Eglises d'Asie

Le gouvernement se prépare à bâtir un temple hindou à Ayodhya, les musulmans lui rappellent sa promesse de reconstruire la mosquée détruite

Publié le 18/03/2010




Après la démolition de la mosquée d’Ayodhya en 1992 et les émeutes sanglantes qui l’ont suivie (11), le premier ministre P.V. Narasimha Rao avait promis que la mosquée serait reconstruite et qu’un temple hindou serait bâti en l’honneur du dieu Rama, puisque les destructeurs de la mosquée avaient prétendu qu’elle occupait le site de son lieu de naissance et s’étaient d’ailleurs empressés de lui substituer un sanctuaire de fortune.

Le premier ministre a annoncé le 14 juillet dernier au cours d’une session du Congrès que son gouvernement allait construire le temple hindou. Il n’a fait aucune allusion à la reconstruction de la mosquée. Le 12 août, il a confié la réalisation du projet de temple d’Ayodhya à un comité composé de hauts dignitaires hindous de Sringeri, Dwarka, Jyothirmath et Puri.

Son initiative a provoqué les protestations des musulmans. Pour le président de l’Union indienne des ligues musulmanes, Ebrahim Sulaiman Sait, le gouvernement “impose l’injustice” aux musulmans du pays en abandonnant leur cause légitime. “Le Congrès décide de bâtir le temple en pensant aux élections de novembre prochain dans dix Etats. Nous voulons que la mosquée soit reconstruite à l’endroit où elle étaitLes chefs musulmans ont d’ailleurs prévenu qu’ils n’admettraient pas qu’un temple soit construit sur le site. “La politique du parti du Congrès pour Ayodhya est pro-hindoue” dit un des dirigeants de l’Union indienne des ligues musulmanes, Edappagath Ahmed. “Au lieu de séculariser un conflit interreligieux, Rao a fait venir des ministres de son propre culte pour apaiser sa majorité hindoue. C’est un recul honteux, l’oubli de ses engagements”.

A l’inverse, les militants de l’assemblée mondiale des hindous (Vishwa Hindu Parishad) et du corps national des volontaires (Rashtriya Swayamsevak Sangh) qui poussent à la construction du temple, ne veulent pas du comité constitué par le gouvernement. Les hauts dignitaires de l’hindouisme qui le composent ne sont à leurs yeux que des prête-noms; ils ne leur reconnaissent aucune autorité. Le parti politique de ces militants est le BJP, le Parti du peuple indien, principal parti d’opposition au parlement de l’Inde, qui défend la cause du temple d’Ayodhya comme une cause politico-religieuse.

Selon les commentateurs, la stratégie de Rao a précisément été de mettre en échec les groupes hindouistes du BJP en confiant la réalisation du temple à une autorité hindoue modérée.

Un comité musulman pan-indien qui a déjà remis plusieurs mémorandums au premier ministre Rao sur l’affaire a dit son intention de faire pression par de nouvelles formes d’action pour la reconstruction de la mosquée. En répétant que les musulmans s’opposeront à la construction d’un temple à Ayodhya, un des membres du comité ajoutait : “Il est dommage qu’un parti politique laïque comme le Congrès répande dans le pays le virus du communalisme”.