Eglises d'Asie

L’écart entre les riches et les pauvres ne cesse de s’accroître

Publié le 18/03/2010




Alors que l’évolution de la société vietnamienne est de plus en plus marquée par les diktats de l’économie concurrentielle et la disparition des idéaux communautaires de l’ancienne idéologie sociale, les autorités civiles, mais aussi, pour des raisons différentes, les dirigeants religieux, les responsables des Eglises chrétiennes, tout comme les hauts dignitaires bouddhistes (8), s’inquiètent de voir se creuser toujours plus profond l’écart entre riches et pauvres. Le prochain lancement d’une enquête nationale sur les ressources familiales portant sur 12 millions de foyers, annoncée par le quotidien du Parti, le Nhân Dân du 6 juillet 1994, témoigne que cette inégalité des revenus préoccupe gravement le pouvoir politique qui y voit la source possible d’un déséquilibre qui pourrait menacer gravement la « stabilité politique » qu’il s’évertue à maintenir depuis la dislocation du système communiste mondial.

L’opinion vietnamienne a été très troublée en prenant connaissance du dernier rapport annuel produit par l’Office général de la statistique, organe d’Etat. Ce compte-rendu chiffré de la situation socio-économique pour l’année 1994 est considéré comme un document officiel. Bien que paru au mois de décembre 1993 (9), il n’a été que récemment porté à la connaissance du grand public et de la presse, où il suscite des commentaires nombreux.

Ce rapport fait état d’une enquête sur les ressources familiales, réalisée par l’Office au mois d’août 1993, qui avait pour objectif d’analyser la répartition des pauvres et des riches à l’échelle de tout le territoire. S’appuyant sur les niveaux de vie et sur les conditions économiques actuelles du pays, cette étude a classé les familles vietnamiennes en quatre catégories: riche, aisée, moyenne et pauvre. La famille est classée riche lorsque le revenu moyen mensuel par individu y dépasse les 300 000 dôngs (150 F), aisée entre 300 000 et 150 000 dôngs (75 F), de niveau moyen entre 150 000 et 40 000 dôngs (20 F), pauvre au dessous de 40 000 dôngs (10). Les critères fixés pour mesurer la pauvreté ou la richesse paraissent d’un niveau excessivement modeste, mais, en réalité, ils sont relatifs à la situation économique générale d’un pays où le kilo de riz coûte autour de 2 400 dôngs et le prix d’un kilo de porc entre 7 300 et 15 000 dôngs (11).

Les résultats de l’enquête sont éloquents et donnent une bonne image de la répartition géographique des ressources familiales. Sur le plan national, 17,73 % des familles sont en dessous du seuil de pauvreté. 33,71 % des familles recensées dans les minorités ethniques appartiennent à cette catégorie. Elles sont aussi nombreuses au Nord et au Centre-Vietnam où l’on considère que 20,91 % des foyers doivent être classés comme pauvres. Au Sud, la proportion des familles pauvres n’est que de 6,34 %.

Les familles de « niveau moyen » constituent à peu près la moitié de la population globale (50,80 %). Ce type de famille est plus nombreux au Nord et au Centre (55,14 %) qu’au Sud (37,14 %) où les familles dites aisées représentent 44,30% de la totalité des familles, alors qu’elles ne constituent que 21,76 % des familles du Nord et du Centre. Les riches sont plus nombreux au Sud. 12,2 % des familles du Sud sont à ranger dans cette catégorie. Elles ne représentent que 2,16 % du total des foyers au Nord et au Centre.

Parallèlement à cette évolution, on note aussi une accentuation de la différence de ressources entre la campagne et la ville. Pour l’année 1993, le revenu individuel annuel en milieu rural était de 100 dollars, alors que ce revenu était de 220 dollars pour l’ensemble du pays. Le numéro du Nhân Dân, mentionné plus haut, faisait état d’une enquête partielle sur les ressources familiales en milieu rural récemment réalisée dans sept provinces. Elle portait sur 7 000 familles et concluait que plus de la moitié de ces familles vivaient au-dessous du seuil de pauvreté. Cette situation économique des familles rurales est d’autant plus étonnante que, depuis cinq ans déjà, la production agricole n’a cessé d’augmenter. Le Vietnam qui a produit 20 millions de tonnes de riz en 1993, vient d’augmenter de 5,2 % ses exportations de riz pour la première moitié de l’année 1994.

Loin des campagnes besogneuses, au coeur des villes apparaît aujourd’hui une classe de nouveaux riches, dont les ressources sont souvent dues à la spéculation. La presse vietnamienne a fait récemment état du soudain enrichissement des riverains du grand lac de Hanoi. Le prix du terrain y a plus que triplé en trois ans pour atteindre jusqu’à 5 500 francs le mètre carré. Pour augmenter la surface de terrains disponibles, les riverains ont même commencé à combler une partie du lac (12).