Eglises d'Asie

Dans l’ensemble les relations entre l’Eglise et l’Etat restent bonnes

Publié le 18/03/2010




L’Eglise catholique de Taiwan a célébré l’année internationale de la famille d’une façon qui ne peut manquer d’impressionner. Au milieu de la foule de 15 000 personnes qui remplissaient le stade Taoyuan le 18 septembre avaient pris place quatre des plus hauts personnages de l’Etat : le Premier ministre, Lien Chan, le ministre de l’intérieur, Wu Poh-hsiung, le ministre des affaires étrangères, Chien Fu, et le secrétaire général du Kuomintang qui est au pouvoir, James Soong Chu-yu. Ces personnalités n’étaient pas là à cause du nombre des catholiques. Les 300 000 catholiques de Taiwan ne sont guère que 1,5 pour cent de la population de l’île. La présence des officiels peut davantage s’expliquer par celle du cardinal Alfondo Lopez Trujillo, président à Rome du Conseil pontifical pour la famille, venu lui aussi à la célébration du stade Taoyuan.

Le Saint-Siège est en effet un des vingt-neuf Etats dans le monde et le seul Etat en Europe occidentale qui reconnaissent Taiwan au plan diplomatique comme la République de Chine. Les discours enflammés des quatre représentants de l’Etat étaient davantage inspirés par le souci de la politique étrangère de la République de Chine que par celui des citoyens catholiques. Tel est l’avis du professeur Thaddée Hsiang Tui-chieh, catholique, professeur de philosophie à l’université nationale de Chenchu jusqu’à son départ en retraite. « Après tout, a-t-il dit au lendemain de la célébration, le Saint-Siège est vraiment pour eux de la plus haute importance pour ce qui concerne les relations avec les pays d’Europe

Mgr Léonard Hsu Ying-fa, évêque auxiliaire de Taipei, pense que « les relations entre l’Eglise et l’Etat sont bonnes en général parce que la loi protège les religionsAux termes de la constitution tous les citoyens sont égaux devant la loi, sans égard aux différences de sexe, de religion, de race, de classe ou d’appartenance à un parti (article 7). Et les gens ont la liberté de croyance religieuse (article 13). Mgr Hsu ne croit pas que les bonnes relations d’aujourd’hui entre l’Eglise et l’Etat changeront bientôt, mais il ajoute : « Nous ne savons pas comment les choses tourneront si le parti progressiste démocratique qui est dans l’opposition vient au pouvoir

Le théologien jésuite Marc Fang Chih-jung estime qu’en comparaison avec la Chine continentale, la liberté religieuse à Taiwan a un contenu positif : l’Etat veut aider ceux qui servent les aspects moraux et spirituels de la société, de sorte que ses relations avec l’Eglise se sont réchauffées depuis quelques années.

Pour un autre jésuite, le père Richard Wang Chih-hung, secrétaire de la commission Justice et Paix des supérieurs religieux majeurs de Taiwan, le gouvernement se préoccupe d’une façon générale du développement de l’Eglise, mais « qu’il y ait un profit en jeu, ils se contentent de mettre la main dessusLe père Wang explique que les missionnaires venus à Taiwan dans les années 50 en même temps que les catholiques originaires du continent, qui sont maintenant la moitié de la population catholique, s’identifient fortement avec le Kuomintang ou les nationalistes. A son avis, le Kuomintang contrôle encore l’Eglise, parce que les décisions de l’Eglise sont prises par le clergé âgé originaire du continent qui garde l’autorité dans la hiérarchie de l’Eglise. Ce qu’il faudrait, dit le père Wang, c’est donner davantage d’attention à la participation des laïcs.

Les relations entre l’Eglise et l’Etat ont subi un test au mois d’avril quand un projet d’urbanisme qui prévoyait la démolition d’une église catholique a fait surgir un conflit d’intérêts (12). Le pape Jean-Paul II serait lui-même intervenu en juin, demandant que l’église ne soit pas sacrifiée au tracé d’une route. Le père Vincent Ly Tsai-ching, qui dessert de l’église de Hailuo menacée de destruction, croit que le projet officiel révèle que le gouvernement n’a pas un vrai respect de l’Eglise. « La minorité catholique, dit-il, ne peut pas influencer la politique, parce que l’Etat met le progrès industriel et les profits au dessus des valeurs spirituelles

Dans cette affaire, Hsiang, le professeur de philosophie en retraite, considère que l’action de l’Etat à l’égard de l’Eglise catholique est restée dans le cadre constitutionnel. Mais il note un autre facteur. Le gouvernement ne perd pas de vue que les bouddhistes sont devenus plus unis depuis quelques années. Il prend garde de ne pas susciter leur colère en favorisant trop les catholiques, surtout à l’approche des élections aux postes de maires et de gouverneurs.