre.

Selon les déclarations du chef des services correctionnels, M. Eric McCosh, l’opération avait été soigneusement préparée depuis déjà plusieurs semaines (18). Elle aurait eu pour but de désamorcer la terrible tension qui règne dans le camp depuis la décision prise à Genève en février 1994, à l’issue de la Conférence pour les réfugiés d’Indochine, prévoyant de vider les camps de Hongkong avant la fin de 1995 et, pour cela, de procéder au rapatriement forcé des derniers demandeurs d’asile vietnamiens.

On a été étonné par les déclarations du chef de mission du Haut-Commissariat aux Réfugiés, Jahanshah Assadi, rejetant toute la faute sur les pensionnaires du camp qui, selon lui, auraient provoqué l’action du gouvernement: “S’ils ne mettent pas un terme à leurs grèves de la faim, à leurs manifestations, ils forceront le gouvernement à prendre des mesures radicales”, a-t-il déclaré. Est-il besoin de rappeler que, malgré les armes sommaires prétendument découvertes dans les camps, l’attaque policière répondait non à des manifestations violentes mais à des grèves de la faim ne mettant en péril que la vie des intéressés? Le mouvement s’était intensifié les jours précédant l’attaque et la presse de Hongkong du 5 avril (19) signalait que les grévistes de la faim étaient 169 à High Island, 119 à Whitehead et 72 à Tai A Chau. 24 d’entre eux avaient été hospitalisés d’urgence. Les manifestations des pensionnaires des camps s’étaient aussi multipliées depuis l’annonce de la prochaine fermeture des camps, mais étaient toujours restées strictement non violentes.

En réalité, l’attaque de jeudi 7 avril fait partie d’une stratégie d’intimidation mise en oeuvre, depuis déjà quelque temps, pour forcer les pensionnaires au rapatriement. Dans ce même camp de Whitehead, les autorités du territoire avaient, le 27 mars précédent, organisé une démonstration de force, faisant pénétrer dans les baraquements 300 policiers armés de fusils et de grenades lacrymogènes (20). Le porte-parole de l’organisation “Refugees’ Concern”, Robert Brok, qui a rapporté cet incident avait déclaré alors: “Cet incident a véritablement terrifié les boat-people”.

Dans le cadre de cette même campagne d’intimidation, le 29 mars, un réfugié, M. Dang Hoang Ha, avait été brusquement transféré dans un camp des Philippines (21), au lieu d’attendre sur place son départ aux Etats-Unis où il a obtenu l’asile. Il était président du comité de lutte des réfugiés et avait pris la tête des récentes manifestations de protestation du camp de Tai A Chau. Journaliste bien connu dans son pays, il était arrivé à Hongkong en 1990, fuyant la police vietnamienne qui le recherchait pour ses relations avec l’homme d’affaires américain, Michael Morrow, emprisonné au Vietnam, pendant trois semaines en avril 1990 (22). Son passé de dissident lui avait obtenu le statut de réfugié politique.

La radio de Hongkong a annoncé, le 13 avril 1994, que 200 Vietnamiens ont été blessés au cours des incidents de la semaine précédente. Le gouverneur, M. Christopher Patten, a donné l’ordre de faire toute la lumière sur l’affaire.