Eglises d'Asie

LA PENSEE DE HO CHI MINH SUR LA RELIGION

Publié le 18/03/2010




Les idées de Hô Chi Minh en matière de religion et d’action religieuse constituent une part importante de son héritage. Notre exposé voudrait retenir un certain nombre de traits qui les caractérisent.

Avant tout, Hô Chi Minh a considéré la religion comme l’héritage culturel de l’humanité. Il est parvenu à cette conception grâce à un cheminement au cours duquel il a accueilli, trié et développé toutes les valeurs culturelles de l’humanité au service de la glorieuse oeuvre révolutionnaire accomplie par notre peuple sous la direction du Parti. Son analyse et sa conception du phénomène religieux ont constitué pour nous un fondement et une inspiration. Elles ont été la boussole qui a guidé notre action en matière religieuse pendant près d’un demi-siècle.

Aux premiers jours de la résistance anticoloniale, il écrivait: « Au coeur de la doctrine confucéenne, il y a formation à la morale individuelle. Au coeur de la doctrine de Jésus, il y a la charité. Au coeur de la doctrine de Marx, il y a la dialectique. Au centre de la doctrine de Sun Yat sen, il y a la politique des « Trois peuples ». Ces quatre personnages historiques, Confucius, Jésus, Marx, Sun Yat Sen, n’auraient-ils donc rien en commun ? Ils ont cherché tous les quatre le bien commun pour l’humanité, pour la société … S’ils étaient encore en vie et s’ils se rencontraient quelque part, je suis persuadé qu’ils décideraient de vivre ensemble en totale harmonie, comme des amis intimes. Je m’efforce d’être l’humble élève de ces grands hommes. »

Naturellement, le fait d’affirmer la sublimité des idéaux religieux ne signifie pas qu’il confondait le matérialisme avec le spiritualisme. Il a même dit une fois: « Il est clair que le matérialisme et le spiritualisme sont contraires l’un à l’autreMais il a aussi affirmé que ce n’est pas pour cela que l’on doit se disputer, se soupçonner ou se battre. Il est nécessaire de respecter la liberté de croyance. Au mois de mars 1955 (2), alors qu’il parlait devant le Congrès des catholiques patriotes, réunis à Hanoi, il se confia très franchement: « Vous savez tous que je n’ai pas de religion. En tant que communiste, j’adhère au marxisme-léninisme. J’ai sacrifié ma vie à la lutte pour l’indépendance de la patrie et la liberté de mes compatriotes. Aujourd’hui, le pays est libéré du joug colonialiste, le peuple jouit de la liberté, de l’indépendance et de la liberté. Le Parti, le gouvernement et moi-même faisons en sorte que la population soit rassasiée et bien vêtue, que nos enfants étudient, que les malades puissent se procurer des médicaments et être soignés dans les hôpitaux, que le niveau de la vie spirituelle et matérielle se stabilise et s’élève, afin d’édifier une nation prospère, qui lutte pour la paix et l’unification dans un pays où le Nord et le Sud seront rassemblés. Vous partagez tous ces soucis; en quoi cela pourrait-il être contraire à votre religion, à l’enseignement du Seigneur Jésus? Vos fidèles, nos compatriotes, eux aussi doivent se nourrir, se vêtir, étudier et se soigner; tout le monde désire des conditions de vie paisibles et améliorées, le bonheur d’une famille rassemblée … Quant à la religion, à la récitation des prières, le gouvernement vous laisse libre à condition de ne commettre rien d’illégal et de pas faire obstacle au bien commun du peuple et du pays. »

Cette déclaration montre bien que le président Hô Chi Minh a saisi très distinctement la valeur humaine de la religion. Sous de nombreux aspects, la pensée religieuse concorde avec les idéaux des communistes; la morale religieuse comporte de nombreux points dont la signification est positive pour l’éducation de l’homme nouveau. La prise en compte des éléments moraux positifs, des aspects humanistes et de la foi en l’homme que recèlent les religions a conduit Hô Chi Minh à toujours préconiser le respect des croyances et des besoins religieux du peuple.

Le 3 septembre 1945, dès le lendemain de la proclamation de l’indépendance du Vietnam, au cours de la première réunion du gouvernement, il exposait les six tâches urgentes incombant à la république démocratique du Vietnam. La sixième tâche était ainsi énoncée: « Le colonialisme et le féodalisme ont mis en oeuvre une politique de division entre nos compatriotes croyants et non-croyants pour mieux asseoir leur domination. Je propose que le gouvernement proclame la liberté de croyance et l’union des croyants et des non-croyants

La première constitution de la république socialiste du Vietnam et l’appel de Hô Chi Minh à la résistance du pays tout entier insistent aussi sur ce point. Le 3 mars 1951, dans une déclaration finale du congrès destiné à présenter le Parti des travailleurs, il disait: « Nous voulons faire la clarté sur deux points, pour éviter toute ambiguïté et d’abord au sujet de la question religieuse : le Parti des travailleurs respecte entièrement la liberté de croyance de chacun … »

Le 14 juin 1955, en qualité de président de la République démocratique du Vietnam, Hô Chi Minh a signé le décret n° 234/SL du gouvernement sur la question religieuse. Le premier chapitre s’intitulait: « Garantie de la liberté de croyanceSon premier article déclarait: « Le gouvernement garantit la liberté de croyance et la liberté de culte du peuple. Personne ne peut porter atteinte à ce droit. Chaque Vietnamien jouit du droit d’adhérer ou de ne pas adhérer à une religion ».

Ses idées n’ont jamais changé et il les a appliquées en toute franchise avec de remarquables résultats. Sainteny, représentant du gouvernement français de 1945 à 1947, a confirmé cette sincérité de Hô Chi Minh à l’égard des religions: « Personnellement, je dois dire je n’ai jamais remarqué dans les projets de Hô Chi Minh la moindre trace, aussi mince soit-elle, d’agressivité, de défiance ou encore de moquerie à l’égard de la religion ». L’union sans distinction des croyants et non-croyants, c’est un des éléments fondamentaux de la pensée de Hô Chi Minh en matière religieuse.

Grâce à son acceptation des valeurs humaines de la religion, à son respect de la liberté de croyance, il a réalisé l’union du peuple tout entier au service de la révolution, du salut du pays et de la mise en place de conditions d’existence prospères et heureuses. L’union sans distinction des croyants et des non-croyants était constitutive de son idée-force qu’il exprimait ainsiUnion, union, grande union. Réussite, réussite, grande réussite

Alors même qu’il militait à l’étranger, il n’a cessé d’appeler tout le monde à l’unité sans faire de différence entre les croyants et les non-croyants, entre les Vietnamiens et les minorités ethniques, entre le centre, le nord et le sud. Plus particulièrement, il ne cessait d’exhorter ses compatriotes catholiques à accomplir de leur mieux les devoirs que leur imposaient la vénération du Seigneur et leur patriotisme, et de régler dans l’harmonie les rapports entre le citoyen et le croyant, entre le profane et le sacré.

Depuis toujours, notre peuple accorde une grande importance à la solidarité dans le village ou dans la communauté nationale. C’est un des éléments qui a animé en permanence notre résistance aux invasions étrangères. Hô Chi Minh a encore élargi les rangs de ceux qui devaient s’unir ensemble, en appelant  » tous ceux qui se reconnaissent encore comme les fils du peuple vietnamienIl a pu ainsi écarter dans certaines circonstances les divergences nées d’intérêts particuliers pour rassembler tout le monde au service du bien commun.

« La grande union » n’a pas été seulement un slogan mais une idée grandiose qui fait suite au fameux appel de Marx et Engels en lui donnant un développement : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous! ». Au mois d’août 1962, Hô Chi Minh vint rendre une visite à des cadres réunis pour un stage organisé par le comité central du front patriotique. Il leur parla de la question religieuse: « Il faut créer une union étroite entre nos compatriotes non-croyants et les croyants de toutes religions, pour qu’ensemble ils vivent dans la concorde et la prospérité. Il faut appliquer correctement la politique de liberté de croyances à l’égard de toutes les religions ».

Dans une lettre envoyée aux représentants des fidèles du Nord Vietnam (ils étaient 350 appartenant à de nombreuses paroisses), il a affirmé qu’un bon catholique devait être aussi un bon citoyen. Vénérer le Seigneur et aimer la patrie sont, pour lui, deux devoirs inséparables l’un de l’autre. Il a aussi écrit: « On trouve dans les Ecritures: ‘la volonté du peuple c’est la volonté de Dieu’. La voie du patriotisme sur laquelle s’avancent nos compatriotes est entièrement conforme au bon droit. Je souhaite que vous tous, les évêques et les prêtres encouragiez vos fidèles à se livrer à des tâches utiles à la nation et au peuple. Grâce à l’union des croyants et des non-croyants et de la population toute entière, à l’assentiment de tout le pays, notre peuple triomphera dans sa lutte pour la paix et de l’unification de la patrie, pour l’édification d’un Vietnam pacifié, unifié, indépendant, démocratique et prospère ».

Tout de suite après la proclamation de l’indépendance par Hô Chi Minh, la grande majorité des croyants de toute religion répondit avec enthousiasme à l’appel du mouvement patriotique, en collectant de l’or pour soutenir le gouvernement, en participant à la résistance. Beaucoup se souviennent encore du geste de Mgr Hô Ngoc Can (3) qui, au cours de la « Semaine de l’or », avait offert sa croix pectorale en or pour l’édification du pays. L’idée-force de l’union des croyants et des non croyants fut précisément un des éléments qui contribua d’une façon importante à la victoire de la résistance anti-française.

(…) Cependant Hô Chi Minh a résolument critiqué les activités se servant de la religion et de la liberté de croyances pour encourager l’opposition à l’oeuvre révolutionnaire du peuple, et porter atteinte aux intérêts communs du pays et du peuple. Il a proposé de nombreuses solutions pouvant faire obstacle à cette utilisation des croyances religieuses, en particulier la plus importante, celle qui consiste à légaliser la politique de liberté religieuse. C’est ainsi que la première constitution de 1946 a inscrit dans un article particulier la liberté de croyance ainsi que l’unité des croyants et des non-croyants. Le décret du mois de juin 1955 déclare à l’article 1 du chapitre 1: « Personne ne peut porter atteinte à ce droit » et à l’article 7: « La loi punit ceux qui, sous prétexte de religion, sabotent la paix, l’unité, l’indépendance et la démocratie, propagent une propagande belliciste, s’en prennent à l’unité, empêchent les croyants d’accomplir leurs devoirs civiques, portent atteinte à la liberté de croyance ou de pensée des autres, ou encore accomplissent d’autres actions illégales ».

Il a félicité et mobilisé les membres du clergé qui se sont engagés dans l’oeuvre révolutionnaire de la nation, y compris les ecclésiastiques français ou chinois qui se sont montrés exemplaires par leur vénération du Seigneur et l’amour de la patrie. Il n’a cessé de rappeler aux cadres d’appliquer correctement la politique religieuse et de ne pas porter atteinte au droit de liberté religieuse du peuple, de dévoiler tous ceux qui utilisent la religion pour s’opposer au peuple et au régime.

Dans une lettre envoyée à Mgr Lê Huu Tu (4), Ho Chi Minh exaltait la liberté de croyance « Quiconque viole la constitution et provoque nos compatriotes catholiques sera traduit devant le tribunalIl écrivait aussi: « Personnellement, je n’ai jamais pensé que les catholiques s’opposeraient au Vietminh. Je crois au contraire qu’ils sont attachés à l’indépendance de leur patrie et à une entière liberté de croyances. je crois aussi que chacun est fidèle à cette devise: « Servir le Seigneur et la patrie' ».

Souvenons-nous aussi des paroles prononcées à la suite de la vague de départs de nos compatriotes catholiques qui, en 1954, se sont réfugiés au sud. Il a clairement énoncé la politique du pays pour que nos compatriotes réfugiés soient pleinement rassurés : « Je tiens à le répéter a mes compatriotes: notre gouvernement respecte sincèrement la liberté de croyances. A l’égard des fidèles qui ont fait l’erreur de s’enfuir au sud, il a ordonné aux autorités régionales de garder soigneusement leurs terres et leurs biens pour les leur rendre à leur retour« .

(…)Grâce à sa très profonde humanité et à son intelligence éclairée, Hô Chi Minh nous a laissé un très précieux enseignement en ce qui concerne la compréhension des questions religieuses et la manière de leur donner une solution. Cet enseignement garde toute sa valeur pour l’ensemble du Parti et du peuple dans le travail religieux actuel. Alors que dans le cadre de l’édification et de la défense de la patrie, nous sommes affrontés à une nouvelle époque, à de nouvelles situations, aux exigences de la normalisation politique et de l’union populaire, les leçons de Hô Chi Minh revêtent une signification encore plus grande.