Eglises d'Asie – Divers Horizons
Boat people vietnamiens: la résistance des réfugiés au rapatriement ne cesse de s’intensifier
Publié le 18/03/2010
Le 15 juin dernier, en effet, a été rendu public le rapport sur la désastreuse opération policière menée contre les pensionnaires du camp Whitehead dans la nuit du 7 avril 1994 (31). Même s’il a quelquefois escamoté les responsabilités au plus haut niveau, le rapport, élaboré par l’avocat Andrew Li et le professeur David Todd, a fait preuve d’un réelle honnêteté pour tout ce qui concerne la matérialité des faits et leur déroulement. L’utilisation de grenades lacrymogènes, le recours à la force brutale, le refus de négocier avec les pensionnaires du camp ont sévèrement été critiqués. Mais surtout, la publication du rapport met en lumière la totale inutilité des méthodes violentes destinées à intimider les réfugiés. Cette attaque policière a, au contraire, renforcé les demandeurs d’asile dans leur conviction d’être avant tout les victimes d’une répression émanant aussi bien du gouvernement de leur pays que des autorités internationales. En fin de compte, les incidents du 7 avril ont eu pour résultat de diminuer considérablement le nombre de candidats au rapatriement et de durcir l’esprit de résistance des réfugiés. Certains sociologues ont noté un autre signe de la bonne santé psychologique et de l’extraordinaire confiance en la vie des pensionnaires des camps, à savoir la proportion annuelle des naissances qui y est anormalement élevée. Alors qu’elle est de douze pour mille pour le territoire de Hongkong, elle a été, en 1993, de quarante pour mille dans les camps de réfugiés (32). Malgré tous les incidents qui ont marqué la vie des camps depuis le début de l’année 1994, plus de 340 enfants sont venus grossir la population des réfugiés au cours des cinq derniers mois.
Au début du mois, Cet esprit de résistance des réfugiés avait été mis en évidence à Hongkong par des manifestations, des grèves de la faim et des auto-mutilations. En Indonésie, deux demandeurs d’asile s’étaient immolés par le feu et au moins six autres avaient tenté de se donner la mort en s’éventrant. Aujourd’hui, le calme est revenu, mais les esprits restent résolument opposés au rapatriement. Cette résolution n’est pas entamée par l’annonce de l’abandon prochain de certaines mesures économiques susceptibles de favoriser le rapatriement, annonce sans doute destinée à précipiter le départ au pays. A la fin du mois d’août, la communauté européenne va mettre un terme au programme de prêts consentis aux boat people retournés au pays afin qu’ils puissent réussir leur réinsertion (33). Dès la fin du mois de juillet, les demandes d’aide cesseront d’être acceptées.
Les diverses instances intéressés essaient donc aujourd’hui de relancer le mouvement de retour volontaire au pays par d’autres méthodes. Elles le font avec quelquefois une certaine irritation pour ceux qu’elles accusent de mettre de l’huile sur le feu. Les gouvernements occidentaux et asiatiques réunis à Bangkok au début de l’année ont même souhaité, pour la première fois publiquement, que soient menées des actions concrètes contre ceux qui dans les camps militent contre le rapatriement. Un membre du Haut commissariat à Hanoi a accusé certains groupes extérieurs aux camps de réfugiés d’organiser et coordonner la résistance au rapatriement chez les demandeurs d’asile déboutés. Selon lui, des groupes de pression se sont formés, spécialement aux Etats-Unis, qui mènent campagne au nom des demandeurs d’asile encore bloqués dans les pays de premier asile.
Le gouvernement vietnamien, selon les déclarations de M. Tran Van Thinh du consulat vietnamien à Hongkong (34), envisagerait d’envoyer dans les divers camps de réfugiés du Sud-Est asiatique quelques-uns des 62 000 boat people déjà retournés au pays depuis 1989. Ils auraient pour mission de faire valoir auprès des 56 000 de leurs compatriotes encore dans les camps, les rapides progrès accomplis au Vietnam et les encourager à regagner leur pays.
Quoi qu’il en soit de cette suggestion vietnamienne, la proximité des échéances va obliger les autorités responsables des camps de réfugiés à prendre de nouvelles initiatives dans les jours qui viennent. Il est probable aussi que les demandeurs d’asile ne quitteront pas les camps de leur plein gré.