Eglises d'Asie

Certains milieux catholiques critiquent vigoureusement le gouvernement

Publié le 18/03/2010




On aurait pu penser que les dirigeants actuels séduits par le libéralisme économique seraient d’accord avec leurs opposants traditionnels pour laisser l’idéologie officielle du régime se dissoudre lentement dans l’indifférence générale, remplacée peu à peu par la nouvelle panacée à savoir « la lutte contre l’évolution pacifiqueencore appelée « maintien de la normalité politique » (ôn dinh chinh tri »). Voilà néanmoins que, des deux côtés, certains refusent cette évolution en pente douce. Le fer est engagé et le débat est déjà vigoureux. Tandis qu’au plus haut niveau, le principal dirigeant du Parti vient d’essayer d’épousseter les vieux dogmes, un certain nombre de dissidents s’acharnent de leur côté à ruiner les fondements idéologiques de la République socialiste du Vietnam (15). Certains d’entre eux sont issus des milieux catholiques et bien connus comme le P. Etienne Chân Tin ou M. Nguyên Ngoc Lan (16).

C’est le secrétaire général du Parti communiste vietnamien, M. Dô Muoi, qui a donné le signal du combat dans un discours prononcé lors d’une réunion de cadres organisée à Hanoi par le secrétariat général du parti. Il y faisait l’apologie sans nuance de la doctrine marxiste léniniste pure et dure, y compris dans ses excès staliniens. Le discours largement diffusé à Saigon a provoqué de nombreuses réactions, en particulier une vigoureuse réponse du P. Chân Tin diffusée sous forme de polycopié à Saigon (17). Elle aussi est brutale et ne s’accommode pas de subtilités. D’une façon tout à fait compréhensible, le secrétaire général du Parti refusait de tenir pour rien les valeurs qui ont fait vivre son parti depuis 1930. Le P. Chan Tin refuse lui aussi de les tenir pour négligeables, y voyant la cause profonde de l’injustice et du malheur de la société vietnamienne.

Dans son discours M. Dô Muoi appelle les membres du parti « à maintenir fermement le concept de classe et de lutte de classeLe P. Chân Tin s’interroge: « De quelle classe s’agit-il? » Certainement pas de la classe laborieuse, mais de la classe des mandarins de la révolution qui n’a cessé d’opprimer les vrais travailleurs. M. Dô Muoi parle des nombreux mérites du Parti communiste vietnamien « qui a libéré la classe ouvrière, le peuple travailleur, qui a éliminé la joug de la domination de l’oppression et apporté la liberté et le bonheur à tous les hommesLe P. Chan Tin affirme qu’il ne l’a libéré de ces fardeaux que pour le charger d’un autre, bien plus lourd et bien plus sévère. Selon le P. Chân Tin, du temps de la féodalité, les serfs, eux, n’étaient pas obligés de chanter les louanges de leur seigneurs comme c’est le cas aujourd’hui.

M. Dô Muoi se plaint des calomnies répandues contre le Parti, en particulier des crimes qu’on lui attribue. Le P. Chân Tin rappelle un par un les massacres effectuées par les divers régimes communistes mondiaux au cours de ce siècle. M. Dô Muoi accuse: « Les forces hostiles calomnient les membres du Parti qui seraient antidémocratiques ». Mais « les forces hostiles » ne font que dire la vérité, réplique le P. Chân Tin qui en profite pour dresser une longue liste de toutes les libertés et droits de l’homme bafouées au Vietnam.

Selon le P. Chan Tin en adoptant le marché libre, le régime n’a pas changé; ses fondements sont restés les mêmes. D’ailleurs le nouveau marché est-il vraiment libre? Le religieux rédemptoriste y verrait plutôt un marché anarchique où règnent le trafic et la fraude, surtout destiné à alimenter les caisses noires de la nomenclature.

L’interview récemment donnée par M. Nguyên Ngoc Lan à Radio France International fait écho, sous une autre forme, à ce constat pessimiste du P Chan Tin. Il y décrit le rôle actuel de la presse au Vietnam, qualifié par lui d’instrumental. Avec beaucoup de force, il dénonce les méfaits causés à la société comme à l’Etat vietnamien, par cet asservissement de la presse.