Eglises d'Asie

Les bouddhistes font interdire un livre offensant pour leur religion

Publié le 18/03/2010




Les milieux bouddhistes proches du gouvernement viennent de réagir très vivement à la publication d’une nouvelle, portant le titre « Duong Tang » (Le moine Tang), jugée offensante pour leurs convictions religieuses. L’oeuvre incriminée est contenue dans un recueil intitulé « Quarante histoires vraiment courtes », publié par la très officielle « Association des écrivains » et rassemblant de courts récits, tous présentés à un concours littéraire organisé par le revue « Le monde nouveau ». C’est précisément la nouvelle, « Le moine Tang », librement inspirée du roman chinois du 16e siècle, « Le pèlerinage d’Occident » (Si-yeou-Ki) (25) qui a reçu le premier prix.

Dans une lettre envoyée au Comité populaire de la ville, le 10 octobre 1994, et intégralement publiée par la presse officielle (26), le dirigeant de l’Eglise bouddhique du Vietnam (Eglise patronnée par l’Etat) à Hô Chi Minh-Ville, le vénérable Thich Tri Quang, affirme que l’attribution du prix littéraire à Truong Quoc Dung, l’auteur de cette nouvelle, a semé le trouble et l’agitation parmi les adeptes du bouddhisme, « une religion qui depuis toujours a efficacement contribué à l’édification et à la défense de la patrie ».

La lettre reproche d’abord à l’oeuvre primée de caricaturer la personnalité d’un religieux du septième siècle, particulièrement vénéré dans le bouddhisme chinois et vietnamien, Trân Huyên Trang (en chinois Hiuan Tsang) (27). Elle accuse ensuite l’auteur de la nouvelle d’avoir gravement déformé deux des réalités les plus sacrées pour ses coreligionnaires. L’oeuvre présente Bouddha comme un personnage éloigné de l’humanité, dépourvu d’affectivité et d’âme, et décrit le nirvana sous l’aspect d’un lieu peuplé de démons. La publication de cette nouvelle constitue, selon le religieux, une violation flagrante à la loi sur l’édition, publiée en septembre 1993. En conséquence, le dirigeant bouddhiste demande aux autorités de faire définitivement retirer la nouvelle du recueil la contenant et d’interdire toute publication ultérieure. Il propose aussi que les organisations officielles responsables de la parution de cette oeuvre « inopportune » procèdent à leur autocritique publique.

Du côté gouvernemental, la réaction a été immédiate. Le 4 octobre 1994, le ministère de la culture et des communications, par le décret 2681/QD.VHTT, ordonnait de cesser la diffusion du recueil contenant la nouvelle et demandait au directeur de la maison d’édition de l’Association des écrivains de faire son autocritique. Le 7 octobre suivant, à Hô Chi Minh Ville, le Comité populaire de la ville, à son tour, ordonnait de suspendre la diffusion du livre sur le territoire de la ville.

L’Association des écrivains vietnamiens n’a pas encore commenté cette affaire. Son porte-parole s’est contenté de déclarer que son association avait reçu la plainte bouddhiste et lui donnerait une réponse dans les meilleurs délais (28).