Eglises d'Asie

Annulation du voyage d’une délégation australienne enquêtant sur les droits de l’homme au Vietnam

Publié le 18/03/2010




Le 5 juin 1994, depuis Varsovie où il était en visite officielle, le ministre des Affaires étrangères australien a annoncé l’annulation du voyage au Vietnam que devait effectuer une délégation parlementaire de son pays (13). Celle-ci devait prendre le départ le jour-même et avait l’intention de s’informer sur l’état des droits de l’homme dans un pays dont les relations commerciales avec l’Australie ne cessent de s’étendre. La décision du gouvernement australien a été motivée par le refus vietnamien d’accorder le visa à un des membres de la délégation, d’origine vietnamienne, M. Quang Luu, responsable de service à la S.B.S., station radiophonique australienne. Peu de temps auparavant, les autorités vietnamiennes avaient pris l’initiative de réduire très considérablement le programme des activités prévues pendant le séjour de la délégation sur leur territoire. Il comprenait des visites à une prison, un court séjour dans une minorité ethnique, des entretiens avec le personnel de certains ministères et de cours de justice, ainsi que des rencontres avec le Bureau des affaires religieuses et divers comités populaires.

La décision vietnamienne de refuser l’accès de son territoire à M. Quang Luu semble avoir été motivée par une interview accordée par celui-ci à la B.B.C de langue vietnamienne, le 27 juin précédent. Il y avait exprimé le désir de la délégation d’enquêter sur la situation des droits de l’homme et de rencontrer un certain nombre de prisonniers politiques bien connus.

Selon beaucoup d’observateurs, cette annulation revêt une relative importance. Un certain nombre de pays, dont les Etats-Unis, et beaucoup d’organisations des droits de l’homme, parmi lesquelles « Amnesty International », « Asia Watch » attendaient avec beaucoup d’intérêt les résultats de l’enquête sur les droits de l’homme que devait réaliser la délégation, à cause des circonstances qui avaient fait naître ce projet de voyage. Voilà en effet plus de 14 mois qu’il avait vu le jour. Son principe avait été accepté à contre-coeur par le premier ministre vietnamien, Vo Van Kiêt, lors de son premier voyage en Australie. La question des droits de l’homme y avait été constamment à l’ordre du jour, aussi bien dans les entretiens avec les dirigeants du pays que dans la rue où quelques-uns des 130 000 Vietnamiens exilés dans ce pays avaient bruyamment manifesté (14). Le dirigeant vietnamien avait alors suggéré que l’on vienne étudier la question sur place, invitation immédiatement acceptée par ses interlocuteurs.

C’est peut-être une certaine irritation à ce sujet qui animait les responsables vietnamiens, lorsque, quelque temps plus tard, au mois d’août, ils refusaient au cardinal Clancy, archevêque de Sydney, de passage à Hanoi, l’autorisation de célébrer la messe à la cathédrale. Lui aussi avait auparavant plaidé la cause de la liberté religieuse devant le gouvernement (15).

Lors de sa visite officielle au Vietnam du 10 au 13 avril 1994 (16), le premier ministre australien, Paul Keating, au cours de rencontres au plus haut niveau, avait mis au point, dans ses grandes lignes, la composition et la mission de cette délégation d’enquête sur les droits de l’homme, à laquelle le gouvernement australien semblait attacher beaucoup d’importance.

Après l’annulation, la partie australienne a fait valoir que cette visite voulait seulement favoriser l’ouverture du Vietnam à une critique constructive. L’attitude vietnamienne a été considérée comme outrancière par le ministre des Affaires étrangères qui voit dans cette annulation un revers pour les relations entre les deux pays. L’incident ne devrait cependant pas trop les affecter.