Eglises d'Asie

Hongkong : la reprise des rapatriements forcés a été accompagnée d’une violence inadmissible

Publié le 18/03/2010




Depuis le mois d’avril 1994 et le traumatisme consécutif à la violente attaque aux gaz lacrymogènes menée par les forces de sécurité de Hongkong contre les pensionnaires de la section 7 du camp de Whitehead, le programme de rapatriement forcé des demandeurs d’asile vietnamiens avait été mis en sommeil. Le gouvernement de Hongkong vient de le réactiver. En deux fois, le 22 et le 23 septembre, 64 demandeurs d’asile vietnamiens, certains visiblement blessés, d’autres drogués, d’autres encore se débattant et criant, ont été embarqués de force sur un avion de transport militaire Hercules C-130 et reconduits dans leur pays.

On aurait pu penser que cette fois-ci la négociation et la compréhension l’auraient emporté sur la violence. D’autant plus qu’un consortium formé par trois organisations indépendantes Christian Action, Oxfam et Refugees concern et bénéficiant du soutien de “Médecins sans frontières”, “Justice et Paix” et “Amnesty international” (14) s’était promis de suivre toute l’opération et de faire respecter les droits des réfugiés. La violence n’a malheureusement pas été évitée et les forces de la police ont employé des méthodes semblables à celles du mois d’avril dernier.

C’est le 15 septembre 1994 que le gouvernement avait annoncé la reprise du programme de rapatriement ordonné (forcé) tout en refusant d’en révéler la date précise (15). Cette annonce coïncidait avec la venue à Hongkong du secrétaire des Affaires étrangères de Grande-Bretagne, Douglas Hurd. La veille, le dirigeant britannique avait rencontré les principaux responsables du gouvernement vietnamien à Hanoi. Avant de quitter la capitale, le 15 septembre 1994, il s’était félicité de la coopération vietnamienne en matière de rapatriement des réfugiés et avait déclaré: “Je suis très satisfait de la coopération que nous avons reçu ces dernières années du gouvernement vietnamien… Nous voulons que le programme de rapatriement continue, sur une base volontaire et ordonnée (16). C’est la politique des autorités de Hong Kong et du gouvernement vietnamien” (17).

A Hongkong, on apprit bientôt que les premiers rapatriements étaient destinés principalement au groupe de pensionnaires transférés au centre de High Island, au mois d’avril dernier, lors de l’intervention barbare de la police. Cette nouvelle fit monter d’un coup la tension parmi la population du camp. Le 16 septembre, le gouvernement précisait qu’un groupe de 82 réfugiés allait être reconduit à Hanoi les 22 et 23 septembre.

Dans un premier temps, il a fallu transférer les personnes désignées pour le rapatriement, du camp de High Island à la prison Victoria. Le 17 et le 18, un premier groupe de cinquante cinq personnes fut déplacé sans opposer de résistance. Mais 26 puis 21 demandeurs d’asile inscrits sur la liste des rapatriés refusèrent absolument de quitter le camp. Dans l’après midi du 19 septembre, 230 agents des services correctionnels pénétrèrent dans le camp tandis que 300 restaient à l’extérieur. Aussitôt des centaines de pensionnaires du camp, bientôt plus d’un millier, se rassemblèrent pour protéger onze réfractaires perchés sur le toit d’une baraque et liés ensemble par des cordages pour ne pas être séparés les uns des autres.

L’affrontement avec la police a duré deux jours. Au cours de la première journée, les forces de l’ordre, à plusieurs reprises, ont vaporisé des gaz spéciaux sur les réfractaires et les manifestants sans réussir à les déloger de leurs positions. Ce n’est que dans l’après-midi du 20 septembre et après avoir déployé des moyens considérables que les forces de l’ordre parvinrent à transférer les futurs rapatriés à la prison Victoria. Au départ de la police, dans la population du camp, on dénombrait 280 blessés, davantage que lors de l’assaut du 7 avril dernier (18). Plus de 200 plaintes pour coups et blessures ont été déposées.

Au sein du consortium chargé de superviser l’opération de rapatriement règne aujourd’hui une grande amertume avec le sentiment d’avoir été floué. Un certain nombre d’organisations qui s’étaient engagées à suivre le rapatriement ont multiplié les déclarations critiquant l’opération policière et mettant en cause la politique gouvernementale de rapatriement forcé (19). Beaucoup ont déploré que le gouvernement n’ait pas tenu compte de la réaction prévisible des réfugiés vietnamiens.

Quelques heures après avoir transporté le deuxième groupe de rapatriés jusqu’à Hanoi, l’avion Hercules C-133 s’est écrasé au moment où il décollait à destination de Jakarta. Tous les membres de l’équipage ont péri dans cette catastrophe qui a causé une forte impression à Hongkong, obligeant le secrétaire à la sécurité, Alistair Asprey, à déclarer que, malgré cela, le gouvernement continuerait à évacuer de tous les réfugiés hors des camps de Hongkong (20).