Eglises d'Asie

Des pasteurs et des chrétiens Batak accusent un chef militaire et leur propre évêque

Publié le 18/03/2010




Le 6 juin, à Jakarta, deux cent-vingt pasteurs et une centaine de chrétiens laïcs de l’Eglise protestante Batak ont manifesté devant l’assemblée nationale. Des députés, membres tant du parti Golkar au pouvoir que du parti démocrate indonésien, ont reçu une délégation. Au nom des membres de leur Eglise qui n’ont pas accepté le synode tenu en 1992 sous l’égide de l’armée et qui restent fidèles au révérend Nababan, dépossédé de sa charge épiscopale par ce synode (11), les manifestants ont dit que, depuis dix-huit mois, 220 pasteurs et chrétiens ont été enlevés, torturés et détenus par les forces de sécurité, sans aucune procédure légale, à cause de leur loyalisme envers l’ancien évêque.

Ils ont demandé que le général R. Pramono, ancien commandant militaire de la région nord de Sumatra, fût poursuivi pour être intervenu dans les affaires internes de l’Eglise Batak, pour avoir désigné un évêque intérimaire à la place du Révérend Nababan et convoqué le synode qui a mis Mgr Simanjuntak à la tête de l’Eglise Batak.

Dans une déclaration écrite préparée à l’avance, les manifestants ont aussi réclamé une action judiciaire contre Mgr Simanjuntak et son secrétaire général Siahaan pour leurs atteintes aux statuts de leur Eglise et leur responsabilité dans les violences des derniers mois. “Avec le soutien et, en tout cas, au vu et au su des forces de la sécurité, affirment les signataires de la déclaration, l’évêque Simanjuntak nommé par les militaires a constitué sa propre milice qui intimide, torture, terrorise et assassine les membres de l’Eglise qui s’opposent à luiLes manifestants ont conclu en demandant au gouvernement de permettre la tenue d’un autre synode pour l’élection d’un nouvel évêque, qui serait le moyen de mettre fin à l’état de violence qui déchire leur congrégation, la plus grande communauté protestante d’Indonésie.

De fait, depuis dix-huit mois, beaucoup de troubles ont éclaté partout où les partisans de Simanjuntak et ceux de Nababan ont essayé de prendre le contrôle des églises et des propriétés ou de les défendre. La violence s’est surtout concentrée dans les régions du nord de Sumatra, d’où l’Eglise Batak est originaire. Mais c’est à Bandung (Java) que le 12 mai dernier, quelque 400 partisans de Simanjuntak ont envahi une église occupée par les fidèles de Nababan. Il y a eu des centaines de blessés et d’importants dégâts matériels.

Le 14 mai, à Tarutung, selon un rapport de l’institut indonésien d’assistance légale, un groupe d’individus en uniformes de l’armée et de la police ont pénétré sans mandat chez le révérend R. Hutahean et, sous prétexte de réunion illégale, l’ont arrêté ainsi que les pasteurs Nelson Siregar et J. Simangunsong et un militant laïc présents chez lui. Les quatre personnes ont été emmenées et leurs familles n’ont retrouvé leur trace que deux jours plus tard dans un hôpital de la police de Médan où, accompagnées d’un avocat elles tentèrent en vain de les voir. Il ressort d’un rapport transmis ensuite par la communauté chrétienne que les trois pasteurs et le laïc ont été battus à coup de bottes, de matraques et de barres de fer. Le révérend Nelson Siregar qui s’est joint à la manifestation du 6 juin à Jakarta a dit en montrant ses blessures C’est la première fois en Indonésie qu’une Eglise est persécutée. J’en suis très triste. Je suis venu ici parce que nous ne sommes plus en sécuritéD’autres pasteurs disent qu’ils ont fui Sumatra depuis qu’une nouvelle milice composée de mercenaires et d’hommes de main terrorise les chrétiens, incendient les maisons et les églises.

Le chef des forces armées d’Indonésie, le général Feisal Tanjung, a déclaré devant une commission parlementaire que l’évêque P.W.T.Simanjuntak ne bénéficie d’aucun soutien officiel. L’audience que lui a accordée le président Suharto ne signifie pas, a assuré le général, que le gouvernement reconnaît un groupe plutôt qu’un autre, car le gouvernement et l’armée ne cessent d’appeler les deux parties à faire la paix.