Eglises d'Asie

Pour répondre aux mutations de la famille coréenne, l’Eglise veut promouvoir une “culture du respect de la vie”

Publié le 18/03/2010




En Corée du Sud, la plupart des familles sont tiraillées entre deux influences: le système familial traditionnel et le mode de vie moderne qui instaure des relations d’un type nouveau, une nouvelle distribution des rôles.

La famille traditionnelle était dominée par les hommes : le père, le frère aîné, maillons de la chaîne des générations. A cet égard, les réalités socio-politiques ont favorisé l’influence du confucianisme puisque, après l’invasion japonaise de 1592 et la guerre mandchoue de 1636 qui plongèrent le pays dans le marasme économique et le désordre, les familles furent incitées à adopter les rites confucéens, surtout ceux du mariage et des funérailles, pour restaurer l’idée nationale. Présidés par les hommes, ces rites ont accentué la différence de statut entre hommes et femmes. Dans une Corée terrienne et féodale, où la propriété et la richesse se transmettaient du père au fils, avoir des garçons était chose essentielle et le chef de la famille, père ou fils aîné, avait une autorité absolue. La répartition du travail à la maison se faisait donc en fonction du sexe. Ce système traditionnel se prolongeait au delà de la mort, par le biais du culte des ancêtres. Il était du devoir de chacun de commémorer et d’honorer ses parents défunts par des rites religieux aux anniversaires de leur naissance et de leur mort, sous peine d’encourir la honte et le malheur.

Le vingtième siècle n’a pas été tendre pour cette famille coréenne traditionnelle. Après une longue période coloniale, la Corée est devenue indépendante du Japon, mais elle a presque aussitôt été divisée en deux par un conflit idéologique. Cette division et la guerre qui a suivi ont détruit la paix et la stabilité de la famille. L’industrialisation et la modernisation des années 60 et 70 lui ont fait subir aussi des changements en profondeur. Les besoins de main d’oeuvre de l’industrie ont modifié jusqu’à la structure de la famille. Lorsque les paysans ont abandonné l’agriculture et quitté le village de leurs ancêtres pour chercher un travail à la ville, leurs racines ont été coupées, leurs liens familiaux brisés. La famille s’est réduite à un petit noyau (la famille “nucléaire” des sociologues). Le nombre des enfants a diminué à mesure que les femmes sont devenues plus instruites et ont pris un emploi à l’extérieur, sous l’effet aussi des campagnes lancées par le gouvernement à partir des années 70 pour faire baisser le taux des naissances.

A ce type de famille “nucléaire” beaucoup doivent de connaître davantage de démocratie à la maison. La vie de la famille n’est plus dominée par la relation père-fils. Les couples tendent à avoir des relations plus étroites. Si les liens avec la parenté se sont distendus, la famille de l’épouse, autrefois totalement ignorée, jouit désormais de la même estime que celle du mari. Toute trace de féodalisme n’a pas pour autant disparu. A la maison, la division du travail dépend encore plus ou moins du sexe. La législation de la famille est plus favorable aux hommes, elle crée encore des problèmes aux femmes en matière de formalités de mariage, de transmission des biens.

A une époque de mutations sociales accélérées, la famille traditionnelle ne peut évidemment pas se perpétuer. Mais admettre la famille de type nucléaire comme la solution serait aussi déraisonnable. Il faut qu’une famille d’un modèle nouveau apparaisse. C’est ce modèle nouveau, qui supprimera toute discrimination – féodale, sexuelle – et ouvrira le foyer sur la vie de la communauté et sur les autres, que l’Eglise de Corée appelle aujourd’hui à construire. Dans ses documents des années précédentes et de la présente année internationale de la famille, elle signale les progrès d’une conception matérialiste, qui aboutit au refus de la vie. Elle relève le dédain de la piété filiale, jadis clef-de-voûte de la société coréenne pénétrée de confucianisme. Elle dénonce les progrès de la contraception, de la stérilisation, du nombre des divorces, celui des avortements qu’elle estime à un million et demi chaque année en Corée du sud. Profondément inquiète de ces conduites négatrices de vie, l’Eglise de Corée s’efforce, en éduquant ses fidèles dans la foi, de promouvoir une culture nouvelle, fondée sur le respect de la vie.