Eglises d'Asie

REGARD SUR LA CONFERENCE EPISCOPALE INDIENNE Une interview de Mgr Angelo Fernandes, ancien archevêque de Delhi

Publié le 18/03/2010




La conférence épiscopale indienne a cinquante ans : Pouvez-vous nous parler de son origine et de son développement ?

L’idée avait germé pour la première fois en 1921, à la conférence de Madras-Mylapore et elle fut acceptée. La CBCI (1) a été ensuite établie en 1944 lors de la Conférence des archevêques métropolitains. Après cela, le comité permanent qui avait été élu s’est réuni tous les ans et des rapports ont été produits sur les activités des diverses commissions qui avaient été créées. Au cours des années, ces commissions se sont développées, pour finalement toucher à tous les aspects de la vie interne de l’Eglise. En 1950, lors du premier concile plénier de Bangalore, la CBCI a été formellement ratifiée par la hiérarchie entière.

Quels sont ses buts, ses objectifs ?

Depuis le tout début, sa vocation a été de faciliter une action commune dans les domaines qui affectent ou risquent d’affecter la vie de l’Eglise catholique en Inde. Cette communauté d’action doit être comprise comme allant de pair avec ce fait que c’est l’évêque, avec sa communauté, qui est responsable de la proclamation de la Bonne Nouvelle dans son propre diocèse.

Qu’est-ce qui a amené la hiérarchie indienne à penser à une structure nationale permanente?

La CBCI est l’une des premières conférences épiscopales au monde. Etablie vingt ans avant le Concile Vatican II, elle voulait essayer de faire ce que les conférences épiscopales déjà existantes à l’époque s’efforçaient de réaliser. Avec le concile Vatican II, il est devenu obligatoire d’établir des conférences épiscopales. D’une certaine manière, par conséquent, on peut dire que les évêques de l’Inde ont montré le chemin à l’Eglise universelle.

Quels ont été les premiers soucis de la CBCI, cette conférence de pasteurs?

Dès le premier jour, la CBCI s’est préoccupée de l’injustice dont souffraient les chrétiens d’origine “harijan” ou aborigène (2) et au cours des années elle a continué de s’en préoccuper. Elle a encouragé les leaders laïcs et l’Union catholique panindienne dans leurs efforts pour rechercher des solutions à des problèmes tellement difficiles. Nous l’avons vu lors de la tristement fameuse affaire du rapport de la commission Nyogi, qui a déclenché une vague de projets de lois anti-conversions. Les avantages d’une action commune semblable à celle-ci ont été évidents lors de l’affaire du projet de loi sur l’éducation au Kérala. A part cela, la CBCI travaille depuis de nombreuses années à mettre au point les lois sur le mariage (3).

Pouvez-vous nous rappeler quelques moments importants dans l’histoire de la CBCI?

En 1960, l’organisation charitable “Catholic Charities India” était lancée à Delhi. A l’époque, son principal souci était d’apporter une aide ponctuelle. Et jusqu’à un certain point elle voulait être une organisation d’aide sociale. A deux reprises, la CBCI a remis les choses en perspective. Par la suite, on s’est lancé dans des activités de développement. Après le Concile, Caritas a commencé à se préoccuper des questions de justice. Les pauvres, sans distinction de caste ni de religion, ont pris conscience de leurs droits fondamentaux et de leur dignité : c’est un résultat considérable. Et cela, bien souvent, s’est fait à la grande déconfiture de toutes sortes d’intermédiaires plus préoccupés d’eux-mêmes et de leurs affiliations politiques.

Les évêques, et leurs collaborateurs avec eux, membres du clergé, religieux, laïcs, ont mis en avant l’option préferentielle pour les pauvres. La fondation de la faculté de médecine et de l’hôpital St John à Bangalore a beaucoup aidé dans ce sens. Ceci en particulier grâce à l’obligation qui a été faite aux jeunes médecins de servir dans les campagnes avant de recevoir leur diplôme.

Vous dites que, très tôt, les évêques se sont préoccupés en priorité des pauvres. Concrètement, quelle a été l’action de la conférence épiscopale?

Caritas-India, qui est placée sous l’autorité de la hiérarchie, est une opération importante qui veut répondre à toutes sortes d’urgences. Elle essaie de former clergé, religieux et laïcs, pour le service de ceux qui sont affectés par le sous-développement et la pauvreté. De toute évidence, on pourrait faire beaucoup plus s’il existait une plus grande coopération entre le gouvernement et l’Eglise dans ces domaines. Mais, pour des raisons connues de tous, nous n’en sommes encore qu’au stade des souhaits.

Le problème des castes est toujours à l’arrière-plan. De nos jours, nous entendonts davantage parler des problèmes que les divisions de castes ont créés parmi les chrétiens: comment la CBCI y fait-elle face?

La CBCI s’est préoccupée de ce problème des castes, mais peut-être pas suffisamment. Récemment, elle a bien fait savoir qu’elle en est consciente. Au cours de ses assemblées, la CBCI a mis l’accent sur des problèmes voisins: celui de l’émancipation des femmes, celui du travail non organisé en particulier des enfants et des employés domestiques. La CBCI n’a pas de pouvoir executif, elle ne peut que donner une inspiration. Pour cette raison, la plus grande partie du travail évangélique doit se faire au niveau local. Les problèmes qui affectent le pays dans son ensemble ou même la communauté internationale intéressent plus directement la CBCI. Il y a beaucoup à faire dans ces domaines et particulièrement du fait que les laïcs peuvent davantage participer à la promotion des valeurs évangéliques au sein des gouvernements et dans la vie politique, dans les communications et d’une manière générale dans le domaine profane.

Vous avez dit il y a un moment que la CBCI avait été l’une des premières conférences épiscopales au monde et que par conséquent elle avait joué un rôle de leader : pouvez-vous mentionner d’autres domaines où la CBCI aurait été leader pour le monde?

Elle a joué un rôle de premier plan dans la fondation et le fonctionnement de la FABC (3). Elle a donné des leaders aux évêques de l’Asie : on peut le constater dans ce fait que les évêques de l’Inde participent régulièrement à la mise en oeuvre de synodes successifs des évêques. On a pu le voir au cours du synode de 1971 sur la justice dans le monde. La CBCI a aussi tenu un rôle de leader aussi dans le domaine du dialogue interreligieux. Radio-Veritas, qui est étroitement associée avec la CBCI, est un autre exemple de ce qui a pu être fait sur le plan de l’évangélisation.